Archive for juillet, 2011

EUROPE-GRECE: SCANDALEUSE HUMILIATION


« La souveraineté de la Grèce sera énormément restreinte » a averti Jean-Claude Juncker au début du mois dans un entretien accordé au magazine allemand Focus. »Pour la vague de privatisations à venir,il faudra une solution qui se fonde sur le modèle de la Treuhand allemande » a poursuivi le président de l’ « eurogroupe »(les ministres des finances de la zone euro).Pour mesurer à quel point la référence à ce « modèle » constitue une scandaleuse humiliation vis à vis de la Grèce,il convient de revenir sur la terrible épreuve imposée à partir de 1990 à la population de l’ex-République démocratique allemande.Les « vainqueurs » de l’ Ouest avaient alors créé une agence « indépendante »(la Treuhand) chargée de privatiser qelque 14 000 entreprises d’Etat est-allemandes -mission dont cet organisme honni s’était acquittée à la hussarde en moins de quatre ans. Bradant sans scrupule le patrimoine économique d’un pays de 17 millions d’habitants pour un dixième de la valeur estimée au départ, la Treuhand organisa la destruction de plus de 2,5 millions d’emplois et offrit aux grands groupes de la République fédérale un nouveau et énorme marché vierge de tout concurrent. Ce dépeçage colossal fut, en outre, ponctué par une série d’affaires de corruption et de spéculations dont on n’a jamais connu toute la substance,les conclusions de la commission d’enquête chargée de faire la lumière…ayant été classées « secret d’Etat ».

Voilà donc l’expérience historique dont le responsable politique de la zone euro entend s’inspirer pour réaliser l’énorme programme de privatisations de biens publics engagé en Grèce,comme condition du déblocage d’une tranche de 12 milliards d’euros de prêts consentis par l’UE, la BCE et le Fonds monétaire international.De fait,une « agence de privatisation »,formellement créée par un vote du Parlement d’Athènes,a été chargée de la besogne,sous la houlette d’ « experts européens ».Comme en Allemagne,il y a vingt ans,les gros prédateurs sont sur les rangs pour s’octroyer à vil prix les « actifs » grecs les plus rentables, parmi lesquels les principaux ports et aéroports,les compagnies d’électricité,de chemins de fer et de téléphonie,la poste,les plages ,les mines…Gageons que les « plans d’assainissement » sont fin prêts.Et tant pis si le produit de ces gigantesques enchères réalisées au pas de charge (une privatisation tous les dix jours en moyenne selon la « Tribune »  qui juge ce pari intenable) ne résoudra en rien les problèmes de solvabilité du pays ou de productivité de son économie! La leçon,espère-t-on à Bruxelles,portera en Grèce et au-delà: la « crise de l’euro » est appelée,dans les prochains temps, à tout justifier- la superaustérité,les privatisations ,et ,au besoin,la mise sous tutelle d’un pays au mépris de toute souveraineté -ce que l’ancien Secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats, John Monks, avait appelé,non à tort, un régime « semi-colonial ».

Ce n’est vraiment pas le moment, pour un parti se réclamant d’une alternative de gauche,de mettre le doigt dans l’engrenage de cette caricature de solution à la crise de l’euro! Avis aux principaux candidats à la candidature du PS à l’élection présidentielle, qui viennent -pour prouver le « sérieux » de leur programme…- de s’engager à respecter à la lettre non seulement le principe mais le calendrier comminatoire de Bruxelles d’un retour aux mythiques 3% de déficits publics d’ici 2013,quoiqu’il en coûte à la société. Voilà un vrai sujet de débat politique en vue de 2012.

