Archive for septembre, 2024
« CATASTROPHE IMMINENTE » AU LIBAN ?
En ce 21 septembre, « journée internationale de la paix », la tension monte dangereusement au Liban. « La région est au bord d’une catastrophe imminente » prévient la coordinatrice de l’ONU à Beyrouth. La population est encore sous le choc de ce qu’on appellerait certainement ailleurs un attentat terroriste de masse -visant des porteurs de bipeurs ou de talkies-walkies- qui s’est soldé par des dizaines de morts et plusieurs milliers de blessés, dont de nombreux civils non combattants. On voyait bien depuis quelques temps qu’en multipliant les assassinats de cadres du Hezbollah, Netanyahu cherchait à tout prix l’affrontement, quitte à provoquer la régionalisation du conflit. Alors qu’un cessez-le-feu à Gaza suffirait à arrêter l’engrenage, il choisit l’escalade. Gallant, son ministre de la Défense -celui pour qui les Palestiniens sont des « animaux humains »- a annoncé à ses troupes stationnées près de la frontière libanaise : « Nous terminons la formation de toutes les unités pour une opération terrestre dans tous ses aspects »…Le résultat est qu’à la frappe israélienne « ciblée » -…qui a fait 45 morts !- visant un groupe de cadres du Hezbollah a répondu une salve de 115 roquettes du mouvement libanais sur le Nord d’Israël causant plusieurs blessés et poussant des centaines de milliers de personnes vers les abris, ce qui justifiera une nouvelle riposte encore plus meurtrière…« La guerre est là. Elle souffle sur notre nuque. Elle nous nargue avec le vrombissement de ses drones et le son foudroyant de ses avions. Elle s’invite à Beyrouth après avoir confisqué le Sud pendant près d’un an. Où et comment s’arrêtera-t-elle? Qu’emportera-t-elle sur son passage? » écrit le grand quotidien libanais « L’Orient-Le Jour », traduisant la profonde angoisse de tout un peuple. C’est qu’une nouvelle guerre avec leur puissant voisin, les Libanais ne savent que trop quel traumatisme cela représenterait pour eux : le souvenir de l’enfer de 2006 est ineffaçable.
J’avais, à l’époque, évoqué en ces termes, au Parlement européen, les traits les plus saillants de ce cataclysme : « …L’armée israélienne a écrasé le Liban 34 jours durant, ne faisant, selon les termes de Human Rights Watch aucune distinction entre les civils et les objectifs militaires; provoquant le déplacement forcé du quart de la population; imposant un blocus total au pays; visant délibérément -a souligné Kofi Annan (alors Secrétaire général de l’ONU)- et tuant des observateurs de la force internationale de maintien de la paix; détruisant, aux dires du Programme des Nations unies pour le développement, 15 000 logements et 78 ponts; anéantissant les infrastructures vitales du pays -ports, aéroports, centrales électriques…-; provoquant une gigantesque marée noire; utilisant des obus pouvant contenir jusqu’à 644 engins explosifs, dont 100 000 continuent à tuer aveuglément hommes, femmes et enfants »…(1).
Face au risque d’une réitération d’une telle sauvagerie dans un pays déjà à terre et à la menace d’un embrasement général au Moyen-Orient, on est sidéré par la mollesse de la réaction des puissances occidentales -à commencer par celle qui fournit les armes qui tuent et mutilent à Gaza, en Cisjordanie et au Liban ! A quand, l’embargo sur les armes et les munitions ! A quand les sanctions ! A quand la fin de ce détestable « deux poids-deux mesures » qui, en alimentant la rage est le meilleur carburant de la radicalisation ! Que les bouches s’ouvrent !
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(1) Intervention de Francis Wurtz au Parlement européen (extraits) 7 septembre 2006.
LE 9ème FORUM CHINE-AFRIQUE : UN ÉVÉNEMENT MONDIAL
Tous les trois ans, depuis 2000, se tient un important « Forum sur la coopération sino-africaine ». Celui qui vient d’avoir lieu à Pékin, du 4 au 6 septembre derniers, mérite, pour de multiples raisons, de retenir notre attention.
D’abord, sur les plans « géopolitique » et diplomatique, il s’agit indéniablement d’un événement majeur puisque 53 Chefs d’Etat ou de gouvernement sur les 54 que compte le continent y ont pris part. Seul le roi de l’Eswatini, un petit État d’Afrique australe, unique allié africain de Taïwan, a boudé ce rendez-vous entre deux géants du « Sud global », représentant, ensemble, quelque 2, 7 milliards de personnes ! Significatifs de la portée de ce Sommet furent également la présence du Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, et les attentes formulées par celui-ci en matière de retombées concrètes de cette coopération Sud-Sud hors normes « dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, de conflits qui font rage et d’aggravation de la pauvreté et de la faim ».
