Archive for décembre, 2011
INSURRECTIONS POPULAIRES ET CITOYENNES, AN I
Que retenir en particulier d’une année aussi tumultueuse?Quel fil rouge dégager d’événements aussi disparates et contradictoires?Quels enseignements pour l’action tirer d’expériences aussi diverses ?
On pense tout d’abord à des événements qui vous ont profondément réjouis: j’ai pour ma part à l’esprit l’admission de la Palestine à l’Unesco,avec le soutien d’une majorité écrasante de nations du monde; la chute de Ben Ali en Tunisie puis de Moubarak en Egypte sous la pression des insurrections populaires; ou la vague impressionnante des « indignés » ,depuis la Puerta del sol à Madrid jusqu’à Wall street,en passant par Athènes,Tel Aviv ou Moscou -une sorte d’insurrection citoyenne pacifique mais très exigeante,dont l’esprit se retrouve également dans un certain nombre de mobilisations sociales récentes qu’on peut qualifier d’historiques,comme la grève de deux millions de salariés des services publics britanniques ou la puissante contestation étudiante au Chili,neuf mois durant!Chacun de ces mouvements proclame que « les choses telles qu’elles sont doivent être tenues pour inacceptables » ,selon la formule d’Alain Badiou,qui parle fort justement de « réveil de l’Histoire » ,en écho au dogme prétentieux et stupide de la « fin de l’histoire » qui fit florès après la chute du mur de Berlin puis la disparition de l’Union soviétique, il y a tout juste vingt ans.
Mais 2011 ne s’est pas résumée à ces événements heureux!D’abord,la guerre s’est poursuivie en Irak et en Afghanistan.Et même si l’armée américaine se retire à présent du premier de ces pays et promet d’en faire (partiellement) autant pour le second dans un avenir proche,c’est en laissant derrière elle un désastre humanitaire et un fiasco politique -auxquels sont associés ses alliés,parmi lesquels,dans le deuxième cas,la France.
L’affaire libyenne,de son côté,laisse un goût amer: une libération de l’oppression, mais à quel prix et avec quels risques pour demain! Rappelons que l’OTAN reconnait y avoir perdu toute trace de…10 000 missiles sol-air,qui pourraient parvenir à al Qaida au Maghreb islamique (AQMI)! Souvenons-nous aussi des conditions atroces dans lesquelles a été « libérée » la ville de Syrte puis de l’indigne lynchage de Kadhafi,fût-il lui-même un tyran sans pitié.On n’oubliera pas non plus l’itinéraire plus que douteux de certains des nouveaux chefs militaires.
Les contradictions de la situation en Tunisie,les violences et les blocages en Egypte,et surtout la répression effroyable en Syrie constituent d’autres sujets de préoccupation.Il y a plus de deux mois et demie que le grand écrivain progressiste syrien,Farouk Mardam-Bey,interrogeait: »Qu’attend l’Europe? »en en appelant à des sanctions économiques,financières,diplomatiqueset judiciaires contre « le clan Al-Assad ». Les choses ont avancé depuis.Il y a urgence.
Dans le même temps,la tragédie de la faim dans la Corne de l’Afrique nous a rappelé que le monde était encore à la merci d’une grave crise alimentaire en 2011.Encore ne s’agit-il là que de la partie visible de l’iceberg du mal développement,autrement dit du sacrifice des potentialités d’émancipation de centaines de millions d’hommes,de femmes et d’enfants.La même irresponsabilité des puissants se vérifie sur le plan de la préservation de la planête elle-même, comme en témoigne le piètre résultat auquel vient d’aboutir la Conférence de Durban sur le climat.
Bref: un monde à changer! C’est dire si les « insurrections populaires ou citoyennes » qui ont marqué cette année nous mettent du baume au coeur!Le grand magazine américain Time vient de faire de la figure du « manifestant » la « personne de l’année »,car,y lit-on,ces mouvements « ont déjà changé l’histoire et la changeront à l’avenir ».Telle est aussi notre conviction.C’est dans cet esprit que nous affrontons la « crise de l’euro » et les « solutions » redoutables que les dirigeants européens voudraient noue faire accepter par le biais de leur nouveau traité.L’An I des insurrections citoyennes s’achève. La prochaine commence sous peu. Le journal « Le Monde » ,peu connu comme chantre de la transformation sociale, vient d’éditer un « hors série » intitulé « Karl Marx,l’irréductible » Un signe ?
