Posts filed under ‘Syrie’
VERS UNE DÉFAITE D’ERDOGAN ? UN ESPOIR ET DES QUESTIONS
Après 21 ans de règne, Erdogan et son parti, l’AKP, risquent l’échec lors du double scrutin du 14 mai prochain : l’élection présidentielle (1er tour) et les élections législatives (à un seul tour). Pour analyser les enjeux de cet événement politique majeur, l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) vient d’organiser une passionnante table ronde (1) : l’essentiel de ce qui suit est inspiré de ces échanges.
Depuis dix ans, les signes d’une volonté de changement de la société turque se sont multipliées : depuis le spectaculaire mouvement de protestation de 2013 jusqu’à la victoire de l’opposition à Ankara, et surtout dans le fief d’Erdogan, Istanbul (16 millions d’habitants), en 2019, en passant par l’irruption du parti progressiste HDP du très respecté Selahattin Demirtas, qui priva pour la première fois Erdogan de la majorité absolue au Parlement en 2015 (et qui est en prison depuis 2016 !) L’hyper-centralisation autoritaire du régime qu’a permise la mise en place d’un régime présidentiel; l’instrumentalisation du coup d’Etat avorté de 2016 pour mener une répression de masse, féroce et arbitraire; l’insupportable ordre moral et conservateur institué par le pouvoir; la profonde crise économique et sociale en cours (une inflation proche de 100%); enfin les graves négligences de l’administration révélées par les récents séismes, ont sérieusement entamé la base sociale du régime.
Dans ce contexte, l’opposition a travaillé à constituer une coalition autour du grand parti de centre-gauche, membre du PSE, le CHP. C’est le Président de ce parti, Kemal Kiliçdaroglu, qui représentera les six partis coalisés à l’élection présidentielle. Le HDP (11 à 13 % des voix) ayant, au vu des circonstances, décidé de ne pas désigner de candidat et d’appeler à tout faire pour battre Erdogan, Kiliçdaroglu a de réelles chances de devenir le prochain président de la Turquie. Tout va dépendre de la dynamique politique à l’œuvre durant les trois semaines à venir.
Si l’éventualité d’une défaite d’Erdogan suscite des espoirs -notamment en matière de démocratie- à la hauteur du rejet d’un régime massivement honni, des questions demeurent sur les changements concrets à attendre, le cas échéant, de cette nouvelle coalition, très hétérogène (avec une dominante de centre-gauche, mais aussi une formation de droite nationaliste et plusieurs anciens Premiers ministres ou ex-ministres d’Erdogan) et divisée sur des sujets majeurs, comme la question kurde, qui doit faire l’objet, en cas de victoire, d’un grand débat au Parlement, le principal atout du HDP étant que la coalition a besoin de son soutien. Par ailleurs, si la volonté de revenir à un régime parlementaire et de pratiquer une gestion du pouvoir moins agressive semblent, le cas échéant, assurée, des incertitudes demeurent sur ce que serait la politique économique des nouvelles autorités. Quant à la politique extérieure (relations avec la Grèce, Chypre, l’Arménie vs l’Azerbaïdjan, l’OTAN, la Russie, la Syrie, l’Afrique…), elle ne devrait pas fondamentalement changer, si ce n’est par un renforcement de la « vocation européenne et occidentale » de la Turquie. A suivre…
————
(1) Autour de Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS, lui-même expert de la Turquie, étaient réunis le 20 avril 2023 Ahmet Insel, économiste et politologue ; Bahadir Kaleagasi, président de l’Institut du Bosphore et Barçin Yinanç, journaliste.
GUERRE OU PAIX : 3 GRAVES MENACES A SUIVRE EN 2018
Le monde hérite en 2018 de nombreuses zones de conflits ou susceptibles de s’embraser suite à l’irresponsabilité effarante de « dirigeants » de premier plan, au premier rang desquels figure le chef de la « puissance indispensable », Donald Trump. Trois graves menaces du point de vue de la sécurité internationale sont à suivre tout particulièrement : dans la péninsule coréenne ; en Palestine; en Ukraine .
En Corée, un espoir de détente s’est levé à l’occasion du Nouvel An, quand le leader nord-coréen a, à la surprise générale, proposé de rencontrer son homologue du Sud « pour discuter de la participation » de Pyongyang aux Jeux Olympiques qui se dérouleront à Séoul en février prochain et , plus généralement, de « l’amélioration des relations inter-coréennes ». Le « téléphone rouge » entre les deux capitales va d’ailleurs rouvrir. Le Président sud-coréen a aussitôt saisi la balle au bond en proposant de tenir ces pourparlers dès le 9 janvier et en priant Washington de suspendre les méga-manoeuvres militaires prévues sous peu -comme chaque année !- dans la péninsule . « On verra, on verra » a répondu Trump, envisageant au mieux de décaler de quelques semaines cette gigantesque provocation et non d’y renoncer comme l’y invitent depuis longtemps Pékin et Moscou ! Arrivera-t-on à empêcher la Maison Blanche de gâcher cette chance de relancer le dialogue dans la poudrière coréenne ? On aimerait entendre la France et l’Europe s’exprimer fortement sur cet enjeu crucial…
Au Proche-Orient, non content d’avoir, le mois dernier, scandaleusement encouragé les pires ultras en Israël en leur accordant sa caution sur l’annexion de Jérusalem, le pyromane de Washington vient de menacer de suspendre la contribution américaine -369 millions de dollars par an !- à l’Agence des Nations-Unies en charge des réfugiés palestiniens (l’UNRWA) si l’Autorité palestinienne… « refuse de négocier le traité de paix qui se fait attendre depuis trop longtemps avec Israël » ! La concrétisation de cette incroyable menace risquerait de pousser à bout ces 5,2 millions de Palestiniens les plus fragilisés, qui vivent, de génération en génération, depuis 1948, dans 59 camps répartis en Cisjordanie, à Gaza, à Jérusalem-Est, mais aussi dans les autres pays de la région. Rappelons que c’est pour suppléer au refus d’Israël d’assumer ses responsabilités de puissance occupante qu’a été créée l’UNRWA, afin d’assurer les services sociaux, la santé, l’éducation et l’aide humanitaire indispensable aux Palestiniens chassés de leur terre. Voudrait-il provoquer l’explosion du désespoir que l’inqualifiable personnage américain ne s’y prendrait pas autrement. Là encore, l’inertie de Paris et de Bruxelles est consternante.
En Ukraine enfin, on notait avec un peu d’espoir un léger bouger, le 27 décembre dernier, lorsqu’a fini par aboutir le très attendu échange massif de prisonniers, sans précédent, entre Kiev et le Donbass. Il s’agissait enfin d’un début de mise en oeuvre d’un point des accords de paix de Minsk. C’était compter sans l’incommensurable irresponsabilité de Washington qui annonça quasiment au même moment son intention de fournir des armes létales lourdes -lance-roquettes; missiles antichars…- au pouvoir ukrainien, au risque de déclencher une nouvelle escalade meurtrière dans la région. Ce à quoi Emmanuel Macron et Angela Merkel ont réagi en se contentant de rappeler, sans autre considération, « leur attachement à la mise en oeuvre intégrale des Accords de Minsk »… Voilà pourquoi il est si important que l’enjeu de la guerre ou de la paix devienne ou redevienne une grande question populaire.
Commentaires récents