La face cachée des « eurobonds »
4 septembre 2011 at 9:24 Laisser un commentaire
L’Euro et l’Europe actuels sont « au bord du gouffre » (Jacques Delors), mais leurs dirigeants et leurs idéologues ne peuvent se résoudre à envisager une refondation de cette construction. Alors, ils échafaudent une cascade de « solutions » qui ont toutes pour points communs d’abord de chercher à « rassurer les marchés financiers », ensuite de considérer comme la priorité absolue la lutte acharnée contre les déficits au détriment du développement social, enfin de préconiser une concentration de pouvoirs coercitifs au plus haut niveau (européen), court-circuitant de fait les organes démocratiques nationaux et
la souveraineté populaire.
Dans ce contexte, la panacée en cette rentrée semble être la création d’« eurobonds » (obligations européennes). Il s’agirait de mettre en commun une partie de la dette de tous les
pays de la zone euro et d’émettre dès lors des titres de dettes non plus au nom d’un État mais de toute la zone. On mélangerait ainsi des dettes très recherchées par les « investisseurs », car sans risque, et des dettes de pays aux finances fragiles mais désormais garanties par les autres États. Dès lors, le taux d’intérêt – uniforme – exigé par les créanciers serait moins élevé que celui imposé aujourd’hui à la Grèce ou à l’Espagne, mais certainement plus haut que celui concédé jusqu’ici à l’Allemagne (et à la France).
Voilà donc une mesure qui a l’apparence de la « solidarité européenne », sinon la marque de la gauche… D’ailleurs, le PS, toutes tendances confondues, en est partisan. Daniel Cohn-Bendit tout comme Eva Joly s’en réclament. Les socialistes allemands et grecs sont unis pour l’exiger. Il faut pourtant y voir de plus près. D’abord, les « marchés », eux aussi, trépignent d’impatience d’en disposer, et les premiers à avoir lancé l’idée sont M. Juncker, le président du groupe des ministres des Finances de la zone euro, et M. Trémonti, le grand argentier du gouvernement Berlusconi.
Ce ne sont pas des références indiscutables…
Mais surtout, si l’Allemagne était finalement poussée à accepter d’affaiblir sa propre position sur les marchés en intégrant à sa dette AAA des dettes de pays financièrement menacés, on a froid dans le dos en imaginant la contrepartie imposée à ces derniers ! Leur politique économique et budgétaire, leur législation sociale et un solide programme de privatisations seraient immanquablement pilotés d’en haut au nom d’une « gouvernance européenne » capable d’inspirer confiance aux « investisseurs »… Un tel saut dans le renoncement à la démocratie et à la souveraineté serait à la « règle d’or » ce que le plat de résistance est au hors-d’œuvre. À gauche, les thuriféraires des « eurobonds » seraient donc bien inspirés de dévoiler les deux faces de la médaille et de passer de l’illusion d’un aménagement de l’« Europe » actuelle à sa profonde transformation.
Cet été, trois personnages hors du commun nous ont quittés : Léo Figuères, maire honoraire de Malakoff (Hauts-de-Seine), figure de la Résistance et du combat anticolonial, s’est éteint à 93 ans ; Serge Tarassioux, jeune et brillant maire de Pierre-Bénite (Rhône) « incarnant une nouvelle génération d’élus et de responsables », a été foudroyé par un infarctus à 41 ans ; Allain Leprest, poète et chanteur révolté, écorché et généreux, ami de Jean Ferrat et cher à notre cœur à tous, s’est donné la mort à 57 ans. Trois communistes, différents par leur âge, leur sensibilité, leur parcours, mais dont l’engagement force dans chaque cas le respect et la sympathie. Comme tous leurs innombrables amis, je voulais leur rendre hommage.
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