PRENDRE A BRAS-LE-CORPS LA BATAILLE CONTRE LE TRAITE MERKEL-SARKOZY
Article pour « Communistes » 19/12/2011
L’accord conclu le 9 décembre dernier entre Chefs d’Etat et de gouvernement européens – à l’initiative d’Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy – en vue de l’adoption d’un nouveau traité change sérieusement la donne politique. Ce texte, qui s’ajouterait à l’actuel traité de Lisbonne, vise à imposer durablement un régime d’austérité en violant des principes essentiels en matière de démocratie et de souveraineté. Cette situation appelle donc l’engagement immédiat d’une bataille pour mettre en échec ce projet. L’issue de celle-ci devient un enjeu des échéances – présidentielle et législative – de 2012.
Tout d’abord, rappelons très concrètement de quoi il s’agit. L’objectif poursuivi est de réaliser une « Union de stabilité budgétaire » – ce qui se traduit en termes plus prosaïques par une « discipline budgétaire » radicale et contrôlée. La vieille obsession d’Angela Merkel, déjà traduite dans le « Pacte de stabilité renforcé », le « Pacte pour l’ euro plus » et les six directives ou règlements adoptés cet automne par le Parlement européen et le Conseil (les gouvernements), doit être, cette fois, gravée dans le marbre d’un traité et rappelée dans chaque Constitution nationale, sous le contrôle des plus hautes juridictions et assortie de sanctions, qui plus est « automatiques ».
En outre, le traité vise à mettre en place « une nouvelle règle budgétaire »: on passerait de la limite des 3% (du Produit intérieur brut de chaque Etat) de déficits publics à un plafond de 0,5%, autrement dit un quasi-équilibre des comptes à atteindre en 2016 puis à conserver. C’est cet engagement qu’ils appellent la « règle d’or », qui s’imposerait à tout gouvernement futur. Pour s’assurer que cet engagement soit bien tenu, tout Etat ayant un « déficit excessif » (c’est à dire la quasi totalité des pays) devrait soumettre à Bruxelles un « programme de partenariat économique détaillant les réformes structurelles nécessaires pour assurer une correction véritablement durable des déficits excessifs. »(vraisenblablement allongement de l’âge de la retraite; réforme du marché du travail; baisse des dépenses publiques…). En tout état de cause, la mise en œuvre de ce « programme » et les « plans budgétaires » seront « surveillés » par la Commission et le Conseil. Le cas échéant, le Conseil constitutionnel serait appelé à invalider un budget hors des clous…
Ces prétentions dominatrices – de la part de dirigeants européens, en plus, largement décrédibilisés et disqualifiés – sont telles qu’elles provoquent déjà des vagues avant même que le projet de traité ne soit écrit: sur les 26 pays qui avaient donné leur accord de principe au projet en question, six émettent de sérieuses réserves, une semaine plus tard. Les uns craignent un rejet du texte, avec ou sans référendum (Irlande, Pays-Bas, Finlande, Slovaquie); les autres préfèrent attendre pour voir (République tchèque, Hongrie). Le gouvernement britannique, lui, y est opposé pour des raisons très spécifiques: il craint que les privilèges de la City puissent être rognés! (Il faut être un conservateur intégriste pour trouver l’actuelle UE trop menaçante pour les financiers…). C’est dire si le projet Merkel-Sarkozy est un monstre aux pieds d’argile dès lors que les peuples sont alertés et mobilisés. Voilà qui nous fixe notre tâche.
De quel calendrier disposons-nous? Le projet de traité doit être signé par les chefs d’Etat en mars 2012 (Mais ses grands axes sont connus dès à présent). Les ratifications nationales (consultations populaires ou vote des parlementaires) auront lieu dans les mois suivants. En France, cette phase s’ouvrira après les élections de mai-juin. Cela veut dire que, dès la rentrée de janvier, le Front de Gauche gagnera à intégrer dans sa campagne à la fois la clarification des enjeux que représente ce projet pour nos concitoyens, le rappel de nos contre-propositions pour « refonder l’Europe », et l’ouverture d’un débat à l’adresse de tout le « peuple de gauche » sur une double question:le positionnement respectif de toutes les forces en présence par rapport à ce traité et la voie choisie pour sa ratification (ou son rejet): cela concernera tant les candidat-e-s au scrutin présidentiel (car c’est le futur chef de l’Etat qui prendra seul la décision de l’organisation ou non d’une consultation populaire précédée par un débat démocratique) que les candidat-e-s aux élections législatives (car la voix des futurs députés sera déterminante en cas de ratification parlementaire).
