Archive for novembre, 2019
QUAND L’UE RANIME LE DÉBAT SUR LA CAUSE PALESTINIENNE !

QUE PENSER DES PROPOS ICONOCLASTES DE MACRON SUR L’OTAN ?
Ici même, je notais le mois dernier que « les Européens se mettent à douter de l’OTAN ». Mais il s’agissait alors de propos privés ou d’allusions confidentielles. Voilà que le Président de la République, dans un entretien accordé au journal de référence britannique « The Economist », assène lui-même cette vérité iconoclaste: « Nous devons faire le bilan de l’OTAN. Ce qu’on est en train de vivre, c’est pour moi la mort cérébrale de l’OTAN. Il faut être lucide. »
Que penser de cette sortie accueillie comme un sacrilège par Angela Merkel et ses semblables ? Qu’Emmanuel Macron est devenu un partisan de la dissolution de l’organisation atlantiste ? Certes non ! Il le souligne lui-même : « Les Etats-Unis restent notre grand allié. Nous partageons les mêmes valeurs » et il développe un vibrant plaidoyer en faveur d’une « Europe de la défense en complémentarité avec L’OTAN ». Pour autant, à son corps défendant, le Chef de l’Etat offre aux progressistes l’occasion de relancer le débat sur l’anachronisme et la dangerosité de cette survivance de la « guerre froide » devenue une machine à fabriquer des tensions sur le continent européen et à pousser à la militarisation à outrance des relations internationales. En effet, la déclaration en question brise un tabou stratégique en énonçant des vérités, certes connues de tous, mais jusqu’ici absentes du débat européen sur la sécurité du continent. Exemples.
« Vous n’avez aucune coordination de la décision stratégique des Etats-Unis avec les partenaires de l’OTAN » (Autrement dit, Washington n’en fait qu’à sa tête sans se soucier de ses alliés). La Turquie, autre membre de l’OTAN, commet une agression contre « nos partenaires des FDS » (Forces démocratiques syriennes animées par les combattants kurdes) dans la lutte contre Daech. Que devient, dans ces conditions, la pierre angulaire des règles de l’OTAN : l’engagement à porter secours à tout autre pays membre attaqué par un tiers ? « Si Bachar réplique à la Turquie, allons-nous nous engager ? »
Plus généralement figure dans cet entretien décapant une autre vérité, qu’on qualifierait de banale si elle n’émanait pas du premier dirigeant d’un État du commandement intégré de l’OTAN: cette organisation, est-il rappelé, « a été pensée comme ayant un ennemi, le Pacte de Varsovie » (dissous en 1991). « Donc, la question de la finalité actuelle de l’OTAN est une vraie question à se poser ». D’autant que, sous la houlette de Donald Trump, l’organisation est devenue, est-il précisé, « une ombrelle géopolitique avec une contrepartie commerciale : acheter américain. La France n’a pas signé pour ça ».
Ces questions-clés étant désormais officiellement sur la table, il sera très difficile, dans les cercles politiques ou la sphère médiatique, de balayer d’un revers de main l’idée de dissolution de l’OTAN -ou, à tout le moins, dans un premier temps, celle du retrait de la France de son commandement intégré- ou d’ignorer superbement des propositions constructives telles que l’ouverture de négociations entre les États de l’UE et la Russie en vue de la conclusion d’un traité paneuropéen de sécurité et de coopération : une sorte de « Conférence d’Helsinki II », que nous appelons de nos vœux depuis une dizaine d’années.
VOYAGE GLAÇANT À L’INTÉRIEUR DE « L’EURO-GROUPE » !
Il fallait tout à la fois le talent légendaire d’un Costa-Gavras et les révélations époustouflantes des enregistrements clandestins de Varoufákis pour obtenir ce film-choc à voir absolument : « Adults in the room » ! On imagine aisément la consternation des 19 tristes sires de « l’euro-groupe » (les ministres des finances des pays de la zone euro , exceptionnellement rejoints par la directrice générale du Fonds monétaire international ) lorsqu’ils ont découvert le pôt-aux-roses : leur « collègue » et ennemi grec, Yànis Varoufákis, avait par devers lui la preuve sonore de leur hystérie anti-Syrisa, de l’effarante brutalité des uns comme de la pitoyable lâcheté des autres face au représentant légitime d’un pays membre de la zone l’euro , dont le seul crime était de vouloir « négocier un compromis » sur la gestion de la crise grecque ! En publiant, en 2017, son livre reproduisant textuellement les propos de ses homologues européens durant les six mois d’affrontements à Bruxelles , l’ex-ministre des finances d’Alexis Tsipras a livré au public un document explosif. Pour la première fois de l’histoire de la construction européenne, le roi est nu.
Encore fallait-il rendre vivants et compréhensibles ces sujets arides et technocratiques : tout en restant fidèle au livre en question, le réalisateur de « Z » et de « l’Aveu » y est pleinement parvenu, jusqu’à nous entraîner, nous spectateurs, dans cette cruelle arène et à faire mesurer et comprendre aux plus indulgents à l’égard de « Bruxelles » l’indignation et la colère du peuple grec. Costa-Gavras -et je le rejoins là dessus- a expliqué qu’il ne se sentait pas pour autant anti-européen, mais que cette cruelle expérience montrait l’urgence d’une démocratisation profonde de cette construction.
Quelles images les plus révélatrices peut-on retenir de ces deux (rapides) heures de projection ? Celle d’un ministre allemand -l’ineffable Wolfgang Schäuble- (et de sa cour) d’une arrogance insupportable, et qui n’a qu’une obsession : bouter la Grèce hors de la zone euro ! Celle d’un ministre néerlandais , personnage insignifiant bombardé Président de l’euro-groupe en raison de sa servilité garantie vis à vis du grand argentier de Berlin et de son absence totale de scrupule à l’égard des victimes désignées par son mentor. Celle d’un piteux ministre français qui se conduit en complice bienveillant de son « ami » grec en privé, avant de se faire donneur de leçon bien « dans la ligne » en public. Celle d’un autre Français, commissaire européen , soumettant au négociateur grec un texte de compromis apparemment accepté par plusieurs pays, avant de se rétracter prestement face au courroux du « Président » dûment briefé par Berlin. Celle enfin d’un cénacle -« l’euro-groupe »- sans existence légale, totalement opaque, et soumis aux volontés du représentant du pays le plus riche : l’illustration-type des carences démocratiques d’une « Europe » foncièrement financiarisée , hiérarchisée et à l’abri des citoyens.
Il paraît que ce film suscite en Grèce un accueil mitigé. Peut-être en est-il ainsi parce qu’il dresse (comme le fait le livre dont il s’inspire) du personnage central, Varoufákis, un portrait de héros exclusif et sans faille… Cela n’enlève cependant rien à la pertinence des découvertes que nous fait faire ce voyage glaçant à l’intérieur de l’un des principaux et des moins connus des lieux de pouvoir européens. Nous en sortons plus solidaires que jamais avec le peuple grec et nos amis de Syrisa.
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