Archive for mars, 2017

PETIT AVANT-GOÛT DES NÉGOCIATIONS SUR LE « BREXIT »

« Nous sommes une grande nation, globale (…) Une des plus grandes et des plus fortes économies mondiales. Avec des services de renseignements les plus sophistiqués, les forces armées les plus courageuses, un pouvoir de convaincre et un pouvoir de contraindre des plus efficaces, et des amitiés, des partenariats et des alliances sur tous les continents… » C’est par ces mots dénués de fausse modestie que la Première Ministre britannique, Madame Theresa May, avait lancé, en janvier dernier, devant le Parlement de Londres, le processus de sortie de l’Union européenne. Comme prévu, ce 30 mars, elle a décidé d’activer le fameux article 50 du traité de Lisbonne permettant l’ouverture des négociations avec l’Union européenne. En vue de celles-ci, le gouvernement du Royaume-Uni a publié un « Livre Blanc » détaillant sur près de 80 pages les grandes lignes du « bon accord » auquel il entend parvenir avec ses partenaires de l’UE (1). Un rapide coup d’œil sur quelques passages de ce texte donne une idée du bras de fer qui se prépare entre Londres et « Bruxelles »pour les deux prochaines années.

D’emblée, dans sa préface, le Secrétaire d’Etat « à la sortie de l’Union européenne », David Davis, donne le ton : « Le Royaume-Uni aborde ces négociations en position de force ». Le « Livre Blanc » lui-même affiche la même assurance : « Aucun accord vaut mieux qu’un mauvais accord pour le Royaume-Uni ». Loin d’émettre le moindre doute sur les perspectives du « Brexit » -que le texte appelle à plusieurs reprises « la Grande abrogation » ( avec un grand G ! )-, les autorités britanniques sont décidées à présenter le visage d’un pays sûr de lui : à leurs yeux, celui-ci est, à bien des égards, « leader mondial », y compris… »en matière de droits des travailleurs » ! De façon plus crédible, elles rappellent à l’attention de ceux de ses « partenaires » qui l’auraient oublié que « le secteur des services financiers du Royaume-Uni est une plaque tournante pour l’argent, le commerce et les investissements du monde entier », que « plus de 75% des activités du marché des capitaux de l’UE à 27 sont réalisés au Royaume-Uni ». Et elles les préviennent aimablement qu’en matière de business, les compromis ne seront pas faciles à négocier : « quittant l’UE, le gouvernement s’est engagé à faire du Royaume-Uni le meilleur endroit au monde pour faire des affaires ». Il est donc décidé à saisir « activement des opportunités de réduire les coûts d’une règlementation inutile ». A bon entendeur…

Pour autant, en « champions du libre-échange, stimulant la libéralisation », les dirigeants anglais s’affirment des partisans résolus d’un accord « ambitieux et complet » avec l’UE permettant « aux entreprises britanniques de commercer avec le maximum de liberté sur les marchés européens », en bénéficiant d’un « système d’arbitrage en cas de litige (…) essentiel pour rassurer les entreprises », et tout cela sans être « tenus d’apporter d’importantes contributions au budget de l’UE ». Ben voyons ! Quant aux ressortissants de l’UE, la Grande-Bretagne est prête à « encourager les plus brillants et les meilleurs à venir ». Cerise sur le gâteau : Londres est disposée à apporter « de la valeur ajoutée à la politique étrangère et de sécurité de l’UE » grâce à son « rôle de premier plan dans le renforcement de la présence avancée de l’OTAN », comme en Estonie et en Pologne. No thank you Madam May !

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(1) Toutes les citations de cet article sont tirées du « Livre blanc » publié par le gouvernement britannique sur « la sortie du Royaume-Uni et le nouveau partenariat avec l’Union européenne ». (www.gov.uk/government/publications)

30 mars 2017 at 8:17 Laisser un commentaire

« PAS DE CIVILISATION FRANÇAISE SANS L’ACCESSION DES ÉTRANGERS » !

 

En ces temps de crispations identitaires et de bouffées nationalistes, il est bon de rappeler la vision ouverte et en évolution permanente de l’identité de notre pays que défendait l’historien de référence en la matière, Fernand Braudel. Parmi les conditions du « rayonnement de civilisation » de la France, il citait « la présence, dans ce carrefour que la France est en Europe, d’un nombre considérable d’étrangers. Il n’y a pas de civilisation française sans l’accession des étrangers; c’est comme ça », insistait-il. Et d’ajouter -il y a exactement 32 ans- cette vérité à l’actualité si cruciale : « Ce qui compte, c’est de faire l’Europe des peuples et non pas celle des patries, des gouvernements ou des affaires. Et ce ne sera possible que par la générosité et la fraternité ». (1)

Je me suis remémoré ces paroles à l’occasion de la « Rencontre nationale sur l’Europe » organisée par le Parti communiste français, le 17 mars dernier, à Villerupt, en Meurthe-et-Moselle. Il n’y a, en effet, guère de région où cette diversité des apports à « l’identité française » -ainsi que la fraternité dans les luttes pour leur reconnaissance- ne se soient mieux vérifiées que dans cette région lorraine, et particulièrement ce bassin de Longwy, depuis plus d’un siècle. Aux immigrants polonais des années 1920, et italiens une décennie plus tard, ont succédé les réfugiés espagnols et portugais des années 1050-1960, puis les travailleurs algériens. Leur insertion n’a pas été réalisée sans heurts ni injustices. Mais elle s’est bel et bien faite. En témoignent, par exemple, les noms de rue ou des cités, notamment dans les secteurs longtemps dominés par les industries sidérurgiques et minières. Autre signe tangible de ce métissage réussi : des manifestations culturelles, tel le toujours très prisé « Festival du film italien de Villerupt ». Sans oublier le grand nombre de personnalités publiques au rayonnement incontesté, dont seule la consonance du nom rappelle les origines « étrangères ». Je me souviens y avoir rencontré, comme jeune député européen, deux Français comme les autres, qui m’ont fait connaître et aimer leur région, tant ils en parlaient avec passion : l’un était secrétaire du Parti communiste, véritable figure de la vie politique en Lorraine ; l’autre venait, à la surprise générale, de se faire élire Président (communiste) du Conseil général. Le premier était fils d’immigré italien ayant fui le fascisme : Roland Favaro ; le second d’ascendance polonaise : Bogdan Politanski. Une leçon à méditer par tous les apprentis-sorciers qui n’hésitent pas à nourrir le fantasme de l’ « invasion des migrants » dans l’espoir de gagner des voix aux élections.

