Archive for décembre, 2016

« SAUVER L’EUROPE !  » : REPONSE A HUBERT VEDRINE.

wurtz-l-humanite-dimanche« Amis, redescendez sur terre. Le moment est venu de penser tout à fait autrement pour sauver l’idée européenne ». Venant d’un ancien ministre des Affaires Etrangères dans le gouvernement Jospin, qui demeure aujourd’hui encore une voix écoutée sur les enjeux tant européens que mondiaux, cette interpellation très pertinente mérite attention ! Elle est tirée du dernier livre d’Hubert Védrine, intitulé « Sauver l’Europe ! » (1) Et, pourquoi ne pas le dire franchement : malgré mon net désaccord sur la vision d’ensemble de la construction européenne qui y est défendue, je considère qu’il s’agit d’un ouvrage qui stimule utilement le débat. L’auteur rompt, en effet, avec la langue de bois ambiante des « milieux autorisés » de Bruxelles aussi bien que des sphères gouvernementales à Paris. Védrine appelle un chat un chat et n’hésite pas à briser des tabous. Non seulement, il parle de « crise existentielle » de l’actuelle UE -le Président de la Commission, Jean-Claude Juncker, en convient désormais lui aussi- , mais il situe lucidement les origines du « décrochage de plus en plus manifeste » des Européens bien avant le « Brexit ». Il pointe, comme nous-même le faisons depuis longtemps, le vice de fabrication essentiel de la construction européenne : elle s’est faite sans les peuples. Et de citer, comme illustration du « mépris agressif envers les votes populaires », le cas du sort réservé au référendum français de 2005, qualifié à juste titre de « véritable insurrection électorale » : le TCE rejeté par la porte était revenu par la fenêtre sous la forme du traité de Lisbonne.

Autres formes d’arrogance insupportable de la classe dirigeante européenne légitimement fustigée dans ce livre : la confusion délibérément entretenue entre « vrais anti-européens » et partisans d’un projet européen alternatif à l’actuel, ou encore la propension des mêmes à « jeter la suspicion sur tout désir bien naturel de conserver une certaine souveraineté sur son destin et son identité dans la mondialisation, à balayer avec mépris toute critique ». D’autres idées émises dans le livre sont également frappées au coin du bon sens, comme le constat selon lequel le projet -cher, notamment, à François Hollande- « d’intégrer plus encore la zone euro » ( en la dotant d’un ministre des finances, d’un budget propre, d’un Trésor ) ne rendrait en rien plus légitimes aux yeux des peuples des « réformes » dont ils ont abondamment montré qu’ils n’en voulaient pas ! Nous ne bouderons pas non plus notre intérêt pour les passages suggérant à l’UE de « recouvrer, sans agressivité, une autonomie de pensée par rapport aux Etats-Unis » et de « reconstruire la relation Europe-Russie ».

On s’en doute : tout l’ouvrage en question ne suscite pas les mêmes éloges de notre part ! Ainsi, la fuite en avant néolibérale, la mise en concurrence des travailleurs, une utilisation de l’euro qui tourne le dos aux besoins de solidarités des peuples face aux marchés financiers, et le fiasco social qui en résulte sont à peine effleurés , voire carrément escamotés dans le bilan de l’UE que dresse l’auteur ! Pire : les « réformes » Schroeder sont citées en exemple ! Nous ne nous retrouvons pas davantage dans son souhait ambigu de voir « reprise en main (…) la question des flux de réfugiés et de migrants ». Enfin, sa conception de la « refondation » de cette « Union en état d’hébétude » n’est guère convaincante : Védrine suggère de décréter une « pause qui serait brève » pour réfléchir, suivie d’une « conférence refondatrice » entre « Etats volontaires ». Les citoyens ne seraient conviés qu’à avaliser ou à rejeter le compromis qui sortirait de ce conclave au sommet. De vraies contradictions, propices à un vrai débat…

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(1) Editions Liana Lévi (2016)

