Archive for mars, 2024

INSUPPORTABLE MILITARISATION DES ESPRITS !

Face à l’impasse actuelle sur la ligne de front de la guerre russo-ukrainienne, le matraquage militariste a franchi un nouveau seuil en Europe, au point d’en devenir insupportable. Emmanuel Macron a, comme il se doit, pris le leadership de cette gesticulation guerrière en « brisant le tabou » de l’envoi éventuel de « troupes au sol » dans le pays agressé; en ironisant sur la pusillanimité de ses proches alliés qui, au début du conflit, envisageaient de « proposer des sacs de couchage et des casques » aux Ukrainiens; en invitant ses homologues à « ne pas être lâches »; en affirmant ne se fixer, quant à lui, « aucune limite, aucune ligne rouge » dans l’engagement français au côté de Kiev; puis en lâchant, semble-t-il, d’un ton détaché, devant quelques proches : « De toute façon, dans l’année qui vient, je vais devoir envoyer des mecs à Odessa », avant de se mettre en scène en pleine séance de boxe, dans l’une de ces poses virilistes habituellement plus en vogue à Moscou qu’à Paris…De l’initiative politique la plus aventureuse à la communication la plus déplacée : Macron tel qu’en lui-même. 

Bruxelles n’est pas en reste. La Présidente de la Commission, Von der Leyen, outrepassant allègrement son champ de compétences, évoque devant le Parlement européen « une menace de guerre », quoique « peut-être pas imminente » (!) et invite les Européens à « y être préparés ». Le Président du Conseil européen, Charles Michel, y va également de son couplet belliciste : « L’Europe doit passer en mode économie de guerre », proclame-t-il, martial, car, pour ce pâle imitateur de Clausewitz, « si nous voulons la paix, il faut nous préparer à la guerre ». N’hésitant pas à en rajouter sur sa rivale Von der Leyen, il nous met en garde : « Si nous n’apportons pas suffisamment d’aide à l’Ukraine, nous serons les suivants »! Manifestement fier que ce soit sous sa présidence qu’a été actée « la naissance de l’UE géopolitique » et qu’a eu lieu « une première dans l’histoire de notre Union : (la livraison) d’armes létales à l’Ukraine » ! « Nous pouvons être fiers de ce que nous avons déjà accompli », confirme le représentant des 27 Etats de l’Union européenne : « l’industrie de défense a augmenté sa capacité de production de 50% depuis le début de la guerre et nous doublerons la production de munitions pour atteindre deux millions d’obus d’ici la fin de l’année prochaine ». Quant aux projets de renforcement de notre industrie d’armements d’ici 2030, ils offriront « de la prévisibilité accrue à nos entreprises » et permettront de « créer des emplois et de la croissance dans l’ensemble de l’UE », ose-t-il ! « Nous devons être capables de parler le langage de la puissance, nous devons opérer un changement radical et irréversible (sic) de notre réflexion », conclut le politicien, depuis son petit nuage guerrier. 

L’exemple venant d’en haut, chaque pays a sa variété de va-t-en guerre. En France, c’est la liste LR aux élections européennes qui innove en plaçant en troisième position le Général Christophe Gomart, ancien directeur du Renseignement militaire et ex-commandant des opérations spéciales, l’un des nombreux experts qui nous font vivre en direct sur les media la guerre, comme si vous y étiez. C’est que l’éventuel futur élu européen du parti d’Eric Ciotti sait apprécier en connaisseur notre armée, « la seule armée européenne qui intervienne à l’extérieur », « la seule qui ait été engagée de manière opérationnelle à travers l’Afrique, le Sahel, en Afghanistan, en Irak,… et aujourd’hui encore au Liban ». Et donc ? « Elle est prête de manière opérationnelle ; maintenant, elle a besoin de se réarmer ».
C’est quand même beau, tout ce dévouement à la cause de la solidarité et de la paix …

