Archive for janvier, 2014

VERDUN ET « L’ IMPERATIF DE LA PAIX »

wurtz-l-humanite-dimancheLe weekend-end dernier se tenait à Verdun un intéressant séminaire international sur « l’impératif de la paix ». Se situant dans le cadre des manifestations du Centenaire de la première guerre mondiale, cette initiative des mouvements pacifistes allemands et français visait à « tirer les leçons de l’Histoire ». Le choix de Verdun pour cette rencontre était particulièrement approprié. Rappelons que c’est là qu’a eu lieu la plus titanesque bataille du premier conflit mondial : 300 jours -et nuits- de barbarie entre février et décembre 1916 s’y sont soldés par l’hécatombe monstrueuse de 300 000 morts et plus encore de blessés! Pas moins de 60 millions d’obus se sont abattus sur les « poilus » français et les « feldgrau » allemands ( une bombe par centimètre carré de terrain, en moyenne ) -dont quatre millions en l’espace de six heures, le 21 février, au premier jour de l’offensive allemande ! Sur l’imposant « Monument à la Victoire » érigé à l’époque est apposée une plaque, avec une inscription célébrant la gloire des combattants ,signée…Philippe Pétain , dans la droite ligne de la conception des rapports entre puissances qui engendra cette guerre: « Les Allemands attaqueront sans doute encore. Que chacun travaille et veille pour obtenir le même succès qu’hier. Courage : on les aura ! »

À l’opposé, que peut bien signifier ,aujourd’hui , commémorer le souvenir de cette guerre impérialiste aux 10 millions de victimes, si ce n’est , avant tout, faire la clarté sur les origines  profondes du déclenchement du cataclysme de 1914 : le bras de fer engagé entre la classe dirigeante française et l’Allemagne de Guillaume II pour la domination des colonies; les appétits bellicistes des marchands de canons de part et d’autre du Rhin -les Schneider de ce côté-ci contre les Krupp d’en face ou les De Wendel français versus Von Wendel allemands- ; et surtout l’engrenage fatal des « Alliances » agressives : la « Triple Entente » franco-russo-britannique contre la « Triple Alliance » germano-austro-italienne, toutes animées d’une confiance aveugle dans leur capacité à réaliser par la force des armes leurs ambitions hégémoniques contre un ennemi forcément méprisable ?

C’est bien parce qu’il avait dénoncé cette mécanique guerrière que Jean-Jaurès avait été désigné à la vindicte qui a armé le bras de son assassin. Dans son dernier discours, après l’attentat de Sarajevo contre l’Archiduc François-Ferdinand , il lança cette harangue prémonitoire: « Si l’Autriche envahit le territoire slave (…), la Russie entrera dans le conflit (et alors) l’Autriche invoquera le traité d’alliance qui l’unit à l’Allemagne ( laquelle) se solidarisera avec l’Autriche.(…) Mais alors, la Russie dira : » j’ai le droit d’invoquer le traité qui nous lie, il faut que la France vienne prendre place à mes côtés. »(…) C’est l’Europe en feu, c’est le monde en feu. »

C’est dire si quiconque est attaché à l’idée du « Plus jamais ça !  » devrait mettre en garde contre tout ce qui, dans les stratégies économiques, financières, politiques ou militaires d’aujourd’hui, encourage des tendances assimilables de près ou de loin à celles qui ont fini par plonger, il y a un siècle, l’Europe dans cette folie meurtrière! Tel ne fut malheureusement pas le choix du Président de la République dans son discours donnant le coup d’envoi des commémorations du Centenaire de 1914 : « La Grande Guerre fut celle de l’unité nationale. Lorsque la mobilisation générale fut proclamée, il n’y eut plus qu’un seul pays, une seule Nation, une seule armée (…) Dans ce combat-là, il n’y avait qu’une France: celle qui défendait son intégrité et ses valeurs. »(sic) « La Grande Guerre nous rappelle l’impérieuse nécessité de faire bloc si nous voulons gagner les batailles qui, aujourd’hui, ne sont plus militaires mais économiques, et qui mettent en jeu notre destin et notre place dans le monde. »
Décidément, je préfère Jaurès.

