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LA DIPLOMATIE DE MACRON : AUDACE OU ESBROUFE ?
Le G7 « historique » de Biarritz est encore dans toutes les mémoires. Pensez donc : le Président français y a été « autorisé » (dixit Donald Trump) par le Président américain à faire recevoir le Ministre des Affaires étrangères iranien par son homologue français non loin du Sommet, naturellement « sans mandat du G7 » a précisé l’hôte de la Maison-Blanche…L’avenir proche nous dira s’il se sera agi d’une initiative diplomatique créative -c’est à dire conçue pour débloquer une situation avec un minimum de crédibilité- ou d’un « coup » avant tout destiné à glorifier son auteur. La créativité diplomatique est plus que louable ! Dans bien des cas, elle a permis de faire sauter des blocages et d’ouvrir de nouvelles perspectives. On s’en souvient : le grand Zhou Enlai avait eu l’idée géniale, en 1971, de profiter d’une fenêtre d’opportunité pour inviter en Chine l’équipe américaine de tennis de table afin d’ « ouvrir un nouveau chapitre dans les relations entre Américains et Chinois ». Le magazine Time titra : « Le bruit des balles (de ping-pong) a été entendu dans le monde entier ». De fait, trois mois plus tard, Henry Kissinger se rendit à Pékin pour préparer la visite historique du Président Nixon. De son côté, Barack Obama sut saisir l’occasion de la cérémonie en hommage à Nelson Mandela, au stade de Soweto, en 2013, pour aller à la rencontre de Raoul Castro et lui serrer la main . Ce bref échange, fit, lui aussi, le tour du monde et fut le prélude à un début de dégel entre Washington et La Havane. Peut-on espérer pareille attitude de la part de Donald Trump sur l’Iran ? Il est permis d’en douter…L’initiative de Biarritz conduira-t-elle à une réelle détente ou, au contraire, à une nouvelle désillusion du peuple iranien ? Nous verrons bien.
Audace ou esbroufe ? Par-delà le cas iranien, impossible de ne pas se poser la question à l’écoute du long discours -non écrit- d’Emmanuel Macron aux ambassadeurs et ambassadrices de France réunis à Paris au lendemain de ce fameux G7. Incontestablement brillant, visiblement dopé par la « formidable démonstration d’excellence de notre diplomatie » que fut, à ses yeux, « son » Sommet du G7, le Président a abordé d’emblée, avec une apparente franchise, des sujets « a priori » délicats pour un dirigeant libéral, tels que « la fin de l’hégémonie occidentale » ou « la crise de l’économie de marché financiarisée » qui, souligna-t-il, « conduit à des inégalités qui ne sont plus supportables » et « viennent bousculer la légitimité même de cette organisation économique » ( autrement dit, du capitalisme, si les mots ont un sens ) ! Ou encore le constat amer qu’ est « fini le temps où on expliquait aux gens (que) la délocalisation, c’est l’ordre des choses, c’est une bonne chose pour vous (…) Je n’arrive plus à expliquer cette histoire ». Intéressant, non ? Et de conclure sur ce point que « la vocation de la France est (…) de tenter de bâtir un ordre nouveau ». Qui l’eût cru ! Hélas, le soufflé retombe dès que le promoteur de ce nouvel ordre précise que ce « beau projet humaniste » est précisément « au cœur de l’agenda du gouvernement » et de ses « réformes » !
Il y a, en revanche, parmi les « axes prioritaires » de politique internationale annoncés, à côté de projets à combattre résolument , des pistes qui méritent débat -en particulier concernant nos relations avec la Russie, voire la Chine. Nous y reviendrons sous peu.
EUROPE-VÉNÉZUELA : DIALOGUE, OUI ! PROVOCATION, NON !
Avec une arrogance digne de la Maison-Blanche, Emmanuel Macron -en concertation avec un petit nombre d’autres dirigeants européens- avait, fin janvier, on s’en souvient, adressé un ultimatum comminatoire au Président vénézuélien : « Sans élections annoncées d’ici 8 jours… » Ce précédent pose plusieurs problèmes.
Le premier est, bien sûr, celui de la désinvolture ainsi manifestée à l’égard de la souveraineté d’un État, au demeurant sans lien particulier avec l’Union européenne. On nous objectera que l’impasse politique et la crise humanitaire sévissant dans ce pays ne souffrent aucune tergiversation. À coup sûr, personne ne peut rester insensible à la situation dramatique que subissent depuis de longs mois des millions de Vénézuéliens. S’interroger -comme le font d’ailleurs des partisans de la « révolution bolivarienne » eux-mêmes- sur la part de responsabilité du pouvoir dans ce désastre et sur les profonds changements à apporter au système en place est légitime…dès lors que, dans le même temps , on n’est pas muet sur les causes externes de la crise : chutes des recettes pétrolières (qui représentent plus des deux-tiers des recettes de l’Etat !) et opérations continuelles de déstabilisation économique et politique du pays de la part de l’administration américaine, notamment- ce que les Etats européens en question se gardent bien de faire.
L’autre problème que pose cette posture unilatérale est qu’elle jette de l’huile sur le feu au lieu de tenter d’ouvrir une issue positive aux problèmes du pays. L’attitude responsable, en pareilles circonstances, n’est-elle pas celle exprimée par le Ministre des Affaires étrangères du Mexique : « Nous n’intervenons pas, sinon par le dialogue, la négociation et la volonté de contribuer » ? La représentante de la diplomatie de l’UE, Federica Mogherini, elle-même, a insisté sur l’exigence de ne miser que sur un « processus politique et pacifique » . Tel n’est pas le chemin suivi par les dirigeants européens en question, qui ont, au contraire, par leur attitude unilatérale, pris le risque de cautionner, de fait, les menaces -y compris militaires- proférées par l’aventurier de Washington, pressé de récupérer son « arrière-cour ». Que feront-ils, par exemple, si le piège des « convois d’aide humanitaire américaine » débouche sur des affrontements armés ? Soyons clairs : Dialogue, oui ! Provocation, non ! (1)
Une dernière question mérite, en tout état de cause, d’être posée : s’il est désormais admis qu’un groupe d’Etats prenne une initiative stratégique sur la scène internationale malgré l’opposition d’un ou plusieurs autres Etats de l’UE, alors cela ne peut pas concerner le seul cas du Vénézuela ! Par exemple, Paris ne pourra plus , désormais, justifier son inaction face à la tragédie du Proche-Orient par l’absence d’unanimité au Conseil européen sur le sujet !
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(1) « Insister sur le fait que Maduro doit laisser entrer l’aide internationale est une manière claire de défier politiquement le régime (…) Quoiqu’il décide, le régime Maduro perd la face »: Eric Farnsworth, ancien conseiller à la Maison-Blanche (Libération , 8/2/2019)
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