15 décembre 2016 at 11:50 1 commentaire

NOUVELLE CRISE POUR L’EUROPE !

wurtz-l-humanite-dimancheLes deux scrutins de dimanche dernier ont abouti à des résultats très différents mais soulèvent des questions semblables. En Autriche, le cataclysme tant redouté a été, une nouvelle fois, évité : le représentant de l’extrême droite n’accèdera pas à la tête de l’ Etat ! Nous ne bouderons pas le plaisir de ne pas avoir à déplorer un désastre sans précédent dans l’histoire de la construction européenne . Pour autant, il serait irresponsable de banaliser le fait qu’un parti comme le FPÖ -partenaire du FN au Parlement européen- ait la moindre chance de parvenir au pouvoir dans un pays de l’UE ! De fait, si l’on s’en tenait au soulagement, le sursis risquerait d’être de courte durée : en Autriche, les élections législatives -bien plus décisives, dans ce pays, que le scrutin présidentiel- se tiendront en 2018…C’est dire s’il est vital d’être au clair sur les raisons profondes de cette grave anomalie démocratique afin de s’y attaquer sérieusement !

Pour certains, la réponse à cette question est toute trouvée : « c’est la crise des réfugiés ». C’est oublier que le FPÖ était à plus de 20% bien avant cette « crise » ! En vérité, par delà les spécificités historiques de ce pays, l’essentiel du terreau sur lequel prospère ce poison en Autriche est bien connu en Europe, et particulièrement en France : les reculs sociaux et la peur du déclassement; l’absence de perspective et le sentiment d’être abandonné; et surtout, dans la pratique traditionnelle des principaux partis, un effacement poussé à l’extrême de tout ce qui oppose sur le fond la droite et une gauche digne de ce nom. La situation politique en Autriche est, à cet égard, encore plus désespérante qu’en France : non seulement, la règle nationale est celle de la « grande coalition » Droite-PS, mais chacune de ces deux familles politiques a noué sans le moindre scrupule, dans deux Länder, une alliance de gouvernement avec l’extrême droite ! (1) Difficile de faire pire en matière de torpillage des repères politiques…

Quant à l’issue du référendum constitutionnel en Italie, si elle ouvre une nouvelle -et potentiellement dangereuse- crise en Europe, ce n’est pas en raison de la victoire du NON, mais du fait du champ de ruines politique laissé derrière lui par Matteo Renzi -dont les représentants au Parlement européen siègent avec les députés socialistes. Celui qu’on surnommait « le démolisseur » s’était donné « 1000 jours pour changer l’Italie ». Ce cap vient d’être franchi. Le résultat du référendum qu’il vient d’organiser -en mettant son mandat en jeu- consacre logiquement le bilan des « changements » qu’il a promus. Parmi ceux-ci, outre la réduction des dépenses publiques et et les exonérations de cotisations patronales, personne n’a oublié l’emblématique et scandaleux « Jobs Act » qui a littéralement démoli le droit du travail, facilité les licenciements abusifs, et fait exploser la précarité de l’emploi. Et évidemment, aucun des effets annoncés de cette « baisse du coût du travail » et de cette « flexibilisation du marché du travail » ne s’est avéré : la croissance est inférieure à 1% et le chômage frappe 12% de la population, dont plus d’un jeune sur trois ! Vérité en-deçà des Alpes, et vérité au-delà : en France comme en Italie, la trahison des espoirs engendre des réactions de désespoir. En Italie aujourd’hui, elles donnent des ailes aux xénophobes de la Ligue du Nord, réveille les appétits de Berlusconi et gonflent le score du démagogue qui se veut le plus « radical »: le chef du « Mouvement cinq étoiles ». Beau bilan pour le « réformateur Renzi ! Voilà qui devrait faire réfléchir sérieusement, parmi les militants et les électeurs se réclamant de la gauche en France, ceux qui continuent d’accepter -donc de couvrir- les co-responsables d’une politique qui ressemble dangereusement à celle qui vient d’échouer lamentablement en Italie.

