Archive for mars, 2012

DÉSOBÉIR A BRUXELLES ? UN EXEMPLE

L’actualité européenne -à savoir les nouvelles règles proposées par la Commission Barroso concernant la question ultra-sensible des « travailleurs détachés » de leur pays (européen) pour aller travailler temporairement dans un autre Etat de l’UE- nous donne l’occasion d’illustrer ce que nous entendons,au Front de Gauche,par la « désobéissance » vis à vis d’injonctions européennes qui entrent en contradiction avec nos engagements.

Le 21 mars dernier,en effet,la Commission européenne a présenté un projet de règlement censé rassurer tous ceux qui,au vu de l’expérience vécue,estiment que les règles européennes en vigueur jusqu’ici en la matière favorisent le « dumping social »,au point de contester le droit de grève à qui entend s’y opposer. Ce nouveau règlement est pourtant si « ambigu » ( le mot est de…Xavier Bertrand!) que même le ministre des Affaires sociales de Nicolas Sarkozy a préféré,à quatre semaines des élections présidentielles,prendre ses distances avec Bruxelles…Tout cela mérite quelques explications.

Petit retour en arrière.Parmi les règles absolues figurant dans tous les traités européens depuis la création de la « Communauté »,il y a la « libre circulation des services ».Elle n’entra,en revanche,en vigueur,que progressivement.En 1991,la Cour européenne de Justice,chargée d’interprêter les traités,institua la règle ultra-libérale selon laquelle tout prestataire de services d’un pays membre peut exercer son activité dans tout autre Etat membre dans les mêmes conditions que dans son pays d’origine. Les seules restrictions tolérées à cette « liberté » sont celles qui relèvent d’un « noyau dur » de droits des salariés du pays d’accueil,à condition qu’il ne s’agisse pas d’ « exigences disproportionnées ». Sur cette base,singulièrement floue,la Commission prépara une directive « relative aux travailleurs détachés » qui vit le jour en 1996.Ce texte précise que  la législation du pays d’accueil (et non du pays d’origine) s’applique aussi aux travailleurs « temporairement détachés » dans un autre pays de l’UE que le leur,mais seulement en ce qui concerne les taux MINIMA de salaire,de congés,et de conditions de travail.Le tout sous le strict contrôle de la Cour européenne de Justice…

En 2006-2007,celle-ci revient à la charge.Coup sur coup,dans plusieurs affaires retentissantes,elle condamne des syndicats pour avoir lancé une grève contre une entreprise d’un autre Etat de l’UE qui,au nom de la sacro-sainte « libre circulation »,avait violé grossièrement les conventions collectives du pays d’accueil jugées « disproportionnées ».(En Basse-Saxe,une entreprise étrangère payait ses « travailleurs détachés » moitié moins que…le salaire minimum en vigueur dans ce secteur du land allemand en question!).Face au tollé que suscitèrent et cette scandaleuse mise en concurrence des travailleurs et cette inacceptable remise en cause du droit de grève,la Commission européenne promit de préciser les règles à respecter. Or,il ressort de ce nouveau texte que,les traités étant ce qu’ils sont,il n’y a guère de changement de règles possible.(Ce qui était,à nos yeux,une évidence.)Les syndicats européens sont,logiquement,vent debout contre ce carcan libéral.On va vers de sérieux conflits.Voilà typiquement un terrain sur lequel une France de gauche aurait immédiatement le devoir de prendre l’initiative de « désobéir » -non pas seule contre tous,en snobant avec arrogance les autres Européens- mais en créant les conditions de toutes les convergences et de tous les rassemblements populaires possibles pour engager les ruptures nécessaires avec les règles et les structures actuelles et commencer à changer concrètement l’Europe.

29 mars 2012 at 9:02 1 commentaire

COMMENT LE POLITIQUE PEUT REPRENDRE LE POUVOIR SUR L’ECONOMIE

Il est de bon ton de prétendre qu’à l’heure de la mondialisation et de la puissance tentaculaire des firmes multinationales,les pouvoirs publics n’ont plus guère de leviers à leur disposition permettant d’orienter l’économie,de responsabiliser les entreprises,de faire respecter des priorités,par exemple en matière sociale,environnementale ou de droits des salariés.C’est sans doute dans ce renoncement majeur à la démocratie qu’il faut chercher la source principale du décrochage massif des citoyens avec le modèle politique dominant et avec l’Union européenne qui en est l’expression achevée.Nicolas Sarkozy en est conscient:c’est pourquoi ,par une de ces pirouettes démagogiques dont il a le secret,il a revêtu à Villepinte,la panoplie du matamore néogaulliste,lançant un ultimatum à ses partenaires européens et les menaçant de prendre des mesures unilatérales si ses exigences transformatrices n’étaient pas satisfaites. Voyons donc de plus près l’une des réformes dont il s’est fait le héraut: le « Buy European Act » inspiré, naturellement,…de l’expérience nord américaine du « Buy American Act ».

De quoi s’agit-il? D’une loi permettant à l’Etat fédéral américain d’accorder les commandes publiques de préférence à des entreprises installées auux Etats-Unis.Précisons que ce principe connait,outre Atlantique,de sérieuses limites.D’abord,au paradis du secteur privé,les contrats publics sont relativement limités en comparaison de ce qu’ils représentent (encore) en Europe.Ensuite,au nom de la sacro-sainte « compétitivité »,un produit importé sera en règle générale préféré au « made in America »si la différence de prix est jugée sensible (plus de 6%).Enfin,l’accord de libre-échange USA-Canada-Mexique interdit toute distorsion de concurrence entre ces trois pays pour tout contrat de quelque importance.Nicolas Sarkozy ne prend donc pas de risque démesuré en agitant la menace d’imiter les Etats-Unis en la matière.

