Archive for mars, 2013

LE REVELATEUR CHYPRIOTE

wurtz-l-humanite-dimanche     L’attitude ignoble -et totalement irresponsable- des principaux dirigeants européens vis-à-vis de Chypre aura des conséquences politiques lourdes et durables, non seulement sur l’île elle-même, mais dans toute la zone euro comme dans l’Union européenne en général.
Elle sert, en effet, pour des millions d’ Européennes et d’ Européens, d’incroyable révélateur de la nature profonde de ce qu’est progressivement devenue l’Union européenne.

Tous les efforts déployés par Bruxelles pour accréditer l’image d’une Europe solidaire, fondée sur des « valeurs », régie par une « économie sociale de marché », promotrice des droits de l’homme, attachée à assurer la « cohésion sociale » … sont ruinés par cette expérience concrète vécue en direct dans chaque foyer européen: ils ont osé envisager de spolier tous les petits épargnants d’un pays membre (contrairement aux engagements les plus solennels des autorités de l’UE), puis,devant le refus spectaculaire d’ obtempérer du parlement de Nicosie (0 voix en faveur du plan de la « troïka »!), le président de la Banque centrale européenne est allé jusqu’à menacer d’organiser le blocus financier du pays, faute , pour ce minuscule Etat de 800 000 habitants, d’avoir dégagé 5,8 milliards d’euros (le tiers de la richesse nationale, soit l’équivalent de 700 milliards dans le cas de la France!) dans les quatre jours ! De la folie furieuse. Et cela alors même que les Chypriotes ne sont pour rien dans la crise de leurs banques. C’est l’annulation d’une partie de la dette de l’Etat grec ,dont les banques chypriotes étaient de gros créanciers, qui rend vitale depuis…juin 2012 la recapitalisation de ces établissements financiers pour éviter l’effondrement de toute l’économie du pays.

En fait, le très influent ministre allemand des finances, Wolfgang Schauble, avait « mangé le morceau » dès le mois dernier. Pour expliquer ses interminables tergiversations devant les appels à l’aide de plus en plus pressants des responsables chypriotes, il avait lâché ce terrible aveu: « Il faut vérifier si Chypre constitue un danger pour la zone euro dans son ensemble. C’est l’une des conditions pour que le Mécanisme européen de stabilité (l’instrument de « sauvetage » des pays en grande difficulté financière) puisse être utilisé. » (L’autre condition étant l’application d’un plan d’austérité écrasant, des privatisations massives et une mise sous tutelle du pays.) Autrement dit, puisque Chypre ne « pèse » que 0,2% de la richesse de l’UE, il peut faire banqueroute. Ce n’est pas notre problème. Et ils appellent cela « l’Union »…

Quelle conclusion tirer de ce constat révoltant ? On peut comprendre que des personnes, légitimement exaspérées par tant de cynisme, n’aient qu’une envie: quitter ce « navire pourri » et qui prend l’eau. Ce n’est pourtant pas la solution. En l’ occurrence , si Chypre n’avait pas été dans la zone euro, il aurait dû s’adresser au Fonds monétaire international -autrement dit… à l’un des trois affameurs de la « troïka » (BCE, Commission, FMI). La réponse aurait été exactement la même que celle de Bruxelles et Francfort. Il n’y a, en vérité, aucun raccourci possible: il faut changer l’euro et l’Europe en profondeur ! Cette grande bataille de classe de notre époque comporte à mon sens un triple volet: Refuser (les diktats de ce quarteron d’irresponsables qui se croient les patrons de l’Europe); Rassembler ( sans étroitesse, à gauche, toutes les forces qui aspirent à la rupture avec cette politique désastreuse); Reconstruire (un projet européen, solidaire, démocratique et pacifique avec les peuples voisins).
Voilà l’autre leçon que nombre d’Européens peuvent et doivent tirer de la tragédie chypriote.

28 mars 2013 at 9:37 1 commentaire

RÉVOLTE AU PARLEMENT EUROPÉEN

wurtz-l-humanite-dimanche     Ainsi, les députés européens ont, à 506 voix contre 161 (soit à plus de 75% !), adopté , le 13 mars dernier, une résolution par laquelle ils préviennent les Chefs d’Etat et de gouvernement qu’ils « rejettent sous sa forme actuelle » le projet de budget 2014-2020 sur lequel ceux-ci s’étaient laborieusement mis d’accord le mois dernier! Autrement dit , la majorité des sociaux-démocrates et de la droite elle-même (qui ont si souvent avalisé traités libéraux,directives « austéritaires » et règlements coercitifs rédigés sous la dictée d’Angela Merckel et de ses fidèles) – ont décidé cette fois de croiser le fer avec ceux-là même ainsi qu’avec leur propre parti, leur propre gouvernement , bref avec leur « Europe » ! Une telle révolte n’est pas banale et mérite qu’on s’y arrête.fw

Pour autant, il faut le savoir, cette offensive parlementaire ne remet évidemment pas en cause les orientations libérales de l’UE !
À entendre le discours du Président ( social-démocrate allemand) du Parlement européen, Martin Schultz, devant le Conseil européen au lendemain de ce vote exceptionnel , on aurait pu croire que les demandes des députés portaient pour le moins sur une augmentation sensible des dépenses de solidarité – impitoyablement sacrifiées dans le budget préparé par les dirigeants européens -.
Il tança, en effet, ces derniers avec véhémence au sujet des « politiques d’austérité  » et des « difficultés sociales » provoquées par les mesures « d’assainissement budgétaire « . En réalité , la majorité des députés n’ont pas osé porter la contestation sur l’enveloppe globale du budget ( en recul sensible sur les sept années précédentes !). Ce qu’ils réclament avant tout, c’est de pouvoir transférer des fonds non utilisés d’une année sur l’autre ou d’un chapitre budgétaire sur un autre et de prévoir , le cas échéant ,une révision du montant à mi-parcours (en 2017) si la croissance est au rendez-vous d’ici-là.

