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MACRON EN CHINE : UN SILLON A CREUSER
Incontournable Chine ! On se souvient des nombreuses critiques qu’avait suscitées la visite -d’à peine onze heures !- du Chancelier allemand, Olaf Scholz, à Pékin, en novembre dernier -une « première » depuis 2019- : « Au sein de sa propre coalition, chez ses partenaires européens et à Washington, ce voyage est suivi avec scepticisme », notait alors le grand quotidien allemand, la « Frankfurter Allgemeine Zeitung » (FAZ). Notamment parce que le Président Xi Jinping n’avait « toujours pas condamné la guerre d’agression russe en Ukraine », soulignait alors la FAZ.
Entre-temps, le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, s’est rendu à son tour dans « l’empire du Milieu » en insistant précisément sur le rôle potentiel de la Chine en tant que médiateur pour la paix : d’obstacle, la proximité sino-russe était devenue une opportunité, Pékin étant finalement reconnu comme l’un des rares sinon le seul État à même d’influer sur la stratégie de Poutine. C’était aller à l’encontre des observations du secrétaire général de l’OTAN, estimant que « la Chine n’est pas très crédible », ou des jusqu’au-boutistes de l’UE, tel le Président lituanien, pour qui « l’objectif de la Chine est de poursuivre cette guerre, de la rendre encore plus sanglante » (1).
C’est dans une optique semblable à celle de son homologue espagnol qu’Emmanuel Macron avait préparé son voyage, ce dont on ne pouvait que se réjouir. S’il existe un espoir, ténu, d’entrevoir, à terme, une chance de règlement politique de cet insupportable conflit, il passe, en effet, par une implication de la diplomatie chinoise aux côtés d’autres acteurs internationaux, notamment occidentaux, en plus des autorités ukrainiennes . Cependant, il y a encore loin de la coupe aux lèvres ! D’abord, on a du mal à comprendre l’intérêt qu’a vu le Président français à associer à son initiative la Présidente de la Commission européenne, qui épouse la ligne américaine, favorable à une « victoire militaire » du camp occidental et, en réalité, hostile à toute entremise de Pékin dans cette affaire. Ainsi, tandis que le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, lui-même, avait tenu à souligner que « la Chine n’a franchi aucune ligne rouge pour nous » et que le partenariat entre Pékin et Moscou « est diplomatique, mais (que les Chinois) n’ont jamais développé d’alliance militaire », et même qu’ils souhaitaient « minimiser le risque d’être associés aux activités militaires russes », Ursula von der Leyen a, quant à elle, critiqué violemment la Chine pour son soutien à la Russie. Pour entamer des discussions, on peut mieux faire.
En outre, s’ils souhaitent réellement œuvrer pour une médiation de la Chine, Emmanuel Macron et d’autres dirigeants européens ne pourront faire l’économie d’une sérieuse négociation avec Washington : ils ne peuvent espérer de Pékin qu’il fasse efficacement pression sur Moscou sans rien modifier, en retour, aux options occidentales. Une chose est de désigner clairement l’agresseur et l’agressé, autre chose de continuer à miser sur une reddition sans condition du premier et à une domination sans limite de l’OTAN. On le voit : il reste du chemin à faire. La « re-connexion » avec Pékin est une bonne chose. À présent, il s’agit de creuser le sillon.
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(1) « Euronews » (14/3/2023)
« LE MONDE », « LES GAUCHES » ET LA GUERRE EN UKRAINE
Par antiaméricanisme, antimilitarisme ou détestation de l’OTAN, dans plusieurs pays, des courants situés à gauche de la tradition sociale-démocrate sont hostiles ou réticents à aider militairement Kiev » : c’est par cette enfilade de vocables délibérément négatifs que le journal « Le Monde » (2-3 avril 2023) a résumé les positions de partis de gauche -pour l’essentiel membres du groupe « The Left« (anciennement « Gauche unitaire européennne ») au Parlement européen- sur la guerre russo-ukrainienne, avant de les détailler dans un long article qui mérite quelques observations.
Soulignons tout d’abord le choix des auteurs de cette enquête de prendre insidieusement pour référence, à gauche, un courant présumé favorable à « la montée en puissance de l’OTAN », au « compagnonnage (sic) avec les Etats-Unis », à l’augmentation massive des dépenses militaires ou à l’envoi de chars en Ukraine, et, à tout le moins, sceptique et réservé sur le plan de paix de la Chine. Toute autre tradition de gauche est, dès lors, ramenée à une « mouvance politique » hors norme, dont le « credo » est un anti-impérialisme « inspiré du marxisme »; un antiaméricanisme « hérité de la guerre froide »et un antimilitarisme « viscéral ».
Parmi ces dissidents de la gauche de référence, sont citées d’authentiques formations progressistes, comme Podemos et la Gauche unie en Espagne; Syrisa en Grèce; Die Linke en Allemagne; le Parti du travail de Belgique; l’alliance Sinistra-Verdi en Italie; la LFI en France…mais aussi le « Mouvement 5 étoiles » italien (fondé jadis par Bepe Grillo), qui est à la gauche ce que le théâtre de boulevard est à la tragédie grecque !