Il ne s’agit naturellement pas de se lancer dans une polémique politicienne, mais d’accomplir notre devoir de sensibilisation des citoyens au piège qui leur est tendu par Nicolas Sarkozy et d’agir de notre mieux pour leur permettre de s’impliquer en connaissance de cause dans une affaire qui les concerne au plus haut point. L’expérience exemplaire de la campagne de 2003, 2004, 2005 sur le traité constitutionnel européen, même si elle n’est évidemment pas transposable, peut néanmoins nous guider à maints égards. Y compris celui de ne jamais céder à la tentation du repli. Les autres peuples européens subissent le même sort et aspirent souvent aux mêmes changements que nous-mêmes. Nos partenaires progressistes du Parti de la gauche européenne (PGE), et, de plus en plus, au-delà, seront ,dans cette bataille, des alliés incontournables et précieux. Avec eux, nous dirons non au traité Merkel-Sarkozy et oui à la refondation sociale, écologique et démocratique de l’Europe.
Bonne année 2012!
UNE INITIATIVE SYNDICALE EUROPEENNE PROMETTEUSE
Les premiers dirigeants de huit des principales organisations syndicales d’Europe occidentale viennent de publier un texte commun consacré à ce qu’ils appellent fort justement « la très grave crise POLITIQUE (souligné par moi FW) de l’Union européenne. « Cette initiative exceptionnelle m’apparait significative de la politisation accélérée du débat public sur les enjeux européens dans nombre de sociétés en général et dans le monde du travail en particulier. Elle est, par là même,prometteuse pour le combat si crucial pour la transformation en profondeur de l’Union européenne.
Certes, individuellement,certains des signataires de ce document n’ont pas attendu cette occasion pour critiquer sévèrement le modèle libéral européen, à plus forte raison sa dérive actuelle.De même, la Confédération européenne des syndicats a parfois eu des mots légitimement durs à l’encontre de certaines « réformes » européennes, tel le sinistre « pacte pour l’euro plus ». Mais là, il s’agit d’autre chose,puisque des appréciations (très pertinentes) sur cette « crise politique »,tout comme des exigences de changements plus que bienvenues -notamment celle d’ « une nouvelle politique monétaire,économique et sociale » en Europe,incluant des transformations institutionnelles majeures, en particulier en ce qui concerne le coeur de l’actuelle zone euro,à savoir la Banque centrale européenne- engagent cette fois personnellement et ensemble des personnalités représentant un éventail syndical européen englobant la CGT et la CFDT, les syndicats laïques et chrétiens belges, les deux grandes centrales espagnoles, la CGIL italienne et la puissante fédération allemande DGB !
On trouvera certaines formulations trop générales ou telle proposition discutable. La belle affaire! L’important est ,à partir de la nouveauté que représente cette démarche, d’ouvrir un débat à la fois franc,respectueux et constructif avec les travailleurs qui se reconnaissent dans les grandes lignes de ce papier. Celui-ci comprend un grand nombre de sujets qui invitent à l’échange d’idées. Par exemples: « Comment a-t-on pu en arriver là? » s’interrogent les signataires,en pointant fort opportunément la « responsabilité des dirigeants politiques des institutions européennes et des principales nations ».Voilà qui mérite effectivement débat! Il en va de même avec le constat que font les auteurs de ce texte que les politiques menées (« réformes structurelles », »gouvernance économique »…) ont « échoué » et provoqué un « désenchantement profond », ou encore celui que les « institutions européennes » et les nations concernées sont « en train de briser le pacte social (qui était à la base du) projet commun qui a abouti à l’UE ». Voilà qui appelle de profonds changements! Rien de plus actuel que d’en discuter les contours et la portée.
Les auteurs du texte semblent inscrire leur démarche conjointe dans la perspective d’une révision du traité. Non pour y graver dans le marbre le super-pacte de stabilité programmé par les actuels dirigeants européens! Mais au contraire pour faire du social « le ciment de l’UE »,pour « en finir avec les mécanismes spéculatifs et garantir les capacités financières de tous les Etats »,ainsi que pour que la démocratie et la participation des citoyens « y prennent toute leur place ». Nous parlons,quant à nous,de « refondation »de la construction européenne. Quelles convergences?Quelles différences? Quelles questions encore ouvertes? Que le dialogue s’engage !
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