Archive for septembre, 2017
PAROLE DE MACRON ! L’EXEMPLE DU TRAITÉ CETA.
Est-ce parce qu’un problème politique chasse l’autre que cette énorme tromperie d’Emmanuel Macron n’a pas provoqué davantage de réactions ? Ou est-ce le signe d’une défiance si profonde envers la parole présidentielle qu’une entourloupe de plus du premier dirigeant politique du pays est considérée comme un non-événement ? Toujours est-il que l’affaire est suffisamment grave pour mériter de ne pas passer inaperçue . Il s’agit des conditions très particulières de l’entrée en vigueur du traité de libre-échange Union européenne-Canada (le fameux traité CETA) grâce à une décision indigne du Président de la République. Rappel des faits.
Durant la campagne pour l’élection présidentielle, assailli de critiques au sujet des risques que ferait courir ce traité , notamment à l’environnement et à la santé humaine, le candidat d’ « En marche » s’engagea à créer « une commission d’experts scientifiques irréprochables pour dire ce qu’il en est exactement ». Il précisa qu’il était prêt, le cas échéant, à revoir sa position sur le texte européen. Et, de fait, au mois de juillet, le gouvernement missionna dans ce but neuf experts. Ceux-ci effectuèrent en plein été un véritable travail de titans en passant au crible les 2300 pages du traité. Ils remirent leur rapport début septembre à Matignon.
Leurs conclusions furent édifiantes : 1) « les chapitres concernant l’environnement ne contiennent aucun engagement contraignant »; 2) « le grand absent de l’Accord est le climat »; 3) « l’absence de référence explicite au principe de précaution créé une incertitude » ( autrement dit, des multinationales canadiennes, ou états-uniennes installées au Canada, pourraient profiter de ce flou juridique pour contester de futures lois jugées trop protectrices ); 4) les experts suggérèrent en conséquence neuf modifications très concrètes du texte , dont l’institution d’un « veto climatique » de nature à dissuader des grands groupes de se lancer dans des procès contre les Etats européens « coupables » d’édicter des normes environnementales jugées trop strictes.
Que croyez-vous qu’il arriva ? Le gouvernement s’est assis sur les conclusions et les recommandations des experts qu’il avait lui-même nommés et donna, comme si de rien n’était, son feu vert à l’application tel quel de l’accord ! Voilà qui en dit long sur ce que vaut la parole de M. Macron.
Ironie du sort : quasiment au même moment, le Président de la République annonça dans son discours d’Athènes le lancement prochain (dans tous les pays de l’UE) -en vue de créer les conditions d’une « refondation de l’Europe »- de « Conventions démocratiques » évoquées elles aussi durant la campagne présidentielle. Celles-ci , insista-t-il, seraient inspirées par le sens du « débat » et de la « construction par l’esprit critique et le dialogue ». Une belle idée, en vérité, qui ressemble à première vue à la proposition du Parti communiste français, en 2012, de réunir à l’initiative de la France des « Etats généraux de la refondation de l’Europe » . Mais si , dans le projet du PCF -à l’époque repris par tout le Front de gauche dans le programme « L’humain d’abord »- il s’agissait d’inviter l’ensemble des forces de progrès, des organisations syndicales, des ONG, des réseaux citoyens de l’Union européenne afin de lister ensemble les principales transformations de la construction européenne susceptibles de les rassembler dans l’action, les conclusions des « Conventions Macron » risquent, elles, de s’enliser comme celles de la Commission d’experts sur le CETA dès lors qu’elles contreviendraient aux vues du Jupiter de l’Elysée ! A moins que, le moment venu, les progressistes , dûment avertis, ne réussissent à y faire vivre réellement « l’esprit critique » et le « débat »…
LA RUSSIE, CENT ANS APRÈS « OCTOBRE ».
A l’occasion du Centenaire de la Révolution d’Octobre, j’ai eu l’honneur d’être convié par « l’Humanité » à participer comme « conférencier » à un voyage de lecteurs du journal en Russie. Aujourd’hui comme hier, un séjour dans ce grand pays ne laisse pas indifférent. Parmi les impressions que je retiens de ce regard bref et limité mais intense, je voudrais m’arrêter sur celle qui m’a d’autant plus frappé que nous nous trouvions à la veille d’une commémoration inévitablement complexe, alors qu’une génération entière de Russes n’a pas connu l’Union soviétique : en perte de repères, le pays se cherche, comme en témoignent de nombreux et éloquents paradoxes.
Ainsi, une forme passablement sauvage de capitalisme règne sur le pays, avec son cortège d’inégalités criantes et de rapports sociaux impitoyables : le témoignage poignant d’une militante d’une association d’aide aux personnes sans abri fut, à cet égard, particulièrement édifiant. Pourtant, aucun dirigeant n’a jusqu’ici osé s’en prendre à des symboles synonymes d’idéaux aux antipodes du système actuel : le mausolée de Lénine est toujours sur la place Rouge à Moscou et le croiseur « Aurore » à nouveau amarré (après restauration) à la rive droite de la Néva , face au Palais d’hiver, à Saint Pétersbourg. Le premier est gardé par des soldats chargés d’imposer aux visiteurs, toujours nombreux, le respect dû à la plus grande figure de la Révolution. Sur le second, un ancien marin du célèbre bâtiment de combat montre fièrement « le canon d’où est parti le coup à blanc qui a changé le cours de l’Histoire de notre pays ».
Un contraste de même nature a frappé les participants à un tour de ville de la « Venise du Nord » : une jeune guide formée aux nouvelles normes touristiques se montrait intarissable sur la dynastie des Romanov, tandis qu’à ses côtés, le chauffeur du car avait tapissé sa cabine de souvenirs de l’Union soviétique. Un lapsus de la jeune prosélyte de la Sainte Russie, rebaptisant involontairement la place de l’Insurrection « place de la Résurrection », compléta le tableau…Ce type de choc des repères fut trop fréquent pour être fortuit. Certains Russes semblent guettés par la nostalgie de l’Empire -tel cet admirateur des « exploits de nos ancêtres » durant la Première guerre mondiale à laquelle les Bolcheviks mirent fin en 1917-; d’autres paraissent se réfugier dans leur identité orthodoxe. Quant aux communistes, s’ils conviennent que tout retour en arrière est irréaliste -telle cette élue de Saint Pétersbourg soulignant qu’ « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve »-, ils peinent pour le moment à ouvrir une perspective nouvelle.
Pour autant, des exemples de saines révoltes contre l’ inhumanité de l’ultra-libéralisme ambiant ainsi que de sursauts de solidarité émergeant de la société nous ont été rapportés, qui traduisent d’évidentes attentes de changements. L’histoire tout à la fois glorieuse et dramatique de ce peuple (notre séjour coïncidait également avec l’anniversaire du début du terrible siège de Leningrad -8 septembre 1941-27 janvier 1944; 620 000 morts- ); les souvenirs traumatisants de la terreur stalinienne qui se transmettent de génération en génération; les frustrations de la période brejnévienne (dont beaucoup semblent en même temps regretter la stabilité et la sécurité de l’existence…) ; l’expérience brutale et humiliante de la décennie Eltsine; le populisme de Poutine sont autant d’obstacles qui ne facilitent pas le mûrissement d’une nouvelle et nécessaire révolution de notre temps. Mais, ici comme ailleurs, l’avenir n’est pas écrit. Ce peuple complexe mais attachant mérite -et souhaite- l’attention et l’amitié du nôtre. Merci à « l’Humanité » de nous avoir permis de le vivre en direct.
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