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UE : CES CRISES QUE NOUS CACHE LE BREXIT…
Le Brexit est naturellement une vraie crise pour l’Union européenne ! D’abord, parce que, pour la première fois, en plus de soixante ans d’existence, un pays membre, qui plus est de première importance, décide de se retirer d’une communauté conçue pour durer. C’est là, incontestablement, pour l’UE, un grave échec politique qui laissera des traces. Ensuite, du fait des conséquences concrètes, potentiellement déstabilisantes -et pas que sur le plan commercial- , pour les gens eux-mêmes, de la rupture des liens étroits tissés entre partenaires durant des décennies. Ce saut dans l’inconnu, dans le contexte mondial actuel, risque de coûter cher à de nombreux Britanniques mais, de ce côté-ci de la Manche, on aurait tort de hausser les épaules : les incertitudes sont également lourdes pour les « 27 ». Il est donc parfaitement légitime que l’on accorde à la crise euro-britannique toute l’importance qu’elle requiert.
Cependant, de même qu’un train peut en cacher un autre, une crise peut nous empêcher d’en voir une ou plusieurs autres. C’est le cas du Brexit. Le dernier Conseil européen, ce 18 octobre, nous en a fourni une triste illustration. Les Chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, miraculeusement d’accord , pour l’essentiel, sur l’attitude à adopter vis-à-vis de Londres, ont étalé leurs profondes divisions sur tous les autres grands sujets à l’ordre du jour du Sommet : en particulier, la question cruciale du budget prévisionnel pour la période allant de 2021 à 2027. Autrement dit, la traduction en chiffres de la vision commune pour les sept prochaines années. Or, de « vision », il n’y en a point, dans l’UE : la dérive néolibérale y est devenue si débridée que chaque gouvernement ne cherche plus qu’à en tirer le meilleur profit pour la « compétitivité » de ses firmes protégées ou pour sa clientèle électorale. Il n’y a donc eu d’accord sur « aucune ligne directrice, rien ! » a dû constater le Président de la Commission -sur le départ-, Jean-Claude Juncker.
D’un côté, tous les États veulent que l’UE se lance dans de nouvelles dépenses : parfois franchement mauvaises, comme le renforcement des moyens permettant de freiner des quatre fers l’arrivée de migrants ou la montée en gamme d’une « défense européenne »; parfois, à l’inverse, des investissements indispensables, comme le développement du numérique…De l’autre côté, la plupart des Chefs d’Etat ou de gouvernement ne veulent pas entendre parler d’augmentation, même minime, de leur contribution au budget, ne serait-ce que pour compenser la perte de 12 milliards d’euros par an du fait du départ du Royaume-Uni. Même une proposition de compromis proche du ridicule -faire passer le budget de 1,03 % à 1,08 % des richesses produites par an par les « 27 »- a été rejetée. Aucun pays n’envisageant évidemment de renoncer aux mauvaises dépenses, certains préconisent des coupes sèches dans les rares mesures de solidarité encore existantes : les aides aux agriculteurs et les «fonds de cohésion » destinés aux pays les plus pauvres de l’UE. Inacceptable ! Voilà un débat qui méritera dans les mois à venir une attention soutenue que même le Brexit ne devra pas occulter.
THATCHER, BLAIR, JOHNSON…DE L’AIR !
Tandis que commence la périlleuse aventure de Boris Johnson au « 10, Downing Street« , comment ne pas penser à la succession de désastres politiques que subissent les forces démocratiques de ce grand pays, notamment depuis 1979, date de l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher ! Il n’est pas inutile de revenir sur les principaux épisodes de cette terrible expérience, d’autant que nombre des stratégies mises en œuvre par les dirigeants successifs du Royaume-Uni ont fait école, par la suite, dans d’autres pays de l’Union européenne, France comprise.
Durant ses trois mandats, la « Dame de fer », chantre du néolibéralisme, mena, on s’en souvient, une véritable guerre contre les syndicats, développant dans le pays une véritable pédagogie du renoncement aux luttes sociales en refusant toute concession aux grèves les plus puissantes, telle celle, particulièrement emblématique par sa force et sa durée (11 mois !), des mineurs, en 1985. Elle appliqua la même intransigeance calculée au conflit nord-irlandais, laissant mourrir un à un les grévistes de la faim républicains qui revendiquaient depuis leur sinistre prison le statut de prisonnier politique. Et c’est toujours sur la base de ce principe-clé (ne rien céder) qu’elle arracha à ses pusillanimes « partenaires » européens le fameux « rabais » sur la contribution de la Grande-Bretagne au budget de l’UE, et ce sans limite dans le temps : soit environ 111 milliards d’euros en 30 ans ! Il faut croire que son modèle de gouvernance inspire aujourd’hui encore les dirigeants occidentaux les plus cyniques puisque son slogan : « Britain is great again » a, depuis, traversé l’Atlantique…
Vint ensuite la période Blair. Sans être assimilable à la précédente, elle a entériné nombre de ses régressions. Avant même son élection à la tête du pays, en 1997, c’est l’ arrivée du champion de la « troisième voie » à la tête du parti travailliste, en 1994, qui se traduisit par une défaite majeure pour le mouvement progressiste britannique. Devinant d’emblée la volonté et la capacité du nouveau Chef du « Labour » de casser tous les repères de gauche hérités de l’ « avant-Thatcher », la dirigeante conservatrice de choc salua en lui « le leader le plus formidable que nous ayons eu depuis cinquante ans » ! De fait, profitant de la marginalisation de l’aile gauche de son parti sous le règne -tout aussi néolibéral sur le fond, mais dans un style plus classiquement social-démocrate dans la forme- de son prédécesseur , Neil Kinnock (qui deviendra commissaire européen…), Tony Blair entreprit immédiatement la transformation tant du projet travailliste que des règles du parti. On parla d’une « tatchérisation du Labour », non sans des accommodements intelligemment distillés pour marquer la différence, tels des investissements dans les services publics ou diverses mesures sociétales. À l’issue de cette phase de « normalisation » de la gauche , la voie fut à nouveau ouverte aux conservateurs. Le piètre Cameron, pour des raisons étroitement politiciennnes, promit le référendum sur la sortie de l’UE, jouant à la roulette russe l’avenir du pays. Il sera suivi par une Theresa May impuissante face à une Chambre des Communes en plein désarroi. On connaît la suite -qu’on espère la plus provisoire possible. Thatcher, Blair, Johnson…De l’air !
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