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« L’INQUIETANTE PERTE DE MAÎTRISE DES ARMEMENTS »
Ce 16 décembre s’achève à Genève une conférence internationale sur les armes biologiques (ou bactériologiques, ou à toxines) -ces systèmes conçus pour propager chez l’ennemi des maladies potentiellement mortelles. On le sait : ces armes sont officiellement prohibées depuis 1972 . C’était même, à l’époque, une grande « première » : jamais auparavant un traité international n’avait banni la mise au point, la fabrication, le stockage et le transfert de toute une catégorie d’armes ( Convention dite CAB ). Chaque État partie s’est ainsi engagé à prévenir et à combattre toute violation des termes de cette Convention sur son territoire comme dans ses relations internationales. Aussi l’ONU considère-t-elle ce traité comme « un élément essentiel pour la communauté internationale dans sa lutte contre la prolifération des armes de destruction massive ». Comme pour les autres grands accords de désarmement -tels le Traité sur la non-prolifération nucléaire ou celui interdisant les armes chimiques, par exemple- il fut prévu de réunir tous les cinq ans une Conférence réunissant les 184 Etats parties afin de s’assurer collectivement du respect du traité en question, et d’établir un plan d’action pour les cinq années qui suivent. L’atmosphère de ces rencontres constitue donc un bon indicateur de l’état des relations internationales.
Comme on pouvait s’y attendre dans le contexte actuel -tout particulièrement celui de la guerre russo-ukrainienne- , la Conférence de Genève a reflété cette année la spectaculaire dégradation du climat de confiance entre les nations, ce carburant vital d’une diplomatie multilatérale. Au centre des affrontements verbaux, dont la violence a surpris les observateurs les plus familiers de ce type de réunion : les laboratoires ukrainiens censés travailler sur différents agents pathogènes dans un but de santé publique et animale, mais aujourd’hui suspectés par Moscou de développer des armes biologiques avec l’aide des Etats-Unis. D’un côté, la Russie accuse l’Ukraine sans preuve, de l’autre, Kiev et Washington refusent toute commission d’enquête sur la question. L’impasse est totale.
Consciente des risques que ces vives tensions faisaient courir à l’effectivité du traité, la Haute-Représentante des Nations Unies pour les affaires du désarmement, Madame Izumi Nakamitsu, a fait appel à l’esprit de responsabilité des dirigeants présents en soulignant que « les 50 ans d’histoire de la Convention démontrent que même en période de défis géopolitiques, les Etats parties peuvent coopérer ». Mais c’était pour constater aussitôt avec gravité que la situation à cet égard, ne cessait de se dégrader depuis quelques temps déjà : « les processus multilatéraux ont été bloqués ou réduits (…) Nous avons vu les normes contre d’autres armes précédemment interdites s’éroder ces dernières années », mit en garde la diplomate onusienne. Attention, danger ! La fracturation du monde favorise une « inquiétante perte de maîtrise des armements », selon la formule pertinente du grand quotidien genevois « Le Temps », qui a suivi les travaux de ladite Convention. Un avertissement à prendre très au sérieux.
MACRON-BIDEN : LE PRIX DE LA VASSALISATION
Donald Trump a théorisé l’ America first , Joe Biden le pratique.
Les envolées lyriques du Président américain en recevant au début du mois Emmanuel Macron -« La température est peut-être fraîche en cette matinée lumineuse de décembre, mais nos cœurs sont chauds d’accueillir des amis si proches à la Maison Blanche »…- et les figures de style de son homologue français -« nous allons synchroniser nos approches et nos agendas »- n’y ont rien changé : Emmanuel Macron est reparti bredouille, s’agissant de l’enjeu principal de sa « visite d’Etat », à savoir exempter l’UE des effets de l’Inflation Réduction Act. On le sait : une disposition de cette loi réserve aux seules productions made in USA quelque 400 milliards de dollars d’aides et de crédits d’impôts, en particulier dans le secteur des véhicules électriques et des industries liées à la défense du climat. Force est de constater que les récriminations du Président français contre ces mesures « super agressives » qui risquent de pousser à des délocalisations depuis l’Europe vers les Etats-Unis n’ont pas ému l’ami et l’allié américain : « Je ne m’excuse pas », a même sèchement rétorqué ce dernier. Aucune remise en cause de cette législation n’est donc à attendre. Mais qui pouvait en douter?
Emmanuel Macron et, plus généralement, les Européens ont-ils espéré un retour d’ascenseur de Washington pour compenser leurs achats massifs de gaz liquéfié -qui plus est à un prix quatre fois plus élevé que ne le payent les industriels américains !- sans parler des importations inconsidérées d’avions de chasse F-35, de blindés, de missiles et de pièces d’artillerie, au nom de la solidarité transatlantique ? Le Président français a même cru -dans l’espoir de faire fléchir le « boss » du monde occidental- devoir invoquer « l’avantage pour les Etats-Unis » que représenterait une Europe forte…« compte tenu des priorités qu’ils ont dans l’Indo-pacifique ou à l’égard de la Chine » ! Une allusion directe à l’appel à « mobiliser les démocraties » derrière Washington dans sa croisade contre le grand rival asiatique, qu’avait lancé le Président Biden en juin 2021, lors de sa toute première visite en Europe. Là encore, Emmanuel Macron a fait choux blanc. C’est que, pour la Maison Blanche, dans le funeste contexte mondial que nous subissons aujourd’hui, la « solidarité » est plus que jamais à sens unique, les « alliés » sont nécessairement alignés, chaque capitulation accroît la vassalisation. Pour avoir rangé leurs velléités d’ « autonomie stratégique » ou de « souveraineté européenne » au magasin des illusions perdues, les dirigeants européens payent désormais au prix fort leur choix de l’occidentalisme contre celui d’ un multilatéralisme conséquent. Puissent leurs déboires actuels contribuer à leur ouvrir les yeux. Ou plutôt, puisse la douloureuse expérience du désordre mondial actuel casser dans les esprits le mythe de la puissance et de ses corollaires : la hiérarchie des États et les rapports de domination.
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