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(1) Dans le Land de Haute-Autriche pour la droite; dans le Burgenland pour le PSÖ !

8 décembre 2016 at 8:00 Laisser un commentaire

LA VICTOIRE DE CUBA SUR LA DROITE EUROPEENNE

wurtz-l-humanite-dimancheDans la myriade de colonnes que la presse courante vient de consacrer au « père de la révolution cubaine » -une forme d’hommage involontaire à ce personnage historique hors normes que fut Fidel Castro- , un fait a été complètement occulté : la victoire politique éclatante remportée par Cuba sur la droite européenne ( et tous ceux qui ont accepté de s’aligner sur elle…). Le rappel de vingt années de « bras de fer » entre La Havane et Bruxelles et de leur récente conclusion illustre à lui seul le mérite essentiel que même certains de ses plus virulents adversaires reconnaissent à « l’icône » qui vient de nous quitter : celui d’avoir rendu aux Cubains leur fierté. Qui ne mesure pas cela ne peut comprendre l’impressionnante résilience de ce peuple face aux épreuves qu’il subit depuis qu’il a fait le choix de son indépendance à l’égard de son puissant voisin.

A priori, l’Union européenne n’était en rien concernée par ce contentieux entre la super-puissance américaine et l’île rebelle , coupable de revendiquer sa souveraineté et accusée de narguer le « champion du monde libre » dans son « arrière-cour » latino-américaine. Cuba a toujours souhaité entretenir de bonnes relations avec l’Europe, et pour beaucoup d’Européens, la réciproque était également vraie.

Tout bascule en 1996. A Washington, le Congrès adopte cette année-là la loi Helms-Burton qui durcit et internationalise le blocus contre Cuba. Désormais, par exemple, tout bateau d’un pays tiers qui mouillerait dans un port cubain serait interdit d’accès aux ports des Etats-Unis pendant six mois. Que pensez-vous que fit l’Union européenne face à cette manifestation brutale de l’extraterritorialité des lois américaines qui menaçait à la fois la souveraineté et les intérêts des Etats européens ? A l’initiative du très réactionnaire Premier Ministre espagnol José Maria Aznar -qui présidait alors le Conseil européen- Bruxelles négocia avec Washington une exonération des sanctions américaines visant les entreprises européennes . En contrepartie, l’UE accepta de s’aligner sur la politique des Etats-Unis envers Cuba !

Cette « position commune » des Etats membres fut hypocritement justifiée par le désir des Européens de faire avancer la démocratie à Cuba…Elle ne changerait, était-il annoncé, que si Cuba réalisait « des progrès tangibles sur la voie d’une transition pacifique vers le pluralisme démocratique, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales » ! Précisons que tous les autres pays d’Amérique latine ont pu signer un accord avec l’UE….Cuba se déclara prête à la coopération et au dialogue politique, mais hors de tout diktat. L’UE ne bougea pas de sa « position commune » . En 2011, quand les autorités de Cuba libérèrent des prisonniers politiques, Bruxelles …les invitèrent à « poursuivre sur cette voie » mais sans esquisser la moindre ouverture envers La Havane. Finalement -après 18 ans de tentatives variées de chantage politique- , en avril 2014, les « 28 » acceptèrent enfin l’ouverture de négociations sur un accord de coopérations -sans conditions, cette fois- avec les autorités cubaines, en précisant que « cet accord marque la fin de la « position commune » de 1996″ .

La normalisation des relations UE-Cuba fut enfin signée à La Havane le 11 mars 2016, peu avant la visite sur l’île du Président Obama puis de celle du Pape François… L’accord de coopération -qualifié d’ « historique » par la Responsable de la diplomatie européenne, Federica Mogherini- précise officiellement que nos relations reposent désormais « sur des bases de respect, de réciprocité et d’intérêt commun ». Les Cubains auront payé cher ce succès . La dignité d’un peuple n’a pas de prix.

1 décembre 2016 at 10:36 Laisser un commentaire


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