29 mars 2024 at 10:14 Laisser un commentaire

« DEVOIR DE VIGILANCE » : UN COMBAT DE CLASSE EUROPÉEN

Le 24 avril 2013, nombre de consommateurs occidentaux  découvraient, derrière les décombres du Rana Plaza et les 1135 victimes de l’effondrement de cette usine textile construite au Bangladesh en violation de toutes les règles de sécurité, que bien des grandes marques occidentales « au-dessus de tout soupçon » ne se souciaient guère des conditions dans lesquelles étaient fabriquées leurs vêtements . Cet effroyable scandale fut la source d’une prise de conscience dans l’opinion publique : il fallait coûte que coûte « faire quelque chose » pour qu’à l’avenir les entreprises européennes ne puissent plus se défausser de leurs responsabilités concernant les atteintes aux droits humains et environnementaux commises dans tous les maillons de la chaîne de valeurs, depuis leurs fournisseurs jusqu’à leurs sous-traitants . 

C’est ainsi qu’en 2017 fut adoptée en France -pour la première fois au monde- une loi sur « le devoir de vigilance » des entreprises. Sa portée était, certes, limitée -seules 263 entreprises étaient concernées- mais une brèche était ouverte, dont se sont saisis syndicats, ONG et militantes ou militants de gauche ou écologistes. Parmi elles et eux, des parlementaires européens -notamment de notre groupe de la gauche-  se fixèrent pour objectif d’obtenir le vote d’une directive (une loi européenne) la plus contraignante possible en matière de « devoir de vigilance ». 

Premier succès : ils obtinrent de la Commission européenne en 2022 qu’elle publie un projet de directive, que le Parlement européen se chargera d’amender sérieusement afin de lui conférer une portée beaucoup plus significative : en juin 2023, une majorité de députés européens se prononça pour porter le seuil des entreprises concernées à 250 salariés, les contrevenants risquant une amende équivalant à 5% de leur chiffre d’affaire. (À noter que les élus et élues du parti d’Emmanuel Macron ainsi que ceux et celles du RN s’y opposèrent…). Restait  à convaincre le « Conseil » (les représentants des 27 gouvernements) car l’adoption d’une directive suppose un accord des deux « co-législateurs ». De fait, six mois plus tard, à l’issue d’un tour de table informel, le Conseil  fit connaître son accord de principe avec l’essentiel de la position du Parlement européen. (La France s’y rallia après avoir obtenu l’exemption de la future loi pour le secteur financier…) La voie semblait enfin dégagée pour le vote d’une directive s’appliquant aux entreprises de plus de 500 salariés et même à celles de plus de 250 salariés dans les secteurs sensibles (textile, agriculture, construction…)

Ce tournant déclencha un impressionnant surcroît de pressions des entreprises. Avec pour résultat…un revirement spectaculaire le 28 février dernier : 14 Etats -dont la France- constituèrent une minorité de blocage, Paris exigeant notamment le relèvement du seuil des entreprises concernées à 5000 salariés. Les tractations reprirent de plus belle, pour finalement aboutir, à l’arrachée, à un accord officiel d’une « majorité qualifiée » (55% des États, représentant au moins 65% de la population de l’UE) des États membres, le 15 mars dernier. Le dernier mot reviendra au Parlement européen à la mi-avril. Même amoindri, le succès sera de taille ! 

Ce récapitulatif d’une longue bataille pour des droits sociaux et environnementaux est significative à plusieurs égards : d’abord, il rappelle que, si on arrive à créer des rapports de force favorables, tant dans nos sociétés qu’au Parlement européen, des succès notables sont possibles; ensuite, les slogans évoquant les « diktats de Bruxelles » oublient le rôle, souvent très négatif, d’une majorité d’Etats membres…parmi lesquels la France; enfin, nos concitoyens et concitoyennes ont intérêt à bien choisir les candidates et les candidats à envoyer à Strasbourg et à Bruxelles le 9 juin prochain.

