Face à la crise, « chercher des voies nouvelles »
9 juin 2010 at 4:34 Laisser un commentaire

Face à la crise du capitalisme, qu’est-ce qui fait aujourd’hui débat au sein des forces de gauche européennes ?
Francis Wurtz. Un certain nombre de gouvernements socialistes, impliqués dans l’appareil européen, partageaient déjà l’obsession de la chasse aux déficits publics avant la crise. Les mêmes ont avalisé des plans d’austérité sans précédent… Néanmoins, deux grands clivages subsistent au sein de la gauche. Le premier oppose ceux qui font leur les règles libérales à ceux qui ne se contentent pas de critiquer leurs excès, mais qui les contestent absolument. Le deuxième concerne le pouvoir sur l’argent. Certains parlent de « régulation », mais la question doit être celle des pouvoirs qui sont confiés aux salariés et aux citoyens. C’est un préalable nécessaire si l’on veut que le rapport de forces dans la conduite de l’économie évolue. Les débats autour du traité de Lisbonne ont d’ailleurs illustré ces clivages. Notre famille politique a contesté l’inscription des canons du libéralisme économique dans le marbre du traité, alors qu’une majorité de la gauche européenne l’a approuvé.
Les traités européens portent-ils la responsabilité de la crise actuelle ?
Francis Wurtz. Oui, les traités et ceux qui les ont écrits sont coresponsables de la crise actuelle. Ils ont donné le pouvoir aux marchés. Toutes les enquêtes d’opinion, les mobilisations sociales qui se multiplient aujourd’hui partout en Europe montrent le rejet massif des politiques conduites par les gouvernements au nom du respect des traités européens. Face à quoi l’ancien commissaire européen Mario Monti, prenant acte que le marché unique n’a jamais été aussi impopulaire, a répondu qu’il fallait davantage de concurrence !
Les députés français ont récemment entériné les plans d’aide à la Grèce et de sauvegarde de l’euro. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Francis Wurtz. Avaliser des solutions qui non seulement vont coûter extrêmement cher sur le plan social aux peuples concernés, mais aussi au plan économique, donner son feu vert à l’intervention du FMI est d’une inconséquence totale. Joseph Stiglitz, économiste libéral, dit lui-même : « Attention, avec l’austérité, on va dans le mur ! Vous faites mal aux populations et vous ne pourrez pas rembourser, car vous cassez la croissance ! » Les communistes ont estimé que c’était inacceptable et ont donc voté contre. Globalement, les gens sont révoltés contre ce type de solutions. Il faut désormais que cela se traduise au niveau des choix.
Pour répondre à la crise du capitalisme, certains évoquent l’idée d’une nouvelle gouvernance, voire d’une sortie de l’euro. S’agit-il de solutions ?
Francis Wurtz. Le terme de gouvernance est piégé. Quand madame Merkel l’évoque aujourd’hui, elle vise à renforcer la surveillance des politiques économiques et budgétaires des États membres par l’Union européenne. Il y a là un fil rouge, celui de la dépolitisation de l’économie et l’idée que les grandes décisions ne feraient plus l’objet d’un choix démocratique des peuples. Cela pose la question des droits des salariés, des citoyens, des élus, de la souveraineté populaire au sens large.
Quant à la sortie de la zone euro, c’est une fausse bonne solution. Si la Grèce venait à quitter la zone euro, elle aurait à rembourser une dette très lourde en monnaie de singe et avec tous les spéculateurs du monde sur le dos. L’Europe doit soustraire son développement aux marchés financiers. Dans cette perspective, la Banque centrale a un rôle à jouer, notamment en servant les États, non plus les banques. Elle favoriserait ainsi la création de richesses, au service du progrès social, de l’emploi, de l’environnement…
Comment faire entendre cette alternative ?
Francis Wurtz. Face à ce démantèlement structurel des acquis de plusieurs générations, il faut mener des mobilisations et une bataille d’idées au niveau exigé par les circonstances, pour enrayer la logique actuelle et faire progressivement avancer une logique alternative. Le forum organisé ce week-end à l’initiative de Patrick Le Hyaric tombe à pic, dans la mesure où les participants constituent un éventail assez pluriel d’hommes et de femmes qui ont en commun de chercher des voies nouvelles. Il est très important de permettre aux points de vue de se confronter en articulant les débats politiques sur l’action. Je suis offensif, parce que l’expérience vécue par tout le monde fait sauter des blocages et favorise la réflexion politique et parfois avec un niveau d’exigence inattendu.
Entretien réalisé par Cyril Charon
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