Archive for août, 2016

SANS LES MOBILISATIONS CONTRE LE TAFTA, L’ACCORD SERAIT EN TRAIN DE SE REALISER

INTERVIEW DANS LE JOURNAL L’HUMANITE par  Julia Hamloui (30/08/2016)
1) HQ : « Peut-on mettre à l’actif du mouvement européen et français contre le TAFTA la décision du gouvernement de demander l’arrêt des négociations ? »

Francis Wurtz :Ce qu’on peut mettre à l’actif du mouvement contre le TAFTA, c’est l’enlisement des négociations qu’on constate depuis des mois. Sans les mobilisations en France, en Allemagne et ailleurs, sans la prise de conscience de la gravité des enjeux d’un tel traité qui en a résulté, l’accord serait en train de se réaliser. Si les négociations ont butté , par exemple, sur les « tribunaux arbitraux privés » pour traiter des conflits entre les multinationales et les Etats, c’était exclusivement dû au fait que cela ne « passait pas » auprès de millions de citoyens dûment informés de ce que cela signifiait concrètement.

Pour autant, l’annonce -extrêmement ambiguë- du gouvernement et du Président de la République concernant l’arrêt des négociations relève plus d’une opération de « com » que d’une décision politique de fond. Elle est à replacer dans le contexte pré-électoral , au même titre que les rodomontades de circonstance de Manuel Valls contre la Commission européenne à propos de la directive sur le « Détachement des travailleurs » ou le Pacte de stabilité. Il ne s’agit surtout pas de prendre cela pour argent comptant ni de considérer la bataille comme terminée ! Je rappelle que , encore le 30 juin dernier, au Conseil européen des Chefs d’Etat et de gouvernement , où la question était posée, François Hollande avait renouvelé le mandat de négociation de la Commission sur le TAFTA ! Entretemps, il a encore baissé dans les sondages… Et puis, il y a eu la « sortie » du vice-Chancelier allemand, le social-démocrate Sigmar Gabriel, avant-hier, lundi , estimant que « les négociations avec les Etats-Unis ont de facto échoué ». Lui aussi, en glissant ce caillou dans le soulier d’Angela Merkel, prépare les élections de 2017. François Hollande pouvait difficilement être en reste. Mais il a laissé toutes les portes ouvertes : « Les discussions ne pourront pas aboutir à un accord d’ici la fin de l’année » a-t-il déclaré : la belle affaire ! C’est du « Hollande » tout craché.

2) « Mattias Fekl, le Secrétaire d’Etat au commerce extérieur, a d’ailleurs estimé qu’il faudra « reprendre plus tard sur de bonnes bases » ces négociations , et d’autres traités sont également à l’ordre du jour. La vigilance reste-t-elle de mise ? »

Francis Wurtz : Cent fois oui ! La vigilance et même la mobilisation à très court terme ! Car si l’horizon du TAFTA s’éloigne un peu, l’échéance du traité CETA ( Union européenne-Canada ) , elle, approche ! Les négociations sur ce traité très voisin du projet TAFTA sont achevées depuis deux ans. La Commission envisage de façon imminente sa signature officielle par chaque Etat membre. Puis ce sera au tour de chaque Parlement national ( en plus du Parlement européen ) de le ratifier…ou de le rejeter ( cette ratification dans chaque pays a été arrachée au forceps à la Commission ) . Il ne faudrait pas que la promesse d’un report des négociations sur le TAFTA permette de faire passer « en douce » son « cheval de Troie », le traité CETA ! Ajoutons à cela qu’il ne faut pas non plus perdre de vue l’Accord TISA sur le commerce des services, en négociation depuis trois ans dans l’opacité la plus totale entre une cinquantaine de pays du monde dont les Etats membres de l’UE.