 

Dans une récente conférence, Marie-Christine Vergiat, députée du Front de gauche au Parlement européen, rappelait à juste titre à ce propos qu’aucun des 28 Etats membres de l’Union européenne n’avait, à ce jour, ratifié la « Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille » -un texte de l’ONU datant de 1990 et en vigueur depuis 2003 ! Le fait que des Etats qui se présentent comme des modèles de démocratie rechignent eux-mêmes à leurs devoirs de solidarité envers les migrants ne peut qu’apporter de l’eau au moulin des démagogues racistes et xénophobes travestis en « patriotes ». Puissent les trop nombreux Français, aujourd’hui près de tomber dans leur panneau revisiter ces expériences d’un passé somme toute assez récent, qui ont valu à la France son « rayonnement de civilisation » ! Le moment est venu de sonner le tocsin !

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(1) Entretien avec Fernand Braudel – « Le Monde » (24/3/1985)

23 mars 2017 at 10:57 Laisser un commentaire

LE PROJET HAMON SUR L’EURO : SES MÉRITES ET SES LIMITES.

Benoît Hamon « propose aux Etats membres de la zone euro un traité » prévoyant la mise en place d’une « Assemblée de la zone euro qui serait l’émanation des Parlements nationaux ». En entendant cela, on est perplexe. C’est tout ? Rien, en particulier, sur les ruptures nécessaires avec la logique de traités actuels ? Et qu’en est-il du combat à mener pour changer les rapports de force en France et en Europe ? Mais plutôt que de nous lancer d’emblée dans la polémique, n’est-il pas plus conforme aux exigences de la période de rechercher toute convergence possible, même partielle, à gauche, et d’évaluer dans cet esprit les mérites et les limites du projet du vainqueur de la primaire socialiste ?

Les mérites de ce projet ? Ils résident, je pense, dans les principaux objectifs qui lui sont assignés. Hamon dit, d’une part, vouloir en finir avec l’austérité, cette « marque de fabrique de (l’actuelle) Union européenne » et, d’autre part, voir dans la démocratisation des institutions européennes « la clé » des changements nécessaires. C’est juste. Oui : l’obsession de « la confiance des marchés » et « la confiscation des décisions fondamentales par (…) l’Eurogroupe, la Banque centrale européenne et la Commission » sont au cœur de la crise de l’UE ! Oui : la solution n’est pas plus dans « la désagrégation de l’Europe » que dans le statu quo. Et encore oui : l’une des leçons du drame de la Grèce, c’est qu’il faut rassembler tous les progressistes européens. Du moins ceux qui, à la différence de Macron, méritent ce qualificatif. Voilà un bon point de départ pour un débat de fond à gauche.

Les limites du projet Hamon, ensuite : si les convergences sont fortes sur les objectifs à atteindre, les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir méritent, à l’évidence, discussion. Benoît Hamon mise, à cet égard, sur une mesure purement institutionnelle : il reviendra, selon lui, à cette fameuse « Assemblée de la zone euro », très majoritairement composée de députés délégués par leur parlement national, de décider du budget de la zone; d’organiser l’harmonisation fiscale et sociale; de fixer le seuil de déficits publics etc… C’est grâce au transfert à ces élus de pouvoirs actuellement détenus par des instances émanant directement ou indirectement des Etats qu’Hamon espère « mettre l’austérité en minorité ». Cette idée soulève de nombreuses questions . D’abord -comme en témoigne la réaction (négative) immédiate de François Hollande- l’idée que les Chefs d’Etat et de gouvernements concernés accepteraient (à l’unanimité !) la « proposition » de ce basculement des pouvoirs est pour le moins…audacieuse. Ensuite, il faut rappeler que ces parlements nationaux dont émaneraient les futurs législateurs de la zone euro ont tous avalisé les traités qui fondent les actuelles politiques de l’UE. Enfin, il est plus qu’hypothétique que la majorité des citoyens soit acquise à ce type de saut fédéral.

Certes, le fait que ce soit des élus (qui plus est des députés nationaux) qui décident des grands axes de la politique européenne plutôt que des instances inaccessibles aux citoyens constituerait , en soi, un progrès démocratique. Pour autant, l’implication consciente des citoyens de chaque pays dans les grands choix européens -autrement dit d’intenses luttes sociales et politiques- ainsi que le respect du droit imprescriptible de chaque peuple à décider de son avenir sont, à mes yeux, des conditions incontournables d’une transformation réussie et acceptée de la construction européenne. Tout cela mérite, plutôt que des invectives, une confrontation d’idées -constructive mais franche- entre les différentes familles de pensée, à gauche, appelées à se rassembler impérativement dans les prochaines semaines. Et, plus généralement, un grand débat citoyen dans le pays.

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NB : les citations de Benoît Hamon sont extraites d’un entretien au « Monde » du 10/3/2017

16 mars 2017 at 8:11 Laisser un commentaire

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