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UKRAINE : UNE CRISE PEUT EN CACHER UNE AUTRE !
Le conflit russo-ukrainien est-il en train de s’emballer ?
Les enseignements à tirer du dramatique incident du 15 novembre dernier en Pologne -la chute accidentelle d’un missile sur le territoire d’un pays membre de l’OTAN- sont, à cet égard, d’une importance stratégique. Si l’un d’entre eux est plutôt rassurant, l’autre ne peut que susciter de vives préoccupations. Rassurant fut -une fois n’est pas coutume- l’esprit de responsabilité dont a fait preuve à cette occasion le Président américain, soucieux, fort de sa longue expérience de la guerre froide, de tuer dans l’œuf toute tentative d’hystériser l’événement au risque de déclencher une réaction militaire inconsidérée visant la Russie au nom du fameux (et aventureux) article 5 de l’alliance militaire occidentale. Très préoccupante fut, à l’opposé, la réaction dangereuse et même, vu le contexte, irresponsable, du Président ukrainien. Accusant sans preuve la Russie d’avoir , avec ce missile, « adressé un message au sommet du G20 » en « frappant la sécurité collective », il appela littéralement à une riposte des dirigeants occidentaux en dénonçant une « escalade majeure qui réclame une action »…
Cette attitude pose un sérieux problème : si la volonté de l’Ukraine de repousser l’envahisseur est pleinement fondée , la tentation de son Président d’impliquer directement l’OTAN dans la guerre contre la Russie est, quant à elle, mortifère !
À cet égard , la crise du 15 novembre peut en cacher une autre, particulièrement pernicieuse : celle d’une tentative de reconquête de la Crimée par l’armée de Kiev et les armements de l’Occident. Hier impensable, cette hypothèse n’est aujourd’hui plus à exclure. Or, si ce projet galvanise l’Ukraine, il constitue une « ligne rouge » non pour le seul Poutine, mais vraisemblablement pour l’opinion russe dans sa grande majorité ! Des progressistes non suspects de sympathie pour le chef actuel du Kremlin, tels les proches de Mickael Gorbatchev, nous mettent en garde : pour les Russes en général, le fait que Krouchtschev fit « don par décret » de la Crimée à l’Ukraine comme « geste personnel envers sa république préférée » (1), ne fait pas d’une province russe depuis Catherine II un territoire ukrainien -ce que le penchant pro-russe de la plupart des habitants de la péninsule semble confirmer. Que le sort de la Crimée soit discuté lors des futures négociations de paix paraît inévitable ; qu’il fasse l’objet d’une tentative de récupération par la force est-il, en revanche, acceptable ?
Que rapporterait aux victimes innocentes des cruautés infinies des occupants russes le basculement dans une escalade incontrôlable ? Face à un enjeu aussi critique pour la sécurité européenne voire mondiale, serait-ce manquer au devoir de solidarité avec un pays agressé que de fixer des limites claires à ne pas franchir par les armes (qu’on lui a livrées) ?
Telles sont les questions décisives auxquelles devront répondre sans détours les principaux dirigeants occidentaux.
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(1) L’expression est de Nina Krouchtcheva, arrière-petite-fille de l’ex-dirigeant soviétique (Le Monde, 15/3/2014)
POUR UNE SOLIDARITÉ RESPONSABLE AVEC L’UKRAINE
Rien de plus insupportable que le sentiment d’impuissance face à une agression militaire meurtrière comme l’est la guerre de Poutine contre l’Ukraine. On ne peut, dès lors, s’étonner que s’élèvent, sous les bombes, des voix bouleversantes réclamant une implication dans le conflit toujours plus forte des États européens et occidentaux en général, à même de forcer Poutine à arrêter sa guerre. Peut-on, dans ces conditions, être légitimement conduit à dire non à certaines de ces demandes alors même que le peuple ukrainien nous impressionne tous et toutes par sa résistance intrépide face à l’armada russe ? Oui, hélas : c’est difficile, et pourtant nécessaire dans une série de cas. Cela peut même s’avérer être un devoir de solidarité, quand la réalisation de ces exigences ferait courir des risques incommensurables aux Ukrainiens, à coup sûr, en premier lieu, et, au-delà, à l’Europe tout entière , voire au monde.
Plusieurs cas de ce type se sont présentés ces derniers jours. Ainsi, il est crucial, vital même, que les pressions en faveur de l’établissement d’une « zone d’exclusion aérienne » sur le territoire ukrainien ne finissent pas par entraîner l’OTAN dans une fuite en avant fatale ! Car, interdire le survol de l’Ukraine suppose d’abattre tout avion ennemi bravant l’interdit, quitte à déclencher l’engrenage d’un affrontement militaire OTAN-Russie ! La même mise en garde vaut pour les avions de guerre de l’ère soviétique que Washington espère toujours convaincre la Pologne de livrer à l’Ukraine. Un tel projet impliquerait , là encore, des États membres de l’OTAN , au risque de fournir à Poutine un prétexte pour étendre le conflit. Une solidarité pour le moins à double tranchant.
Même l’idée d’une adhésion « sans délai » de l’Ukraine à l’Union européenne est hautement contestable, ne serait-ce qu’en raison de l’existence, dans les traités européens en vigueur depuis 2009, d’une « clause de défense mutuelle » qui recèle des dangers similaires à ceux du fameux « article 5 » de l’OTAN – toutes choses qui mériteraient d’être clairement explicitées lorsqu’on évoque une éventuelle entrée de l’Ukraine dans l’UE.
Quant aux sanctions économiques -si elles sont évidemment nécessaires- , elles appellent elles-mêmes plus de discernement que celui dont ont fait preuve plusieurs de nos ministres. Quand Clément Beaune, le Secrétaire d’Etat aux affaires européennes, prétend que « nous pouvons imposer nos intérêts » à la Russie car celle-ci dépend de l’Europe pour ses exportations de gaz, il semble oublier que la réciproque est vraie : il serait aussi peu aisé pour l’Europe de se passer de son fournisseur russe que pour la Russie de remplacer ses clients européens. Le degré d’interdépendance qui caractérise le monde actuel est tel que le Fonds monétaire international (FMI) prévient que les sanctions « auront un impact substantiel sur l’économie mondiale ». Lorsque Bruno Le Maire promet -avant de se raviser face au tollé suscité- « une guerre économique totale à la Russie » , il ignore cet autre avertissement du FMI : une escalade du conflit aurait des conséquences économiques « dévastatrices » au niveau mondial.
La seule solidarité qui vaille est celle qui ne se retourne pas contre le peuple ukrainien et le monde dans son ensemble.
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