3) HQ : « Au vu des règles régissant les échanges internationaux, peut-on se contenter du statu quo ou un traité faisant valoir d’autres principes est-il nécessaire entre l’UE et les Etats-Unis ? »

Francis Wurtz : Nous n’avons pas besoin d’un traité bi-latéral et global UE-USA, destiné en fait à imposer les normes des plus puissants au reste du monde ! Les échanges internationaux doivent répondre aux intérêts légitimes de tous les pays et régions du monde. Dans cet esprit, une Union européenne « refondée » userait de son poids -considérable dans ce domaine- pour favoriser la maîtrise publique des échanges , les régulations, la démocratisation des relations économiques, bref, une humanisation de la mondialisation.

30 août 2016 at 4:42 Laisser un commentaire

EUROPE : LES DOSSIERS CHAUDS DE LA RENTRÉE

wurtz-l-humanite-dimancheLa sidération et les traumatismes provoqués par les attentats sur notre société ont tendance à occulter aux yeux de nos concitoyens des enjeux politiques que nous ne saurions pourtant négliger. C’est le cas de nombre de « dossiers » européens qui vont se rappeler à nous sans tarder. Bref état des lieux à la veille d’une rentrée chargée.

Premier exemple : la crise agricole. Le 2 septembre prochain se tiendra à Chambord un sommet européen des 28 ministres de l’agriculture . Ce sera le moment de faire le bilan des effets désastreux des réformes libérales successives de la politique agricole commune , telle la suppression des aides à la production ou celle des quotas laitiers.

Autre exemple : le débat en cours jusqu’au sein de la Commission européenne au sujet des politiques d’austérité. Les ayatollahs de la « discipline budgétaire » n’ont, semble-t-il, pas digéré que ni l’Espagne ni le Portugal n’ait été sanctionné cet été pour « déficits excessifs » ! Un transfuge de la « tour de contrôle » bruxelloise chargée de surveiller les « dérapages budgétaires » des Etats membres de la zone euro vient ainsi de révéler bruyamment l’exacerbation des tensions dans l’exécutif européen à ce propos . C’est le moment de se faire entendre !
Cela nous conduit à nous rappeler un autre « front » à tenir : la Grèce ! Ce pays meurtri par six années de sacrifices et d’humiliations va devoir affronter un nouveau round de « négociations » avec ses créanciers cet automne . Objectifs : d’une part, débloquer la dernière tranche des prêts accordés -le couteau sous la gorge- en échange de « réformes » ultra-libérales à répétition, mais surtout arracher enfin une discussion sérieuse sur l’allègement de la dette, à l’évidence insoutenable, comme le Fonds Monétaire International lui-même en convient. Un défi énorme qui appelle un grand élan de solidarité !

Autre exemple de dossiers brûlants à ne pas laisser avancer sans bruit dans le sens que l’on imagine : Le TAFTA ( Grand marché UE-USA ) tout comme le marchepied vers celui-ci , le CETA ( Grand marché UE-Canada, pays lui-même étroitement lié par un accord de libre-échange aux Etats-Unis ) . Or, si les négociations sur le TAFTA sont  loin d’avoir abouti à ce jour, celles sur le CETA sont, en revanche, achevées : les pressions en faveur de la signature officielle du traité UE-Canada , voire de son « application provisoire » ( avant même sa ratification par les différents parlements nationaux ) sont de plus en plus fortes, notamment du côté des milieux d’affaires. Une date est même avancée pour ce coup de force : le 26 octobre prochain, lors d’un sommet UE-Canada. C’est dire qu’il n’y a pas de temps à perdre pour relancer l’action !

Et puis, il y a les problèmes prétendument réglés, mais susceptibles d’éclater de plus belle à tout moment, au premier rang desquels celui de l’accueil des réfugiés ! L’accord calamiteux avec la Turquie est en suspens et offre à Erdogan un moyen de chantage rêvé sur l’UE. Plus de cent réfugiés venus de Turquie accostent chaque jour en Grèce, s’ajoutant aux quelque 60 000 bloqués dans le pays le plus éprouvé de l’UE . À partir d’octobre, tout devient possible, la plupart des autres gouvernements restant sourds aux appels à la responsabilité collective.