Que dire, à cet égard, des orientations économiques et sociales de ce 9ème Forum Chine-Afrique ? Le soutien financier supplémentaire de 50 milliards de dollars sur trois ans annoncé par Pékin est censé permettre de créer « au moins un million d’emplois » en Afrique, selon le Président chinois, qui dit vouloir « approfondir la coopération dans l’industrie, l’agriculture, les infrastructures, le commerce et les investissements ». La Chine apporte, d’une façon générale, des réponses à « toute une série de besoins que les Occidentaux n’ont pas apportées » note Valérie Niquet, spécialiste de l’Asie à la Fondation pour la recherche stratégique, à Paris. En retour, la Chine trouve en Afrique les matières premières et les minerais stratégiques -cuivre, or, cobalt, lithium…- dont elle a besoin, en particulier pour son industrie technologique et la transition énergétique. Si elle est massivement saluée par les pays africains, cette coopération, asymétrique, a suscité ces dernières années du mécontentement dans plusieurs d’entre eux. En cause, ici le surendettement, là l’« accaparement de terres ». Soucieux de prouver sa proximité avec les pays du Sud, Pékin se dit décidé à être attentif à la grande diversité des situations.
Au demeurant, ce partenariat sans équivalent ne se limite pas à l’économie. Pour le Secrétaire général de l’ONU, il peut « mener la révolution des énergies renouvelables (dont la Chine est le leader mondial) et être le catalyseur de transitions-clés dans le domaine des systèmes alimentaires et dans celui de la connectivité numérique ».
Au total, « comment la Chine est-elle perçue en Afrique ? » a demandé « Le Monde » à Xavier Aurégan, spécialiste des relations entre la Chine et l’Afrique. « Son image est globalement positive » répondit le chercheur. « Quand la Chine paraît contribuer au développement, elle est bien vue; les entrepreneurs privés chinois le sont beaucoup moins ». Pour Bertrand Badie, par-delà ces aspects, la relation de l’Afrique avec ce grand pays qui fut lui-même « victime de marginalisation pendant un siècle d’humiliation » répond à la volonté de la société africaine « d’exister sur la scène internationale » et crée « un certain enthousiasme parmi la jeunesse africaine », sans se traduire par un alignement de ces pays sur la Chine. Autant d’enjeux colossaux à prendre très au sérieux car ils concernent toute la planète.
LES MIGRANTS, OTAGES DES AMBITIONS POLITIQUES EN EUROPE
Depuis quelques années se multiplient en Europe les cas de politiciens prêts à promouvoir leurs ambitions politiques en flattant les penchants anti-migrants dans les opinions publiques, quitte à chasser sur les terres de l’extrême-droite.
A cet égard, on attend avec appréhension les mesures « concrètes » annoncées par le nouveau Premier ministre français en matière de « maitrise des flux migratoires ». On se souvient, en effet, des positions affligeantes, clairement empruntées à l’extrême-droite, développées par Michel Barnier lorsqu’il participa, en 2021, aux primaires de LR, dans l’espoir d’être choisi par une base militante ultra-droitière comme candidat aux élections présidentielles ! Quiconque avait connu l’ex-Commissaire européen, affable et plutôt modéré, n’en revenait pas de cette inattendue et nauséabonde surenchère contre les personnes en grande difficulté et à la recherche d’un refuge en France. À présent que son sort à Matignon dépend du bon vouloir des députés lepénistes, l’intéressé risque d’être d’autant plus tenté de faire des migrants les otages de sa survie politique.
Mais il n’y a pas qu’en France -ni hélas qu’au sein de la seule droite- que l’on déplore le recours à cette pratique déshonorante, avec des variantes selon le contexte politique national. Le cas le plus récent est celui de l’ex-dirigeante du parti de la gauche allemande ( « Die Linke »), Sahra Wagenknecht, dont la nouvelle formation (qui porte son nom…) vient de remporter un double succès électoral. Sa stratégie, dite de « gauche conservatrice » (!), mise sur la portée d’un discours à la fois calqué sur celui de la gauche concernant le social et sur celui de l’extrême-droite en matière d’immigration -jusqu’à préconiser, à l’instar des Conservateurs britanniques, l’examen des demandes d’asile hors de l’Union européenne. « Sahra Wagenknecht joue avec le feu », écrivais-je dans ces colonnes dès les débuts de sa dérive, en 2018, lorsqu’elle critiquait l’aide apportée aux réfugiés de la guerre civile syrienne au prétexte que l’Allemagne -qui accumulait alors quelque 250 milliards d’euros d’excédents commerciaux par an- ne disposait pas « de suffisamment de moyens pour ses citoyens les plus démunis » ! Aujourd’hui, on constate que sa campagne a coûté beaucoup de voix à la gauche, sans affaiblir en rien l’extrême-droite…
Ces calculs sont-ils durablement payants pour celles et ceux qui s’y livrent ? Rien n’est moins sûr. En témoigne la sévère déconvenue électorale subie par une « jusqu’au boutiste »en la matière : la Première ministre sociale-démocrate du Danemark, Mette Frederiksen. Ne déclarait-elle pas devant son parlement en janvier 2021 que son objectif était que son pays ne reçoive plus aucun demandeur d’asile ? Comment ? En refoulant systématiquement tout demandeur « vers un pays extérieur à l’Europe »…Las, les dernières élections européennes ont été marquées au Danemark par une lourde défaite du parti social-démocrate et un succès sans précédent du parti du peuple socialiste, authentiquement de gauche. À méditer par les politiciens tentés par le « modèle danois » en matière d’immigration. Il est grand temps de penser le monde à venir avec pour repères non la forteresse mais les communs, non le refoulement mais la solidarité, non les rapports de force mais les coopérations dans l’égalité.




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