28 juillet 2011 at 1:22 Laisser un commentaire

MORALE EN TROMPE L’OEIL

A propos du livre de Pascal Boniface

« Les intellectuels faussaires »

(Editions Jean-Claude Gawsewitch)

Nul besoin de partager toutes les idées que développe Pascal Boniface, Directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), dans son nouvel ouvrage (« Les intellectuels faussaires ») pour s’y plonger utilement. D’abord, parce que l’auteur y affronte sans faux-fuyant des points particulièrement durs de la bataille idéologique qui fait rage au sujet des grands enjeux internationaux de notre époque. Ensuite, parce que ce livre est une véritable mine de citations, plus éclairantes les unes que les autres, sur le profil réel et l’« apport » effectif de quelques ténors du petit cercle des intellectuels médiatiques. Enfin, parce qu’une lecture attentive de ces pages aide à cerner quelques lignes de force qui structurent la décennie tourmentée qui nous sépare de la tragédie du 11 septembre 2001.

Les thèmes abordés dans le livre sont familiers aux lecteurs de l’Humanité, pour une raison simple: l’on ne peut être franchement engagé à gauche sans s’y heurter brutalement. J’en évoquerai trois. « L’occidentalisme » -cette tendance détestable à considérer que « notre civilisation est supérieure », qu’elle incarne des « valeurs » si élevées que nous serions en droit de les imposer au monde entier, fût-ce par la force-; le « fascislamisme » -ce néologisme pervers lancé par George W. Bush et repris par ses disciples avoués ou honteux jusque dans des milieux « de gauche » français, qui renvoie en fait à l’islamophobie-; enfin ce que j’appellerais « l’israélomanie », autrement dit le soutien systématique et quasi obsessionnel aux dirigeants israéliens, quel qu’ils soient et quoiqu’ils fassent, hors de toute référence au droit international valable partout ailleurs, voire le soupçon d’antisémitisme jeté sur qui s’aventure à critiquer la politique d’Israël.

Les citations des gourous du « politiquement correct » sont légion dans le livre de Pascal Boniface. Certaines d’entre elles rappellent opportunément que le ton péremptoire des brillants analystes qui guident notre pensée n’est pas toujours synonyme de perspicacité. Ainsi, Alexandre Adler avait-il annoncé que la guerre d’Irak n’aurait pas lieu; que France et Allemagne allaient divorcer sous Schroeder ainsi que Etats-Unis et Grande-Bretagne sous Tony Blair; que la Russie allait adhérer à l’OTAN et qu’on apprendrait que Saddam Hussein était derrière les attentats contre le World Trade Center. La finesse d’analyse du même idéologue apparaîtra également à travers sa galerie de portraits: de Chavez « le primate », de Morales « le trafiquant de drogue », d’El Baradei (ancien Directeur général de l’Agence internationale de l’Energie atomique, opposé à la guerre d’Irak) le « pervers polymorphe » ou de Rony Brauman (ancien Président de « Médecins sans frontières », opposé à la politique d’occupation d’Israël en Palestine), le « traître juif »… D’autres citations produites dans l’ouvrage sont, pour moi, des révélations stupéfiantes, tel ce « jugement » de Philippe Val, aujourd’hui Directeur de France Inter, écrivant en 2005: « la politique arabe de la France a des racines profondes qui s’enfoncent jusqu’au régime de Vichy, dont la politique antijuive était déjà, par défaut, une politique arabe. » Le chapitre consacré à Bernard-Henri Lévy (Président du Conseil de surveillance d’Arte, membre du Conseil de surveillance du Monde, actionnaire de Libération…) est à lui seul une illustration éblouissante de la tyrannie maccarthyste à laquelle peuvent conduire la proximité des puissants et l’adulation des media. La citation de Frédéric Taddei, qui en fut victime, est éloquente à ce propos. D’autres sont, tour à tour, dramatiques ou franchement désopilantes…

D’une façon générale, on retiendra de la lecture des « Intellectuels faussaires », le rôle structurant qu’ont joué à des moments-clé de cette décennie des choix courageux comme celui de refuser la guerre d’Irak et surtout, de façon continue, les mobilisations autour de l’exigence d’une solution juste au problème palestinien. Le pouvoir des « intellectuels médiatiques » est, certes, non négligeable, mais l’expérience montre qu’ils peuvent n’avoir pas le dernier mot. « Le souci de la vérité doit être sacré » dit un auteur cité par Pascal Boniface. Voilà qui doit être notre boussole.