  1. Reste le Brexit… Mais , aux dernières nouvelles, Londres se hâte de plus en plus lentement dans la réalisation de son projet. Désormais, on parle de…2019. Le combat pour une autre Europe, lui, ne peut pas attendre.

25 août 2016 at 9:14 Laisser un commentaire

LE HDP, BOUSSOLE DÉMOCRATIQUE DE LA TURQUIE

wurtz-l-humanite-dimancheEntre coup d’Etat militaire et contre-coup d’Etat civil, la Turquie s’enfonce dans une terrible impasse. Pour autant, l’avenir de ce grand pays n’est pas écrit. En témoignent les manifestations de masse des forces démocratiques à Istanbul, fin juillet, s’opposant et au putsch et aux purges. L’une des inconnues est la place et le rôle que réussira à conserver ou à reconquérir le HDP, ce grand parti progressiste qui défend notamment -mais pas exclusivement- la cause kurde. Le 15 juillet dernier, alors que circulait encore la rumeur que les militaires putschistes avaient pris le pouvoir en Turquie , le président du HDP, Selahattin Demirtas, se voyait « probablement arrêté au petit matin (…) Nous sommes heureux que le putsch n’ait pas réussi ! » a-t-il souligné. D’abord, parce que l’un des principaux chefs des conjurés n’était autre que le boucher de Cizre, la ville kurde détruite dans le sang au printemps dernier par l’armée sous le commandement de cet ex-officier d’élite du régime ! Et plus généralement parce que le HDP rejette la « mentalité putschiste » et toutes les graves violations des libertés qu’elle recèle. C’est donc tout naturellement que le HDP s’était immédiatement solidarisé avec les autorités du pays contre la junte militaire -et ce en dépit du très lourd contentieux qui oppose depuis plus d’un an ce parti à Erdogan- tout en rejetant la purge phénoménale en cours et la sombre dictature qu’elle laisse présager.

Le HDP n’est heureusement pas la seule organisation politique turque à adopter cette attitude -le principal parti d’opposition, le CHP, social-démocrate, en particulier, est également engagé dans ce combat- mais le parti de Demirtas est le seul à être jusqu’ici exclu des initiatives organisées par le gouvernement au nom de l’ « unité nationale » depuis l’échec du coup d’Etat. Marginaliser coûte que coûte et par tous les moyens cette organisation est l’objectif stratégique d’Erdogan depuis ce jour historique de juin 2015 où, pour la première fois depuis son accession au pouvoir en 2002, celui-ci a perdu , sinon l’élection, du moins son pari électoral majeur : remporter une majorité suffisante pour changer la Constitution et conquérir les pleins pouvoirs, à la manière d’un sultan néo-ottoman. Dépassant la barre fatidique des 10% (à franchir pour accéder au Parlement), le HDP avait fait échec à ce rêve aussi extravagant que dangereux en se hissant , malgré tous les obstacles dressés sur son chemin, au rang de troisième force politique du pays. Erdogan ne lui a jamais pardonné ce crime de lèse majesté. D’autant moins que ce parti et son jeune et brillant leader avaient su incarner une ambition démocratique inédite dans ce pays. Loin de limiter son rôle à la défense de la cause kurde, ils ont « assuré une représentation aux citoyens arméniens, yézidis, arabes et assyriens, aux travailleurs, aux universitaires, à la jeunesse et aux femmes, aux alévis et aux sunnites, aux Turcs et aux Kurdes » (1) provoquant cette interjection d’Erdogan, très éclairante sur le choc des deux mentalités : « Qu’est-ce que la question des femmes a à voir avec le processus de paix kurde ? » Voilà pourquoi , dans le sinistre imbroglio actuel en Turquie, le HDP me semble être la boussole démocratique du pays. Il mérite à ce titre toute notre solidarité.

——–
(1) S. Demirtas -Monde Diplomatique ( juillet 2016 )

11 août 2016 at 8:07 Laisser un commentaire

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