Angela Merkel et les « vacanciers » du Sud
27 mai 2011 at 1:11 1 commentaire
«Il faudrait que, dans des pays comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal, on ne parte pas à la retraite plus tôt qu’en Allemagne, que tous fassent un peu les mêmes efforts, c’est important », a lancé Angela Merkel, la semaine dernière, ajoutant, dans la foulée, une autre diatribe contre ces pays du Sud où les gens ont « beaucoup de vacances » alors que les Allemands en ont « très peu ». « Oui, l’Allemagne aide, a-t-elle martelé, mais elle n’aide que si les autres font aussi des efforts palpables. » Fermez le ban.
Voilà un modèle de populisme antieuropéen : la dirigeante parle « comme les gens » et met dans leur bouche des « explications » à leurs problèmes qui épargnent les vrais responsables en accablant les victimes. Qui, en effet, est coupable du fait que le pays le plus riche d’Europe fixe la durée de ses congés obligatoires à 20 jours et l’âge de départ à la retraite à 67 ans ? En outre, en insistant sur le principe, apparemment équitable, du « donnant-donnant » (l’« aide » de l’Allemagne contre « des efforts palpables » des peuples grec, portugais et espagnol), elle fait passer comme une évidence indiscutable un mensonge criant. Non, l’Allemagne n’« aide » pas ces peuples, elle vole au secours des banques allemandes créancières de ces États, en particulier la Grèce, et tente d’éteindre l’incendie qui risque de faire exploser une zone euro dans laquelle – avec son fonctionnement actuel – les grands groupes allemands trouvent largement leur compte. Quant aux « efforts palpables » demandés aux peuples du sud de l’Europe, de quoi s’agit-il ?
Prenons le cas de la Grèce, puisque c’est elle qui est, en premier lieu, dans la ligne de mire de la chancelière. Baisser les salaires ? Reculer l’âge de la retraite ? Geler les pensions ? Augmenter la TVA ? Allonger la durée du travail des fonctionnaires ? Fermer des écoles, des hôpitaux, des postes de police ? Tout cela a déjà été fait ! Privatiser l’eau, le gaz, l’électricité, la poste, les chemins de fer, la loterie nationale ; placer sous concession privée des ports, des aéroports, des marinas et d’autres atouts touristiques, c’est en cours ! Alors, quels autres « efforts » pour ce peuple meurtri ? Où doit s’arrêter le dépeçage du pays, ancien « berceau de la démocratie » ? Ce dont rêvent Mme Merkel et ses semblables serait de pouvoir se débarrasser de ces boulets en les boutant hors de la zone euro, mais les conséquences en chaîne d’un tel séisme risqueraient d’être dévastatrices pour toute la zone. Alors, on pressure les plus faibles : les taux d’intérêt pour les emprunts à 2 ans de la Grèce ont bondi, la semaine dernière, à… 25 % ! La leçon vaut aussi pour le Portugal et l’Espagne. Merci pour votre « aide », Madame Merkel. Bravo pour votre silence, Monsieur Sarkozy.
Pendant ce temps, en Espagne, où le gouvernement Zapatero avait devancé les attentes des créanciers d’« efforts palpables » (gel des pensions, baisse des salaires, suppression d’une aide de 400 euros aux chômeurs en fin de droits, allongement de l’âge de la retraite à 67 ans…), le trop-plein est atteint. La grande place de la Puerta del Sol de Madrid se transforme en une sorte de « place Tahrir » espagnole. On ne sait pas où va conduire ce mouvement, très jeune et largement spontané. Ce qu’on sait à ce jour, c’est que ses revendications sont aussi les nôtres : la fin de la « dictature des marchés » et des mesures d’austérité ; le droit à un emploi, à un logement, à la dignité ; « une démocratie réelle maintenant » ; un « changement de système » et non une alternance dans la continuité. Vérité au-delà des Pyrénées… et aussi en deçà.
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1.
Citoyen | 16 juin 2011 à 8:30
Quels sont les noms des banques créancières de la grèce. On ne les cite jamais, qui sont elles ?