Mais, foin de polémique ! Les valeurs de gauche appliquées à la situation actuelle appellent à mon sens une condamnation radicale de l’agression criminelle de la Russie de Poutine contre l’Ukraine et l’exigence du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. La question est : quelle voie préconiser pour avancer dans les moins mauvaises conditions vers cet objectif ? Est-ce « de gauche » d’apporter son soutien à un affrontement militaire de fait entre l’OTAN et la Russie, au coût humain incommensurable et au prix d’une militarisation à outrance de tout l’Occident et d’un alignement complet sur la stratégie dominatrice de Washington ? Et surtout au nom d’une hypothétique « victoire » à la Pyrrhus de l’Ukraine face à une imprévisible puissance nucléaire en crise ? Je le pense d’autant moins qu’existent -de la part de la Chine, du Brésil de Lula et d’autres pays à même d’influer sur les deux protagonistes du conflit- des chances non explorées à ce jour d’ envisager un règlement politique global de ce conflit mondialisé. Un règlement « global » signifiant d’apporter, parallèlement aux garanties de souveraineté dues au peuple ukrainien, des garanties de sécurité à tous les peuples de la région -y compris le peuple russe, une donnée que les dirigeants occidentaux ont négligée depuis la chute de l’Union soviétique, malgré les mises en garde répétées d’anciens hauts responsables américains eux-mêmes. Avec Jaurès, travaillons à une « paix durable entre les nations, la paix definitive ».
NETANYAHOU : L’IMPUNITÉ ALIMENTE L’ESCALADE
Chaque année, le 30 mars, les Palestiniens commémorent la « Journée de la Terre ». Cette journée de lutte fait référence à une puissante grève des Palestiniens d’Israël qui eut lieu ce même jour en 1976 pour protester contre la confiscation de 2500 hectares de terre en Galilée par le gouvernement de l’époque. L’armée réprima dans le sang cet acte de résistance avec une violence inouïe : c’est cette tragédie, et la cause à laquelle elle est intimement liée -la défense de leur terre au sens le plus large- , qui réunissent en cette journée l’ensemble des Palestiniens.
C’est la proximité de ce moment emblématique -et du début du ramadan…- qu’a choisie la coalition d’extrême-droite au pouvoir en Israël pour voter, à la Knesset, le 21 mars dernier, l’annulation de la loi ordonnant en 2005 l’évacuation de quatre colonies de Cisjordanie. Cette décision est ouvertement provocatrice. Il s’agit, en effet, de revenir 18 ans en arrière, quand le pourtant très réactionnaire chef du gouvernement d’alors, Ariel Sharon, partisan du « Grand Israël », s’était senti contraint de faire un geste vis-à-vis de ses parrains occidentaux , dans un contexte de fortes pressions internationales contre la prolifération des colonies dites « sauvages », car établies sans autorisation préalable des autorités .
Parmi les rares ministres qui s’étaient alors opposés à Sharon figurait un certain Benjamin Netanyahou. Celui-ci entend signifier aujourd’hui qu’il se sent assez fort pour casser la timide concession de son lointain prédécesseur. Les colons évacués en 2005 pourront donc se réinstaller sur des terres privées palestiniennes. Parmi eux figure une députée proche du ministre suprémaciste Ben Gvir, en charge de…la Sécurité nationale et de la Cisjordanie ! Le ministre des finances, l’ultra-orthodoxe Smotrich, s’était, quant à lui, illustré deux jours plus tôt dans une « cérémonie » aux allures de meeting d’extrême-droite, à Paris, par son abjecte sortie raciste sur le thème : « Il n’y a pas de Palestiniens. Ils n’ont ni histoire, ni culture ». Pour avoir prouvé le contraire, près d’une centaine d’entre eux sont morts depuis le début de l’année…
L’impunité alimente l’escalade : Netanyahou -ce personnage massivement contesté dans la rue par la population israélienne, fut salué dès son investiture comme son « ami depuis des décennies » par Joe Biden , avant d’être reçu en grande pompe par Emmanuel Macron, une semaine après le funeste assaut de l’armée israélienne sur le camp de réfugiés palestiniens de Jénine, en Cisjordanie, qui avait fait onze victimes.
Même le putsch judiciaire que tente Netanyahou en soumettant la Cour suprême -seul contrepoids institutionnel du pays- à sa majorité parlementaire ne suffit pas aux dirigeants occidentaux pour se décider enfin à réagir au danger : celui d’une immunité totale pour Netanyahou et d’une voie libre aux pires ambitions de sa coalition raciste et ultra-nationaliste en matière d’occupation, de colonisation et d’annexion. La France est, paraît-il, « extrêmement préoccupée » par la situation en Israël, exactement -au mot près- comme les Etats-Unis…Aveugles ou complices, jusqu’où ?
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