Archive for décembre, 2015
LE NATIONALISME, POISON MORTEL POUR LA DÉMOCRATIE
« Élue présidente de région, je supprimerai toutes les subventions aux associations qui viennent en aide aux migrants ! » : telle fut l’une des dernières sorties de la cheffe du FN « dédiabolisé » avant le second tour des élections régionales . (1) Voilà qui illustre en peu de mots une vision de la société propice aux engrenages funestes dont l’Histoire nous a enseigné qu’ils pouvaient conduire au pire : l’esprit de stigmatisation et de discrimination commence par viser le « migrant », puis, chemin faisant, le Français « d’origine étrangère », le « musulman » ou présumé tel et tous ceux qui ne « sont pas comme nous » . Une partie de la société , la plus vulnérable, risque alors insensiblement de devenir , aux yeux de l’autre, -comme le fustigeait déjà La Fontaine- « ces pelés, ces galeux d’où nous vient tout le mal ». Et, au-delà, il s’agit d’ « une vision du monde où la France détient une nette supériorité historique et culturelle sur les autres pays (…) peignant l’étranger comme un artisan majeur de nos maux » (2) .
Dans une telle mythologie, il n’y a guère de place pour un raisonnement rationnel : ainsi, dans certaines localités alsaciennes dont plus de 60% des habitants travaillent en Allemagne, la moitié des électeurs a soutenu , le 6 décembre dernier, un parti prônant la fermeture des frontières ! Eux s’inquiètent de voir…les migrants prendre leur travail outre-Rhin. (3) Cette logique d’exclusion et de division, on ne voit pas toujours où elle commence, on sait en revanche où elle peut finir. Il n’y a rien de plus vital pour la démocratie que d’éradiquer toutes ces graines de nationalisme, de racisme et de xénophobie , ces poisons mortels pour le vivre ensemble ! Pour paraphraser le pasteur Niemöller, réagissons à temps, quand ils s’en prennent aux « migrants » ou aux « étrangers », pour ne pas avoir à regretter notre laisser-faire lorsqu’ils s’en prendront à nous-mêmes !
Et « l’Europe », dans ce contexte ? Faudrait-il , par réaction au nationalisme europhobe du FN, « arrondir les angles » des critiques de gauche concernant les politiques désastreuses menées en son nom comme l’exercice scandaleux des pouvoirs en son sein ? Certainement pas ! Le type de construction européenne actuellement en vigueur est condamné, tant son échec est patent et sa légitimité fracassée aux yeux de la majorité des Européens. Mais si l’alternative passe nécessairement par des ruptures profondes avec le modèle européen actuel, elle n’est certainement pas à chercher du côté de la régression nationaliste ! Certains, à gauche, prônent une « Union de nations et de peuples souverains et associés » et préconisent, dans ce cadre, des politiques communes « à géométrie choisie » (4) . Cette proposition présente un double intérêt.
D’abord celui de prendre pleinement en compte l’importance durable du fait national et de l’articuler à la réalité incontournable et irréversible de notre temps : l’interdépendance par-delà les frontières. A l’opposé des pratiques actuelles des forces dominantes, le but du combat pour cette « refondation » de l’Europe est d’aboutir à une construction qui ne soit pas imposée « d’en haut » mais engagée à partir de chaque nation qui en exprime la volonté et par une implication effective des citoyens dans les choix à opérer. L’autre intérêt de cette vision alternative de la construction européenne est qu’elle prévoie que chaque pays membre puisse souverainement décider de son degré d’engagement dans ces politiques communes. Ce débat prend aujourd’hui, à l’évidence, une importance sans précédent.