28 juillet 2011 at 1:10 Laisser un commentaire

Libye : quelles leçons ? Quelle issue ?

Quatre mois après l’engagement de l’offensive militaire occidentale en Libye, et alors qu’une majorité écrasante de parlementaires français – à la notable exception des élus communistes et PG – vient d’accorder le feu vert à sa poursuite, quelles leçons peut-on aujourd’hui tirer de cette guerre et, par voie de conséquence, pour quel type d’issue doit-on, d’urgence, se mobiliser?

 En premier lieu, même pour qui a estimé justifiée, au départ, l’intervention militaire, en raison des menaces terrifiantes proférées par Kadhafi contre les insurgés de Benghazi, force est de constater que le principe de la « Responsabilité de protéger » (consacré en 2005 par un vote unanime de l’Assemblée générale de l’ONU, et, à ce titre, hautement respectable) a été très rapidement usurpé, en particulier par la France et la Grande-Bretagne. L’opération « protectrice » s’est muée -sous le commandement de l’OTAN- en une implication ouverte dans une guerre civile opposant -par delà le cas de Kadhafi- une partie de la population libyenne à une autre, l’une traditionnellement fidèle au « guide », l’autre engagée dans la résistance au régime. Bilan actuel : 10000 à 12000 morts (chiffres de l’OTAN) ; un pays dévasté ; des plaies ancestrales rouvertes ; un risque de partition sinon de chaos à la somalienne. Un désastre dont le régime de Kadhafi porte assurément une lourde responsabilité. Est-il le seul ? L’intervention de l’OTAN a-elle atténué ou bien attisé le conflit ?

 La « coalition », et notamment sa figure de proue, Nicolas Sarkozy, ont fait preuve d’un manichéisme digne de George W. Bush. D’un côté, des insurgés irréprochables conduisant le peuple à une victoire facile sous le parapluie des bombardiers occidentaux. De l’autre, un tyran isolé qu’un soulèvement populaire allait renverser comme un château de cartes. La réalité s’est révélée plus complexe. Ainsi, la presse informait-elle à la mi-juillet sur le « bombardement à l’arme lourde de la localité d’al-Assaba » par la rébellion, tandis que l’organisation américaine de droits de l’homme Human Rights Watch publiait un rapport accablant sur les exactions commises par ces mêmes rebelles dans quatre villes conquises. On apprenait aussi la fuite précipitée des 15 000 habitants d’Aweinya dévastée : leur crime était d’appartenir à une tribu restée fidèle au régime. Inversement, du côté du pouvoir en place, voilà qu’on découvre (dans Le Monde) qu’ « avant d’entrer en guerre », la Libye était devenue « l’un des plus grands chantiers de la planète, après la fin des sanctions internationales en 2003 »: 600 000 logements en construction ainsi que « des postes, des écoles, des jardins, des routes, des villes entières. » Une « tentative de transformation de la Libye » financée par les revenus tirés du pétrole. Mégalomanie? Démagogie? Peut-être. En tout cas, la base sociale du régime et sa capacité à l’entretenir ont été sous-estimée, du moins dans les régions qui lui sont traditionnellement attachées: la Tripolitaine à l’ouest et le Fezzan au sud.

 Dans ce contexte beaucoup plus contrasté que ne l’ont imaginé l’hôte de l’Elysée et son conseiller spécial BHL, la solution, à coup sûr, n’est pas dans un surcroît de bombes sur Tripoli. Elle est ni dans la capitulation ni dans l’humiliation. « Dans une guerre civile, il ne peut y avoir ni perdant ni gagnant », insiste Patrick Haimzadeh, ancien diplomate en poste en Libye et fin connaisseur du pays. « Il faut rechercher une issue négociée (incluant) les conditions d’un cessez-le-feu, la protection des zones « libérées », les modalités de mise en oeuvre de la transition politique vers une Libye démocratique dont un modèle fédéral ou confédéral serait le plus adapté à la culture et à la tradition du pays. » La Libye: l’autre guerre qu’il faut « savoir terminer ».

22 juillet 2011 at 9:57 1 commentaire

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