Archive for mai, 2021

EUROPE-TURQUIE : AMBIGUÏTÉS À TOUS LES ÉTAGES 


Nous avons toutes et tous encore en mémoire la déplorable et humiliante prestation du Président du Conseil européen, Charles Michel, à Ankara, fin avril dernier.
Pour expliquer son absence de réaction à l’attitude grossière de l’hôte turc à l’égard de la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, privée de fauteuil, le responsable de l’UE se justifia en des termes révélateurs : « Tout en percevant le caractère regrettable de la situation, nous avons choisi de ne pas l’aggraver par un incident public ». C’est que la mission de l’UE auprès du maître de la Turquie visait -par delà les critiques d’usage- à favoriser une réconciliation qu’avait dûment préparée, lors d’un précédent voyage, la Chancelière allemande, soucieuse d’obtenir du tyran du Bosphore le renouvellement du pacte migratoire entre les deux parties. 
La semaine dernière, ce fut au tour de la majorité des députés européens de miner le relativement bon rapport annuel portant sur l’état des relations entre l’UE et la Turquie en y insérant des passages proprement scandaleux. Le rapport qui vient d’être adopté a, globalement, une tonalité nettement critique à l’égard d’Ankara.
En fustigeant tant le « recul de la démocratie à l’intérieur du pays » que les « manœuvres agressives de politique étrangère » de ce pouvoir; en invitant l’UE à « donner la priorité à la dynamique société turque et à ses efforts en faveur de la démocratie »; en mettant en lumière la politique « impitoyable et systématique qui s’applique à toute activité critique comme le militantisme politique pacifique (des) Kurdes et (des) Alévis, (ou)  les manifestations organisées par d’anciens travailleurs du secteur public et des militants des droits des femmes et des personnes LGBTI ainsi que des victimes de l’état d’urgence, voire même à des événements qui ont eu lieu avant la tentative de coup d’Etat, tels que les manifestations de Gezi »; en proposant à l’UE et aux Etats membres d’inscrire « le mouvement raciste d’extrême-droite (…)dit  Loups gris » sur la liste des organisations terroristes; en condamnant fermement la répression du parti progressiste HDP et la mise en détention de ses élus et de ses dirigeants, notamment Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag; en condamnant « fermement la décision du gouvernement turc de se retirer de la convention d’Istambul » ou en encourageant celui-ci à reconnaître le génocide arménien, etc…, le Parlement européen a, en quelque sorte, sauvé l’honneur de l’UE.
Malheureusement, il a, à son tour, entaché la clarté de ses positions en osant saluer dans la Turquie d’Erdogan « un partenaire essentiel pour la stabilité de la région » -Les Chypriotes et les Grecs apprécieront !- et un « allié » avec lequel « les Etats membres de l’Union continuent de coopérer sur des questions d’importance stratégique dans le cadre de l’OTAN »…
Est-ce en raison de ces liens « stratégiques » qu’en France, l’enquête sur le triple assassinat des trois militantes kurdes se heurte au « secret-défense »? En l’occurrence, ambiguïtés rime avec complicité.

