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GAZA : « LÉGITIME DÉFENSE » ? NON : CRIMES DE GUERRE !
À l’heure où ces lignes sont écrites (15 octobre) , l’armée israélienne continue de préparer son offensive terrestre sur Gaza. Tel-Aviv pousse le cynisme jusqu’à déclarer accorder « pour des raisons humanitaires »(!) un délai supplémentaire aux centaines de milliers de personnes habitant le Nord du territoire pour se réfugier au Sud, près de la frontière égyptienne. Comble d’indulgence : Israël vient d’annoncer qu’elle cesserait de bombarder… la route de l’exode, ce dimanche « entre 10 heures et 13 heures » ! En l’espace d’une semaine, en plus de l’ordre d’évacuation d’un million de civils, livrés à eux-mêmes, l’armée de Netanyahu aura, avec le siège complet de Gaza visant l’entrée de nourriture, d’eau, de médicaments, de carburant et d’électricité dont dépendent 2,3 millions de personnes; la destruction de 5540 maisons, 3750 bâtiments supplémentaires étant rendus inhabitables (chiffres de l’ONU); les bombardements incessants tuant 2215 Palestiniens -dont 724 enfants- et en en blessant 8714 autres…, d’ores et déjà perpétré d’innombrables crimes de guerre. Lesquels s’ajoutent -certains commentateurs ont tendance à l’oublier- à 57 années d’occupation dont 16 ans de blocus de Gaza !
Rien, absolument rien ne peut justifier une telle inhumanité. Pas même la rage suscitée par l’horreur du 7 octobre dernier. On ne peut que rejoindre Delphine Horvilleur, la rabbine qui incarne le judaïsme libéral en France, lorsqu’elle déclare qu’ « aucune cause, aussi juste soit-elle, ne légitime les crimes du Hamas », et que « certains silences (l’ont) terrassée, notamment celui de certains amis, soutiens de la cause palestinienne et incapables de dénoncer clairement le Hamas ». De fait, les images insoutenables et les témoignages bouleversants sur le massacre aveugle de centaines de civils israéliens, l’insupportable sauvagerie des assaillants, leurs exécutions sommaires et leur prise d’otages sont à jamais gravés dans notre mémoire : la condamnation radicale de tels actes, effectivement de nature terroriste, est, c’est vrai, consubstantielle de la défense de toute cause humaine. Au nom des mêmes principes, rien ne peut nous conduire à laisser sans réagir Netanyahu invoquer la « légitime défense » à propos de sa punition collective monstrueuse infligée au peuple de Gaza.
Parmi les réactions internationales, on doit à M. Türk, Haut-Commissaire aux Droits de l’homme de l’ONU, le rappel que « l’imposition de sièges qui mettent en danger la vie des civils (…) est interdite par le droit international humanitaire », et un appel à renoncer aux « cercles vicieux de la vengeance ». L’Organisation mondiale de la santé a, quant à elle, prévenu que l’évacuation forcée de plus de 2000 patients des hôpitaux du Nord vers les établissements débordés du Sud de Gaza pouvait être « l’équivalent d’une peine de mort » ! En revanche, le Conseil de sécurité de l’ONU a illustré, une fois de plus, l’unilatéralisme de ses membres les plus influents : ainsi, selon un observateur averti, « Les Etats-Unis n’accepteront tout simplement pas un texte appelant un cessez-le-feu dans les prochains jours », eux qui, déjà en 2021, « avaient refusé d’approuver toute déclaration sur le conflit entre Israel et le Hamas jusqu’à ce qu’Israël ait atteint ses objectifs militaires » (1). Entre-temps, des affrontements se développent entré Israël et le Hezbollah libanais, tandis que l’Iran menace d’intervenir si Israël poursuit son attaque à Gaza…Jusqu’où Washington aidera-t-il à s’aventurer Netanyahu ?
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(1) Richard Gowan, International Crisis Group ( « Le Monde », 14/10/2023 )
QUELLE EUROPE ÉMERGERA DE CETTE MAUDITE GUERRE ?
« La guerre d’Ukraine a vu la naissance tardive d’une Union géopolitique (…) Nous devons nous doter de l’état d’esprit et des moyens nécessaires pour faire face à l’ère de la puissance et nous devons le faire à grande échelle. » Telle est depuis quelque temps la doctrine de l’Union européenne, rappelée par le chef de sa diplomatie, Josep Borrel, un mois après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine (1). Manifestement, le Kremlin, par sa maudite guerre en Ukraine, a dopé des tendances lourdes, déjà à l’œuvre dans l’UE auparavant, en en exacerbant les pires travers.
La première de ces tendances est la militarisation à outrance de l’Europe. Le cas de l’Allemagne est le plus spectaculaire. Rompant avec la tradition pacifiste adoptée après la défaite du nazisme, Berlin affiche aujourd’hui l’ambition de devenir « la force armée la mieux équipée d’Europe ». Paris, de son côté, fait faire un bond de 40% à sa loi (pluriannuelle) de programmation militaire. La Pologne, quant à elle, a plus que doublé son budget des armées. Partout, les dépenses militaires, déjà orientées à la hausse avant le conflit, s’envolent littéralement depuis son déclenchement. L’Union européenne, en tant que telle, a créé un instrument financier sans précédent -intitulé…« facilité européenne pour la paix »- pour fournir directement une aide militaire à des pays tiers. Quant à l’OTAN, elle est passée en un temps record de « l’état de mort clinique » à un activisme effréné en Europe, où elle recrute même d’anciens pays neutres !
Cette militarisation de l’Europe se conjugue avec une autre tendance en plein essor : l’américanisation de l’Union européenne. Les Etats-Unis déploient désormais dans l’UE plus de 100 000 soldats, en particulier dans sa partie orientale. Ils y écoulent avions de chasse, chars de combat , missiles et autres pièces d’artillerie en quantité exponentielle. Ils y exportent au prix fort leur gaz naturel liquéfié, produit par fracturation hydraulique, un procédé largement interdit en Europe. Notre dépendance à l’Amérique est , plus que jamais, économique, politique et stratégique.
Ajoutons à cela que la guerre en Ukraine a déplacé le centre de gravité de l’UE vers l’Est et mis sur un piédestal la Pologne du PiS, un régime dont certains discours rappellent ceux du FN, et dont, paradoxalement, la « vision du monde n’est pas sans présenter des similitudes avec celle du président russe, qui tend à s’ériger en dirigeant de la restauration conservatrice en Europe »(2) . Hier paria de « l’Europe des valeurs » du fait du non-respect de l’Etat de droit, de l’interdiction de l’IVG, de l’établissement de « zones libres d’idéologie LGBT », du rejet des réfugiés (à l’exception des catholiques), les migrants pouvant être « porteurs de toutes sortes de parasites » dont il convient de protéger les Polonais (Jarosław Kaczyński), Varsovie est aujourd’hui en train de voir valider par ses 26 partenaires sa vision stratégique de l’Europe : un atlantisme inconditionnel et une conception de la sécurité européenne qui ne voit désormais de salut que dans l’escalade des armes. Quo vadis, Europa ?
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(1) Voir « Le grand continent », 24/3/2022.
(2) Voir « Pologne: l’Europe du PiS », Valentin Behr (25/6/2018), GÉOPOLITIQUE.
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