30 janvier 2014 at 7:31 1 commentaire

VERS UNE « DÉMOCRATIE CONFORME AU MARCHÉ  » ?

L’enterrement de pans entiers du modèle social français issu du Conseil National de la Résistance par François Hollande en ce début d’année a ravivé le débat autour de son exact opposé : le prétendu « modèle allemand » incarné par l’ancien Chancelier social-démocrate Gerhard Schröder (« Agenda 2010 »), puis par la dirigeante fw12chrétienne-démocrate qui lui a succédé , Angela Merkel. Les commentaires suscités outre-Rhin par la récente conférence de presse de l’Elysée sont, à cet égard, d’une clarté aveuglante. D’un côté, le Président de la fédération patronale (BDI) s’est félicité des annonces faites à Paris car « cela (lui) rappelait un peu les réformes Schröder », tandis que le président de la confédération syndicale (DGB) a critiqué ces mêmes orientations…parce qu’elles lui « font penser à l’ « Agenda 2010 « et à toutes les mesures qui y sont liées. « Référence pour l’un ; repoussoir pour l’autre,  le « modèle » en question mérite qu’on s’y arrête une fois encore pour en clarifier la portée et faire un sort à quelques « idées reçues » à son propos. C’est l’exercice auquel vient de se livrer avec pertinence, vendredi dernier à Strasbourg, Bruno Odent autour de son livre : »Modèle allemand -une imposture » (1).

Première idée trompeuse: les « bonnes performances » de l’Allemagne sont le fruit des « réformes Schröder ». Faux. Sur dix ans (2002-2012), les richesses produites outre-Rhin se sont accrues de 1,2% par an seulement, en moyenne . Le rebonds ne concerne que deux années sur les dix (2010-2011).Celui-ci est intervenu après une récession record -supérieure à 5% !- en 2009 (deux fois plus forte qu’en France). Les véritables atouts de l’Allemagne sont tout autres et bien antérieurs au tournant de l’austérité : densité industrielle (à l’opposé de la désindustrialisation opérée en France) ; salaires et protection sociale traditionnellement élevés ; relation étroite entre les banques et l’industrie, etc…Ce sont précisément ces atouts que la logique Schröder-Merkel mine progressivement.

Autre idée à revoir: il y a, certes, des inégalités sociales en Allemagne, mais l’économie y est florissante. Faux. Il n’y a pas que des inégalités dans le pays européen le plus riche, il y a un essor de la pauvreté, y compris au travail du fait de la précarité. 15% de la population y vivent sous le seuil de pauvreté (c’est encore pire qu’en France). Une étude officielle indique qu’un salarié relativement bien payé (2500€ brut) doit s’attendre à toucher une retraite de base de…850€ par mois. Concernant l’économie, l’institut allemand des statistiques s’attend à une quasi-stagnation sur l’année 2013 (0,4%), une situation à peine moins préoccupante qu’en France (0,2%). Le manque d’investissements dans les infrastructures publiques est notoirement dramatique.Voilà l’héritage réel du prétendu « modèle ».

Dernier exemple d’idée pernicieuse: grâce à l’instauration du salaire minimum -et de la relance de la consommation intérieure qui s’en suivra- l’Allemagne va pouvoir rejouer le rôle de locomotive de la croissance en Europe. Faux, à tout le moins très exagéré. Certes, la perspective de la création d’un « SMIC » est une rupture naturellement très positive avec les dogmes « ordolibéraux » de la classe dirigeante allemande qui veulent que l’Etat n’interfère pas dans les rapports entre « partenaires sociaux »! Mais la mesure n’interviendra pas avant 2015, et même 2017 dans toutes les branches où les minima sont actuellement inférieurs à 8,50€ (brut). D’ici-là, le contrat de gouvernement ne prévoit pas d’évolution du niveau du salaire minimum au-delà de cette somme (le SMIC français est aujourd’hui de 9,53€ brut). C’est ce « modèle » que Madame Merkel appelle une « Démocratie conforme au marché »…Un exemple pour la France ou pour l’Europe?