27 mai 2021 at 8:28 Laisser un commentaire

ISRAEL-PALESTINE : LE COÛT ABYSSAL DE L’IMPUNITÉ 



C’est à nouveau l’enfer à Gaza, tandis que Israël s’embrase. Les dirigeants européens, et la « communauté internationale » dans son ensemble, redécouvrent le problème palestinien, qui avait, depuis un certain temps, disparu de leurs radars géopolitiques. 
Certes, Netanyahou avait proclamé « l’Etat-nation du peuple juif » faisant des Palestiniens des citoyens de seconde zone. Certes, Washington avait reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël, donnant ainsi le feu vert américain à Tel Aviv pour un nouveau saut qualitatif des violations du droit international.
Certes, Trump avait acheté le ralliement inconditionnel de ses alliés arabes à l’Etat occupant, isolant toujours plus le peuple palestinien.
Certes, Netanyahu, ainsi ragaillardi, menaçait d’annexer la vallée du Jourdain.
Certes, la colonisation se poursuivait pendant tout ce temps à un rythme de plus en plus soutenu en Cisjordanie, tout comme le blocus militaire dévastateur de Gaza, tandis qu’ à Jérusalem-Est annexé, les colons multipliaient les expulsions de familles palestiniennes. En prime, Israël venait de refuser l’ouverture des bureaux de vote pour les 150 000 électeurs palestiniens de la vieille ville, ce qui a conduit au report sine die des premières élections palestiniennes prévues depuis 15 ans…
Pas de quoi s’émouvoir plus que ça dans les grandes capitales, puisque l’ordre régnait pour l’essentiel… L’UE estimait « faire le job » en activant  la machine à produire des communiqués rappelant « son attachement à une solution négociée fondée sur la coexistence de deux Etats… » tout en soignant ses relations avec Israël, fût-il dirigé par l’extrême-droite qui torpille toute perspective de paix.
Des voix lucides -y compris israéliennes- avaient beau insister depuis toujours , à la fois sur le risque d’embrasement qu’encourageait cette capitulation face à l’inacceptable, et sur le mauvais service ainsi rendu à Israël même, à l’instar du digne et courageux Président de la Knesset, Abraham Burg, qui avait lancé  à ses collègues en 2002 : « Un peuple d’occupants finit par être changé et défiguré par les tares de l’occupation », en les invitant à regarder en face ce qu’ils ont fait de leur pays, rien n’y fit ! 
L’UE, comme bien d’autres champions des droits de l’homme, étaient depuis longtemps passés à autre chose, lorsque la nième provocation-humiliation des colons à Jérusalem-Est a dégénéré, les nombreux fidèles rassemblés sur l’Esplanade des mosquées avant la fin du ramadan ayant été sauvagement agressés par la police de l’occupant jusque dans la très emblématique mosquée al-Aqsa.
Ce n’est qu’après cette explosion de colère légitime des habitants palestiniens de Jérusalem que les tirs, évidemment condamnables, du Hamas sont intervenus, puis que l’embrasement a gagné des villes dites « mixtes » en Israël même. Le responsable de cette tragédie s’appelle Netanyahou: arrêter ses nouveaux crimes de guerre est la priorité absolue.
 Par qui espèrent, dans ces circonstances, être entendus et respectés ceux qui, telle la France, appellent les deux parties « à faire preuve de la plus grande retenue », ou comme l’UE, demandent que « la flambée de violence cesse immédiatement » ? Chacun peut aujourd’hui mesurer le coût humain et politique abyssal de décennies d’impunité. 

20 mai 2021 at 6:03 Laisser un commentaire

BREVETS : LES 3 FACETTES DE LA MESURE BIDEN



Depuis le ralliement du président américain à la levée des brevets sur les vaccins anti-Covid, les dirigeants européens, pris par surprise, cachent mal leur embarras. C’est que la mesure Biden a, en fait, trois facettes, dont aucune n’est faite pour arranger les affaires des principaux responsables de l’UE.
D’un côté, on ne peut raisonnablement que saluer le fait qu’enfin un État influent prenne ses responsabilités en la matière. Alors que plus de 3 millions de personnes sont, à ce jour, décédées de la Covid-19 , que le pire est encore à venir pour maints pays du Sud par manque cruel de vaccins et que l’Inde et l’Afrique du Sud -qui ont des capacités de production inemployées- ont soumis, en vain depuis… octobre 2020, à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) , avec le soutien de plus de 100 pays, leur demande de suspension temporaire des droits de la propriété intellectuelle, quiconque semble mégoter devant la perspective ouverte par Biden risque de se brûler les ailes dans l’opinion publique. D’où les volte-face aussi promptes que laborieuses, tant à Bruxelles que dans les capitales, à la notable exception de Berlin.
Pour autant, le Président américain n’est pas le chevalier blanc volant au secours de l’humanité ! Son geste n’efface pas des mois de refus égoïste d’exporter le précieux sérum -dont les Etats-Unis regorgent. Rappelons que le programme Covax, élaboré sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé et (mal) financé par les pays les plus développés, devait distribuer 2 milliards de doses de vaccin à 142 pays, essentiellement aux revenus faibles, d’ici fin 2021. Un chiffre dès le départ notablement insuffisant pour répondre aux besoins. Créé en mars 2020, le programme n’ a, en outre, pu démarrer qu’un an plus tard. Fin avril dernier, seules 49 millions de doses avaient été livrées. Pas de quoi jusqu’alors émouvoir la Maison blanche. Sans compter que l’acceptation du principe de la levée des brevets ne vaut que suivie de mesures permettant sa concrétisation : se pose en particulier la question clé du transfert des technologies et du savoir-faire le plus largement possible pour multiplier les centres de production : tarder à agir transformerait une décision courageuse ou un peu glorieux « coup de com » ! Or, reconnaître ces réalités n’est pas facile pour les dirigeants européens, particulièrement attachés qu’ils sont à défendre bec et ongles le leadership moral de l’Occident sur le monde. 
Enfin et surtout, il n’est pas aisé de se rallier à la levée des brevets pour qui a longtemps « expliqué », non sans condescendance, tant à Paris qu’à Bruxelles, aux militantes et aux militants porteurs de cette juste revendication, que leur idée était, certes « généreuse », mais pas « réaliste »…Aussi faut-il encore s’attendre à bien des tergiversations de leur part et poursuivre avec plus de détermination que jamais notre combat pour faire de ces vaccins un bien commun mondial et avancer concrètement vers la seule issue positive pour nous toutes et tous: assurer l’immunité collective à toute l’humanité.

13 mai 2021 at 8:11 1 commentaire

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