21 mars 2024 at 10:15 Laisser un commentaire

COMMENT LES DROITES EUROPÉENNES PRÉPARENT LE 9 JUIN

Pour mesurer la portée politique des tractations en cours parmi les droites du Parlement européen en vue des élections du 9 juin prochain, il faut rappeler quels sont les deux groupes de droite et les deux groupes d’extrême-droite qui y siègent aujourd’hui. Le Parti populaire européen (PPE, actuellement 177 député.es), qui réunit la droite « traditionnelle » (CDU allemande, « Républicains » français, Parti populaire espagnol…) est le groupe politique le plus puissant depuis 20 ans. L’autre groupe de droite, « Renew » (renouveler), regroupe 101 élu.es « libéraux », au premier rang desquels les député.es du parti d’Emmanuel Macron. Quant à l’extrême-droite, elle se répartit entre deux groupes :  « Identité et Démocratie » (59 membres)  -où se côtoient en particulier des partis aussi répugnants que la « Ligue » du vice-président du Conseil italien, Salvini; le RN de Le Pen; l’AfD d’Allemagne; le « Vlaams Belang » belge…-  et le groupe des « Conservateurs et réformistes européens » (CRE, 65 membres) où dominent des formations tout aussi repoussantes, comme les  « Frères d’Italie » de la Présidente du Conseil italien, hier grande admiratrice de Mussolini, Giorgia Meloni; le parti polonais « Droit et Justice », qui vient de perdre le pouvoir à Varsovie; le seul élu du tandem Marion Maréchal Le Pen-Éric Zémour; ou encore Vox, le parti espagnol nostalgique de Franco…L’ultra-droitier dirigeant hongrois Orban veut que ses futurs élu.s rejoignent également ce groupe.

C’est dans ce contexte qu’ont lieu des tractations politiciennes peu reluisantes qui méritent d’être connues. C’est, logiquement, le PPE qui est à la manœuvre. Lors de son récent congrès, il vient d’envisager une « coalition pro-Europe » avec les libéraux et les socialistes ainsi qu’une « collaboration » fondée sur le « pragmatisme », avec des parlementaires « sains »…à la droite de la droite, quitte à les « aider à se distinguer de l’extrême-droite » ! De qui s’agit-il ? D’abord et avant tout des « Frères d’Italie » de Giorgia Meloni ! Rien d’étonnant pour qui a observé, ces derniers mois, comment la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, membre du PPE et candidate à un second mandat, a littéralement courtisé la Première ministre italienne. Ce rapprochement en dit long sur la droitisation à attendre de la part de la majorité parlementaire comme de la future Commission, si les résultats des votes au soir du 9 juin prochain correspondaient aux projections actuelles !  

Un coup d’œil sur le programme électoral du groupe politique européen qui est au cœur de ces manœuvres (le PPE) suffit à comprendre ce qui est en jeu. Ainsi, ses élus estiment que l’Union européenne…en fait trop pour les travailleurs et, en conséquence, « rejettent la bureaucratie sociale européenne tentaculaire »! Même rhétorique en matière de lutte pour le climat, puisqu’ils opposent les priorités du « Pacte vert » européen -défendues jusqu’ici par la Commission elle-même- à la « compétitivité » des entreprises. Par ailleurs, ils accentuent encore leur obsession anti-migrants, en insistant sur l’externalisation des procédures d’asile, la collaboration avec des pays-tiers pour retenir les migrants et accepter les expulsés, ou encore le triplement des effectifs de Frontex pour renforcer les frontières. À quoi s’ajoute une proposition personnelle d’Ursula von der Leyen -elle qui a annoncé vouloir travailler avec des groupes « pro-OTAN »- :  « donner un coup de fouet  à notre industrie de défense » et nommer un commissaire européen (d’Europe de l’Est) spécialement chargé de cette politique…Autant dire qu’il y a lieu de faire mentir les sondages et d’envoyer à Strasbourg des parlementaires de gauche capables de constituer une opposition claire, déterminée et rassembleuse !

14 mars 2024 at 4:40 Laisser un commentaire

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