75 ANS APRÈS : TIRER LES LEÇONS D’ HIROSHIMA
7 août 2020 at 5:53 Laisser un commentaire

Ce 6 août 2020, l’évocation du crime terrifiant commis à l’initiative du Président des Etats-Unis à Hiroshima puis à Nagasaki il y a 75 ans devrait être l’occasion de clarifier la raison profonde qui poussa Harry Truman à prendre cette sinistre décision.
Si, à partir de 1938, les recherches initiales sur la « Bombe » visaient, selon le Président Roosevelt, à « éviter qu’Hitler ne la possède en premier », la décision de son successeur de l’utiliser réellement, en 1945 -alors que le régime nazi était anéanti- fut d’une tout autre nature ! On ne le sait pas assez : nombre d’historiens -y compris américains- ont éclairé de longue date la véritable mission assignée par la Maison-Blanche au largage de cette arme terrifiante…quatre jours après la fin de la Conférence de paix de Potsdam entre trois des puissances victorieuses -USA, URSS et Grande-Bretagne ! Il s’agissait, en fait, pour Washington de signifier de la façon la plus spectaculaire possible à l’Union soviétique et au monde que le temps de la grande Alliance entre l’Ouest et l’Est était révolu et que désormais l’hégémonie des Etats-Unis sur le reste du monde ne souffrirait plus de contestation ni même de comparaison. La résistance du Japon n’était qu’un prétexte. Rappelons que, conformément à la demande formulée avant sa mort prématurée par le Président Roosevelt à Staline, Moscou s’était engagée à entrer en guerre le 9 août contre le Japon pour contribuer à la reddition de la dernière puissance ennemie. Le largage des deux bombes atomiques ouvrit la voie à près d’un demi-siècle de « guerre froide » et à la dangereuse et ruineuse course aux armements qui s’ensuivit.
La disparition de la puissance concurrente , en 1991, n’épuisa pas pour autant l’irrépressible soif d’hégémonie du pouvoir américain. Nul mieux que le Président Bush-sénior ne l’exprima aussi clairement, sinon ingénument, tant la chose lui parut naturelle : « Un monde jadis divisé en deux camps armés reconnaît aujourd’hui la suprématie d’une seule puissance, les Etats-Unis » (1). Lorsque, une quinzaine d’années plus tard, le Président Obama brisa un tabou en se rendant à Hiroshima et en appelant de ses vœux « un monde sans armes nucléaires », on se mit à espérer un tournant historique. Hélas, le pire était à venir avec l’arrivée au pouvoir de l’ubuesque Trump.
En l’espace de deux ans, celui-ci ne torpilla pas moins de trois accords internationaux majeurs en matière de dénucléarisation et de coopération multilatérale de non-prolifération : le traité FNI sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (conclu en 1987 entre Reagan et Gorbatchev); le traité « Ciel ouvert » qui permet depuis 2002 aux 34 Etats signataires d’effectuer des survols d’observation comme mesure de confiance réciproque ; et bien sûr l’ Accord de Vienne de 2015 sur le nucléaire iranien. Et ce jeu de massacre n’est pas arrivé à son terme : si le temps de nuisance qui lui reste lui en laisse le loisir, Trump peut encore mettre à exécution sa menace de refuser de prolonger le traité américano-russe « New Start » qui limite jusqu’en février 2021 le nombre d’armes nucléaires stratégiques, prêtes à l’emploi, de chacune des deux puissances. Que disent ses « alliés » de pareille gestion de la sécurité de notre monde, en ce jour de commémoration ?
—————(1) Discours sur l’état de l’Union (janvier 1992)
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