On est donc évidemment loin d’une brusque conversion politique de la majorité du Parlement européen! Les miracles n’existent pas. Il s’agit néanmoins d’un acte à la fois intéressant et hautement significatif. Intéressant car c’est enfin un exemple d’affirmation des droits démocratiques de la seule institution européenne directement élue par les citoyens face à l’hégémonie arrogante d’un quarteron de dirigeants de plus en plus insupportables . Et c’est un acte hautement significatif , car , à l’évidence , cette fronde de la majorité des élus de Strasbourg a directement à voir avec le climat explosif qui règne aujourd’hui dans nombre de sociétés vis-à-vis de la politique menée au nom de l’ « Europe ». Ils mesurent le danger: quelque chose doit bouger, et vite !

La gauche de transformation doit se sentir confortée par cette nouvelle brèche ouverte dans une Europe libérale et autoritaire qui, derrière ses airs de forteresse imprenable , se révèle plus fragilisée que jamais par ses contradictions. On ne peut que se réjouir à cet égard de la Déclaration commune – sur le besoin d’aller jusqu’au bout dans le rejet des politiques d’austérité et le combat pour une autre Europe – immédiatement publiée par Pierre Laurent, Alexis Tsipras, Jean-Luc Mélenchon et les principaux élus et dirigeants du Parti de la Gauche européenne.

21 mars 2013 at 8:15 Laisser un commentaire

L’EUROPE ET CHAVEZ : QUELQUES EXPÉRIENCES VECUES

wurtz-l-humanite-dimanche                Ma première expérience européenne de l’ère Chavez se situe un an après l’élection du « Commandante », en décembre 1998. L’effondrement simultané et spectaculaire, lors de ce scrutin, des deux forces politiques qui s’étaient , trente ans durant, partagé le pouvoir (la démocratie chrétienne et la social-démocratie) laisse deviner le degré de sympathie que nourrissaient les dirigeants des principaux partis européens à l’égard du nouveau leader de Caracas…Prôner devant eux une initiative de solidarité européenne en direction du Vénézuéla revenait à leur suggérer d’attribuer le Prix Sakharov à Fidel Castro !
Ils ont pourtant dû faire contre mauvaise fortune bon coeur au moment où le nouveau gouvernement vénézuélien a eu à affronter sa première et très douloureuse épreuve. Le 15 décembre 1999, des pluies torrentielles venaient de provoquer non loin de la capitale de gigantesques glissements de terrain,entraînant dans les éboulements les innombrables habitations ultra-précaires des favélas de cette région sinistrée. Le bilan de ce drame de la misère -15 000 morts! – imposait à l’Europe de réagir. Nous avions donc proposé à la Conférence des présidents de groupe l’envoi d’une délégation officielle du Parlement européen, porteuse d’une mission de solidarité humaine et matérielle. La proposition fut, bon gré, mal gré, acceptée à l’unanimité. Nous nous rendirent sur les lieux de la catastrophe avant d’avoir un entretien approfondi avec le Président Chavez, dont l’engagement dans une action résolue contre la pauvreté massive dans ce pays riche de ses hydrocarbures  impressionna toute la délégation. L’espace d’une rencontre, le climat ne fut plus à la confrontation , mais à la coopération.

La deuxième expérience que je tiens à relater fut mois glorieuse pour l’Europe…Le 11 avril 2002, un coup d’Etat éclata à Caracas à l’initiative de quelques généraux félons , du chef du patronat et des propriétaires de grands media, avec le soutien de l’administration Bush. La totale !  Et l’Union européenne, cette championne de l’Etat de droit ? Elle…avalisa immédiatement le putsch par une Déclaration officielle de sa Présidence (espagnole). Son ambassadeur à Caracas rendit visite dès le lendemain – en compagnie de son homologue américain-  à l’imposteur, Pedro Carmono. Celui-ci héritera du surnom de « Pierre-le-Bref », car il dut prendre la fuite quelques heures plus tard, quand la formidable mobilisation populaire permit le retour du Président légitime. Chavez rappellera cette forfaiture aux dirigeants espagnols, tout en réitérant à l’Union européenne son offre de coopération. En vain.

Un troisième épisode illustre parfaitement cette incapacité de l’UE telle qu’elle est à saisir l’opportunité de construire de nouvelles relations avec les jeunes démocraties qui, depuis la brèche historique ouverte par Chavez, ont émergé dans cette région. Il s’agit du quatrième sommet Europe-Amérique latine qui s’est réuni à Vienne en mai 2006. A l’attente d’un « nouveau partenariat » axé sur les droits des populations défavorisées, les Européens ont répondu « libre-échange » conformément à « l’économie de marché ouverte où la concurrence est libre. » Au « sommet alternatif » des mouvements sociaux qui se tint en marge de la rencontre officielle, Hugo Chavez tira devant nous la leçon de ce blocage: « Notre tâche est d’être des multiplicateurs de conscience, car de la conscience nait la volonté, et de cette volonté nait le projet ».
Chavez est mort,mais ce combat continue.

14 mars 2013 at 9:52 Laisser un commentaire

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