Voyons ,en revanche,ce que pourrait et devrait être une vraie révision en profondeur des conditions dans lesquelles sont attribués les marchés publics  (Etat,collectivités,administrations publiques) dans l’Union européenne!Précisons d’emblée les montants faramineux que représentent ces contrats (livraison de fournitures;prestation de services;réalisation de travaux -routes,hôpitaux,télécom…): 365 milliards d’euros par an pour la seule France,soit sensiblement plus que la totalité des dépenses de l’Etat! Et 2400 milliards d’euros pour l’UE,soit 17% des richesses produites par an! (chiffres officiels de l’institut statistique de l’Union européenne,Eurostat). Quel levier exceptionnel une attribution conditionnelle de tels marchés pourrait-elle constituer aux mains de pouvoirs publics décidés à en user pour le bien public et l’intérêt général!Seules auraient droit à cette manne prodigieuse les entreprises établies sur le territoire,renonçant à toute délocalisation ,à tout dumping social, développant l’emploi,défendant l’environnement …bref ,répondant à un cahier des charges précis,établi démocratiquement!Un traitement particulier pourrait concerner des entreprises installées dans un pays du sud dans le cadre d’un accord de coopération ,etc…

C’est de ce levier,d’une efficacité potentiellement considérable,que des responsables politiques ont délibérément privé les pouvoirs publics à tous les niveaux, en adoptant des directives libérales,notamment à partir des années 90 et du traité de Maastricht.Le résultat,ce sont quelque 85% des marchés publics ouverts à la concurrence mondiale !

C’est bien de la remise en cause de cette démission volontaire face aux grands groupes privés -enjeu de société de première importance- que l’Europe a besoin aujourd’hui.Et il ne s’agit là que d’un levier possible parmi d’autres : aides publiques soumises à conditions;accès sélectif au crédit… Un combat pour la gauche!

22 mars 2012 at 3:55 Laisser un commentaire

LE REVELATEUR ESPAGNOL

Les négociations des autorités grecques avec les créanciers privés sur l’effacement d’une partie de la dette du pays a,logiquement,focalisé notre attention,la semaine dernière.Or,dans le même temps,d’autres événements de grande portée se déroulaient non loin de là,en Espagne.

On le sait,en décembre dernier,le très emblématique chef de l’ex-gouvernement socialiste, José-Luis Zapatero, avait subi une défaite retentissante,largement due à sa politique économique d’une orthodoxie libérale à toute épreuve,qui a contribué à plonger l’Espagne dans une crise d’une brutalité inouïe.Les deux dernières années resteront dans la mémoire collective espagnole comme celles d’un véritable calvaire,que résument trois chiffres monstrueux:près d’un Espagnol sur quatre,dont quasiment un jeune de moins de 25 ans sur deux, sont au chômage;dans un million et demie de foyers espagnols,pas une seule personne n’a un emploi! Cette situation sinistrée n’a pas empêché la Commission européenne de fixer -et le nouveau Premier ministre de droite  d’accepter- des objectifs drastiques de « réductions des déficits publics ».Conservateur discipliné,Mariano Rajoy s’engagea à réaliser un « ajustement » budgétaire de près de …40 milliards d’euros en  2012 et à mettre en oeuvre les « réformes » attendues par Bruxelles et les « investisseurs »:retraite à 67 ans; non-remplacement des fonctionnaires partant en retraite;gel ou réduction des salaires des agents publics;réforme « très ambitieuse » (dixit Sarkozy) du marché du travail;purge sévère dans les régions (notamment chargées des dépenses d’éducation et de santé)…

Il arriva ce qu’il devait arriver: d’un côté l’exaspération des Espagnols;de l’autre,un enfoncement du pays dans la crise (chute vertigineuse de la consommation;perte de recettes publiques;récession assurée;destruction prévue ,en 2012,de …620 000 emplois supplémentaires !) Tant et si bien que le très docile leader de la droite espagnole dut lui-même,à son corps défendant,se muer en trublion de l’Europe libérale: le 2 mars dernier,il signa comme il se devait à Bruxelles le nouveau traité de discipline budgétaire…avant d’annoncer à Madrid sa « décision souveraine » de ne pas respecter, cette année,ses engagements sur la réduction des déficits (Ils devraient atteindre 5,8% du PIB en fin d’année,au lieu des 4,4 promis.)

Depuis,à Bruxelles,on ne sait plus sur quel pied danser face à ce qui y est considéré comme un « coup de force » particulièrement inattendu.Accepter de négocier un « assouplissement » des contraintes avec Madrid ôterait toute « crédibilité »  à la nouvelle « gouvernance économique » chère à Merkozy: si l’Espagne peut,unilatéralement et impunément, s’affranchir des règles européennes sur les déficits,le nouveau traité risque d’être mort-né.A l’inverse,croiser le fer avec la troisième économie de la zone euro n’irait pas sans risque pour l’Union européenne tout entière.Que faire?Dans  l’immédiat,la Commission Barroso a ouvert une « procédure de sanctions pour déficit excessif » et l’Eurogroupe (les ministres des finances de la zone euro) a commencé à examiner les grandes lignes du budget espagnol. Tous espèrent que le Premier ministre conservateur reviendra au plus vite dans le rang.Mariano Rajoy ne demanderait sans doute pas mieux.Mais il est douteux que son peuple (et les réalités économiques elles-mêmes) le lui permettent. Ce révélateur espagnol en dit long sur l’espace politique qui s’ouvre aux luttes multiformes pour mettre en cause la dérive « austéritaire » de l’Union européenne.

15 mars 2012 at 8:50 Laisser un commentaire

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