Archive for janvier, 2020
VERS UNE CONFÉRENCE CITOYENNE SUR L’AVENIR DE L’EUROPE ?

La nouvelle Présidente de la Commission européenne , Ursula von der Leyen, sait que son institution et l’Union européenne en général ont du chemin à faire pour tenter de regagner la confiance de millions de citoyennes et de citoyens. Aussi s’efforce-t-elle de donner une image plus alléchante de l’UE que celle des « directives » austéritaires et des « recommandations » contraignantes. C’est ainsi qu’elle vient de proposer aux 27 gouvernements des États membres de réfléchir à un salaire minimum européen ; de choisir comme « priorité » de son quinquennat la lutte pour le climat ou encore de reprendre à son compte l’idée (lancée l’année dernière par Emmanuel Macron) d’une « Conférence sur l’avenir de l’Europe ». Arrêtons-nous sur cette dernière suggestion, aussitôt plébiscitée par le Parlement européen.
De quoi s’agit-il ? Personne ne sera surpris d’apprendre qu’on ne s’apprête pas à reprendre, pour l’occasion, la proposition qu’avance le PCF depuis 2012 : à savoir des « Etats généraux de la refondation de l’Union européenne » ouverts aux organisations syndicales, aux mouvements associatifs, aux réseaux citoyens dans toute l’UE afin de déterminer en toute clarté, par delà leurs différences, ce qui, à leurs yeux, ne peut plus durer et de s’accorder sur les quatre ou cinq changements marquants qui doivent, selon eux, coûte que coûte, intervenir, notamment sur les plans social et environnemental comme du point de vue de la démocratie et de la souveraineté populaire ! On n’en est pas là à Bruxelles…Pour autant, on notera que cette « Conférence européenne » est censée être préparée par des « agoras citoyennes » dans chacun de nos pays , tout le processus devant débuter en mai prochain et durer deux ans, ce qui pourrait permettre d’aller au fond des choses. En outre, il était question, au début, de débats « sans tabou » pouvant, y compris, mettre en cause les sacro-saints traités européens et envisager leur renégociation. Fort bien.
Quelques « détails » sèment, cependant, le doute sur la portée réelle de l’initiative. D’abord, le hasard faisant bien les choses, le calendrier est ainsi fait que ladite Conférence s’achèvera au premier semestre 2022, c’est à dire pendant la présidence française de l’UE et durant …la campagne pour l’élection présidentielle. Coïncidence supplémentaire : c’est un éminent membre du groupe « macronien » de l’Assemblée de Strasbourg -le très libéral (et fédéraliste) Guy Verhofstadt- qui est pressenti comme président de la Conférence en question. Enfin, dans la dernière communication de la Commission sur le sujet (22/1/2020), l’exécutif européen s’engage, certes, à « donner suite aux conclusions qui seront tirées » (par qui ?) de la Conférence, mais il n’y est plus question de renégociation des traités, et plusieurs des thèmes devant faire l’objet des débats à venir -« promotion de nos valeurs européennes » ; « consolidation des fondements démocratiques de l’UE »…- relèvent plus de la traditionnelle autosatisfaction des responsables européens que de l’indispensable esprit critique -sans lequel cette Conférence perdrait tout intérêt. Nous en saurons plus sous peu.
LIBYE : L’UE FACE A LA MENACE D’UNE « SECONDE SYRIE »
« L’ingérence extérieure persistante nourrit la crise »; « Une cessation immédiate des hostilités est cruciale »; « La décision turque d’intervenir avec des troupes en Libye accroît nos inquiétudes sur la situation. Nous la rejetons. » On ne peut que souscrire aux paroles des cinq représentants de l’Union européenne qui s’exprimaient en ces termes le 7 janvier dernier, à Bruxelles. Une réunion d’urgence venait d’avoir lieu, consacrée au dangereux chaos libyen, qu’une intervention militaire turque menaçait de transformer en « prochain champ de bataille entre Turquie et Russie » sinon en « seconde Syrie » (1) en raison de leurs intérêts économiques et stratégiques divergents dans la région. Mais qui étaient, au fait, ces cinq apôtres de la non ingérence en Libye ? Outre Josep Borrell, le nouveau responsable de la diplomatie de l’UE, il s’agissait des ministres des Affaires étrangères de quatre pays : la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Allemagne. Arrêtons-nous sur le rapport à la Libye de chacun de ces pays.
La France, tout d’abord. Impossible de laisser tomber dans l’oubli la responsabilité historique de l’un de ses anciens Présidents, Nicolas Sarkozy, qui, inspiré par l’illustre maître à penser ès droits de l’homme, Bernard-Henri Lévy, a pris l’initiative de la guerre, censée apporter « la paix », « la liberté » et « le progrès économique » au peuple libyen en 2011. Avec le concours de l’OTAN, il a livré un pays privé de toute structure étatique aux factions rivales et à leurs parrains. Neuf années plus tard, deux forces militaires s’y affrontent toujours. L’une relève d’un gouvernement peu représentatif bien que reconnu par l’ONU et soutenue par le Qatar et par la Turquie, décidée à contrôler les gisements de gaz naturel en Méditerranée orientale. L’autre est aux ordres d’un « homme fort » sans légitimité autre que celle du rapport de force, le Maréchal Haftar, allié à l’Egypte et aux Émirats arabes unis, loué par Donald Trump, aidé par des mercenaires russes …et appuyé de longue date par Paris, qui, en plus de compter sur lui pour juguler les flux migratoires vers l’Europe, est alléché comme les autres par l’odeur du pétrole libyen.
La Grande-Bretagne, ensuite, dont on rappellera qu’elle seconda la France dans son aventure de 2011…L’Italie, enfin, qui, comme ancienne puissance coloniale, n’entend pas renoncer à sa part du gâteau au profit de la France. Reste l’Allemagne, qui est peut-être en passe de récolter les fruits de son refus de s’ingérer comme ses voisins dans les affaires de la Libye. « Ce pays n’a pas d’accointance avec toutes les parties libyennes. Il s’est même abstenu lors du vote de la Motion de mars 2011, autorisant l’utilisation de la violence contre les forces de Kadhafi. Cette neutralité serait positive pour tranquilliser tous les intervenants, locaux et internationaux » déclarait récemment le Chef de la Mission d’appui des Nations Unies pour la Libye, Ghassen Salamé (2). Aussi a-t-il choisi Berlin pour la tenue prochaine d’une Conférence internationale pour la recherche d’une issue à la guerre qui déchire la Libye depuis neuf ans. Une leçon à méditer.
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(1) La première expression est celle du grand quotidien espagnol « El Païs »; la seconde celle de la radio allemande « Deutsche Welle ».
(2) Interview à la chaîne « Libya 218 » (cité par « El Wattan »du 2/11/2019)
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