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(1) Editions « Le temps des cerises » (2013)

23 janvier 2014 at 6:38 Laisser un commentaire

EUROPE: VOIR AU-DELÀ DU « COUP DE BALAI »

    wurtz-l-humanite-dimanche    La légitime exaspération que suscite la politique de l’Union européenne toutes ces dernières années nourrit ici ou là l’idée qu’il faudrait un « coup de balai » pour nous débarrasser de toute cette pseudo « élite » de Bruxelles, et par là-même de toutes les calamités qu’elle incarne aux yeux du plus grand nombre. Méfions-nous: ce type de slogan peut paraître radical, mais il est en réalité à courte vue. Il n’encourage pas les citoyennes et les citoyens à s’approprier les enjeux européens ( Par exemple, le choix de classe qui oppose ceux qui aspirent à faire de la promotion des capacités humaines la priorité de la future politique européenne aux obsédés de la course à la compétitivité par la baisse du « coût du travail » et des dépenses publiques) . Or, seuls celles et ceux qui voient clair sur ces choix sont en mesure d’agir sur eux . La gauche n’a rien à gagner à cantonner le peuple dans une posture purement protestataire, à privilégier le réflexe sur la réflexion et la surenchère verbale sur l’intervention de fond.

Ironie du sort, cette année, c’est ,du reste, l’Union européenne elle-même qui va, en quelque sorte, en raison d’échéances qui se télescopent, donner un « coup de balai » dans les hautes sphères du pouvoir « bruxellois »!Qu’on en juge: le Président de la Commission européenne, M. Barroso? Il quitte définitivement son poste le 1er novembre prochain. Le Président du Conseil européen, M. Van Rompuy? Il se retire impérativement un mois plus tard. La Haute Représentante de l’UE pour les Affaires Étrangères et la politique de sécurité, la Baronne Catherine Ashton? Elle va retrouver la Chambre des Lords cet automne. Si on ajoute à la liste le Président du Parlement européen, M.Schulz, qui rend son tablier en mai, on le constate: bien des ténors de l’actuelle « nomenklatura » européenne  vont devoir céder la place en 2014. Et pourtant, ce seul fait ne conduira évidemment pas aux changements attendus par la majorité de nos concitoyens !

Pour que puisse s’ouvrir avec succès un processus de « refondation » de la construction européenne , il faut qu’un ou , si possible, plusieurs pays prennent l’initiative de rompre avec les dogmes libéraux actuels,  mais il faut aussi que cette rupture soit massivement comprise et soutenue par les citoyens du plus grand nombre de pays possible. Pour créer les conditions de ces convergences, les slogans gauchistes ne sont d’aucun secours. C’est l’aiguisement de la bataille des idées alternatives à celles des libéraux de tous genres qui est décisive. Et c’est le rassemblement le plus large autour de ces idées de changements qui est déterminant. L’élection européenne est un moment-clé pour concrétiser ces nouveaux rapports de force grâce à une bonne représentation au Parlement de Strasbourg.

Saisissons à pleines mains, dans cet esprit, le levier du scrutin du 25 mai prochain! En France-même , nous savons comment faire appel à l’intelligence de nos concitoyens : l’expérience de la bataille contre le traité constitutionnel de 2005 est gravée dans la mémoire collective. Quant à notre campagne à l’échelle européenne , le soutien massif de la gauche critique européenne (celle du Parti de la Gauche Européenne que préside Pierre Laurent) à la candidature de notre ami Alexis Tsipras -le leader de Syrisa, aujourd’hui première force politique de Grèce!- à la présidence de la Commission va nous offrir une opportunité sans précédent de défendre ,ensemble, nos idées jusque sur la scène européenne . C’est tout cela, le défi à relever aujourd’hui.

16 janvier 2014 at 7:40 Laisser un commentaire

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