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(1) Sur RMC le 10/12/2015
(2) François Miquet-Marty, Président de Viavoice ( Libération – 11/12/2015 )
(3) Voir Le Monde (11/12/2015)
(4) voir « Refonder l’Europe » -PCF 15/11/2013
COP 21 : LES CONTRADICTIONS D’ANGELA MERKEL
« Nos objectifs doivent être ambitieux , exhaustifs, justes et contraignants » : la posture qu’avait adoptée Angela Merkel à l’ouverture de la COP 21 était en phase avec la tonalité offensive de la plupart des professions de foi des « Grands » de ce monde. A présent que s’achève cette Conférence aux enjeux planétaires, le temps est venu de jauger la crédibilité de leurs engagements à l’aune des décisions concrètes appelées à les concrétiser. En tant que première puissance économique de l’Union européenne et porte-drapeau de la promotion des énergies renouvelables , l’Allemagne s’attend à voir sa transition énergétique scrutée avec attention. La Chancelière avait d’ailleurs pris les devants de cette mise à l’épreuve en promettant, dans cette même intervention, de s’efforcer de « ne pas décevoir ceux qui attendent tant de nous »… C’est dans ce contexte qu’un magazine dédié aux relations franco-allemandes vient de dresser un tableau sans concession des contradictions de la politique du gouvernement de Berlin en matière de lutte contre le réchauffement climatique (1) .
« L’Allemagne est la championne des énergies vertes…et du charbon » souligne d’emblée l’un des articles consacrés au dossier de ce « Spécial COP 21 ». De fait, si la part des renouvelables dans le mix énergétique allemand a bondi de 8% en 2003 à 26% en 2014, celle du charbon reste à…43% ! Dès lors, passer dans les cinq années à venir, comme Berlin s’y est engagé, d’une réduction des émissions de CO2 de 27% (par rapport à leur niveau en 1990) à 40% n’a rien d’évident ! D’autant moins qu’un certain nombre de centrales thermiques allemandes fonctionnent au lignite, la variété de charbon la plus polluante. Et manifestement, celle-ci n’est pas près d’être abandonnée : « L’Allemagne compte encore dix mines de lignite en activité -rappelle un autre article de la revue- . Dans le bassin rhénan, de nouvelles mines à ciel ouvert doivent être creusées dans les années à venir pour continuer à en extraire du combustible jusqu’en 2045 » ! Et pour ce faire, en prime en quelque sorte, « des villages entiers sont déplacés et détruits » ! Inutile de vous frotter les yeux : vous avez bien lu !
Pour être énorme, ce problème n’en est pas pour autant le seul que pose le type de transition pour lequel a opté Madame Merkel. S’y ajoute notamment le paradoxe entre une future concentration des ressources énergétiques au Nord du pays , tandis que les principales industries consommatrices sont au Sud ! En effet, le choix a été fait d’un développement intensif de l’éolien offshore au large des côtes de la mer du Nord et de la mer Baltique . Il engendrera -outre les difficultés techniques et les coûts financiers de cette technologie- la construction de…2650 km de lignes à haute tension d’ici 2023 pour transporter l’électricité des lieux de production jusqu’à ses utilisateurs. On est loin de l’idéal écologique des initiatives de proximité !
Dans son éditorial, le directeur de cette publication évoque avec tristesse « une cascade de scandales » qui accable l’Allemagne, depuis les révélations concernant la collaboration des services de renseignement allemand avec la NSA américaine jusqu’à l’affaire Volkswagen en passant par une série de retards phénoménaux et de surcoûts astronomiques dans de grands chantiers mythiques. On peut craindre que la gestion de la transition énergétique ne vienne s’ajouter à la liste. « Les germanophones auraient tort de s’en réjouir. Et surtout tort d’user d’arrogance -ajoute-t-il- Car personne n’est irréprochable, y compris la France ». Nous sommes bien d’accord. (2)
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(1) « Parisberlin » No 110 – « Climat : Sauver l’avenir » ( voir en particulier les articles de Déborah Berlioz -« Un bouquet énergétique plein de paradoxes »- et de Rachel Knaebel -« Les villages fantômes du charbon allemand »-)
(2) Olivier Breton
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