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APRÈS LE SOMMET BIDEN-POUTINE, L’UE S’INTERROGE
Quelles relations l’UE doit-elle établir avec la Russie ? Cette question stratégique est à nouveau à l’ordre du jour de la réunion des 27 Chefs d’Etat et de gouvernement ce 24 ou 25 juin. On se souvient que, le 5 février dernier, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, s’était rendu à Moscou pour tenter -contre l’avis des « durs » de l’UE- d’ouvrir la voie à des rapports moins tendus avec le Kremlin. Mais, de façon surprenante (et très contre-productive), le pouvoir russe avait choisi ce moment précis pour renvoyer trois diplomates européens (pour participation à une manifestation pro-Navalny). Ce fut pain bénit pour les gouvernements européens les plus russophobes , qui en profitèrent pour exiger un nouveau durcissement de nos relations. Tel était jusqu’à ces derniers jours le contexte des discussions prévues cette semaine.
Les nostalgiques de la guerre froide dans l’UE se sentaient d’autant plus sûrs d’eux que le nouveau président américain, garant de « l’ordre international libéral », montrait l’exemple en décidant une série de sanctions contre la Russie et en allant jusqu’à insulter son président. Certes, ils s’inquiétaient de la perspective du Sommet Biden-Poutine, qualifié par certains d’ « énorme cadeau » fait au Kremlin. Mais on les avait rassurés : cette rencontre ne pouvait susciter « aucune illusion », les rapports entre leurs deux pays étant « au plus bas ».
Seulement voilà : le Sommet en question ne s’est pas tout à fait déroulé comme les discours agressifs entendus récemment, notamment lors de la réunion de l’OTAN, de la bouche même de Joe Biden, l’avaient laissé supposer. Naturellement, les différends y ont été abordés franchement, mais sans provoquer de blocage . « Il y a une vraie perspective d’amélioration de la relation avec la Russie » déclara le président américain, ajoutant : « J’ai un bon sentiment après la rencontre (…) Poutine ne veut pas la guerre froide ». Le président russe constata, pour sa part, qu’ « il n’y avait aucune animosité », mais au contraire une « conversation constructive », évoquant même « des germes de confiance ». Les décisions prises par les deux dirigeants , sur les plans tant diplomatique (le retour des ambassadeurs dans les deux capitales) que stratégique (réduction des armements nucléaires, coopération en matière de cybersécurité ) , semblent en témoigner. L’avenir dira s’il s’agit d’un faux-semblant ou d’une amorce de changement .
Dans l’immédiat, voilà qui ringardise quelque peu ceux qui, en Europe, s’apprêtent à pousser de plus belle à l’hystérisation des rapports entre les deux grands acteurs du continent ! L’expérience n’a-t-elle pas montré que la politique systématique de tensions et de sanctions ne fait qu’empoisonner le climat international, sans le moindre résultat concret ?
Il est temps pour l’UE de sortir de l’engrenage de la crise ukrainienne et d’entamer avec ce partenaire complexe mais incontournable une relation sans tabou ni condescendance , d’égal à égal, face aux nombreux enjeux qui nous sont communs.
UE-CHINE : LES DROITS DE L’HOMME ONT BON DOS
« Si ce n’est pas encore la guerre froide, ça commence à y ressembler sérieusement » : « France Inter » résumait par ces mots, le 23 mars dernier, le sentiment général suscité par la décision de l’Union européenne -dans une opération concertée avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada- d’édicter des sanctions contre des officiels chinois.
La raison invoquée pour justifier le déclenchement de la crise diplomatique la plus grave depuis 30 ans avec Pékin fut la succession de graves violations des droits de l’homme reprochées au pouvoir chinois.
Parlons clair : certains de ces faits, en particulier ceux relatifs au traitement réservé à une partie importante de la population ouïghoure du Xinjiang, interpellent légitimement quiconque a à cœur le respect des droits humains fondamentaux, notamment dans un grand pays, par ailleurs fascinant, comme la Chine.
Le problème est ailleurs.
Il est d’abord dans le choix de la réaction : ce type de mesures a pour effet de crisper les Chinois (et pas seulement leurs dirigeants) bien plus qu’il ne les incline à un examen bienveillant des préoccupations exprimées. En outre, « quand on monte au mât de cocagne, il faut s’assurer d’être propre » : pour pouvoir s’ériger en mètre-étalon universel des droits de l’homme, il convient d’être soi-même irréprochable.
Ce n’est apparemment pas le cas des dirigeants européens, à en juger par l’appréciation que vient de porter sur eux, non pas tel ou tel trublion de gauche, mais la…Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ! « Depuis des années, les pays d’Europe se sont engagés dans une course vers l’abîme, pour maintenir hors de nos frontières les personnes ayant besoin de nos protections, avec des conséquences désastreuses »déplorait-elle, le 9 mars dernier, ajoutant : « Leur réponse est l’un des exemples les plus flagrants de la façon dont les mauvaises politiques migratoires portent atteinte aux droits humains et coûtent la vie à des milliers d’êtres humains ». A ce cri de vérité, on pourrait, hélas, ajouter -depuis l’inertie ou la complaisance face aux occupants des territoires palestiniens jusqu’à la compromission de fait avec la dictature en Turquie, en passant par les ventes massives d’armes à des pays en guerre- bien d’autres griefs en matière , tantôt de manquements graves aux droits humains, tantôt de tolérance coupable envers leurs auteurs.
En vérité, dans la véritable croisade entamée par les principaux dirigeants occidentaux contre la Chine, les droits de l’homme ont bon dos.
Bien plus que par la cause des droits humains, elle est motivée par la panique qui s’est emparée de l’establishment américain face au cauchemar d’une perte prochaine du leadership mondial du fait de l’émergence fulgurante de la Chine .
Mais est-ce bien le rôle de l’Europe de se laisser embarquer dans ce remake de la politique de blocs au nom de l’appartenance au « camp occidental » ?
Le « multilatéralisme » dont elle aime tant se réclamer n’est compatible avec aucune domination du monde, mais réclame d’œuvrer à la prise en compte collective de la communauté de destin de toute l’humanité.
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