LE REVELATEUR CHYPRIOTE
28 mars 2013 at 9:37 1 commentaire
L’attitude ignoble -et totalement irresponsable- des principaux dirigeants européens vis-à-vis de Chypre aura des conséquences politiques lourdes et durables, non seulement sur l’île elle-même, mais dans toute la zone euro comme dans l’Union européenne en général.
Elle sert, en effet, pour des millions d’ Européennes et d’ Européens, d’incroyable révélateur de la nature profonde de ce qu’est progressivement devenue l’Union européenne.
Tous les efforts déployés par Bruxelles pour accréditer l’image d’une Europe solidaire, fondée sur des « valeurs », régie par une « économie sociale de marché », promotrice des droits de l’homme, attachée à assurer la « cohésion sociale » … sont ruinés par cette expérience concrète vécue en direct dans chaque foyer européen: ils ont osé envisager de spolier tous les petits épargnants d’un pays membre (contrairement aux engagements les plus solennels des autorités de l’UE), puis,devant le refus spectaculaire d’ obtempérer du parlement de Nicosie (0 voix en faveur du plan de la « troïka »!), le président de la Banque centrale européenne est allé jusqu’à menacer d’organiser le blocus financier du pays, faute , pour ce minuscule Etat de 800 000 habitants, d’avoir dégagé 5,8 milliards d’euros (le tiers de la richesse nationale, soit l’équivalent de 700 milliards dans le cas de la France!) dans les quatre jours ! De la folie furieuse. Et cela alors même que les Chypriotes ne sont pour rien dans la crise de leurs banques. C’est l’annulation d’une partie de la dette de l’Etat grec ,dont les banques chypriotes étaient de gros créanciers, qui rend vitale depuis…juin 2012 la recapitalisation de ces établissements financiers pour éviter l’effondrement de toute l’économie du pays.
En fait, le très influent ministre allemand des finances, Wolfgang Schauble, avait « mangé le morceau » dès le mois dernier. Pour expliquer ses interminables tergiversations devant les appels à l’aide de plus en plus pressants des responsables chypriotes, il avait lâché ce terrible aveu: « Il faut vérifier si Chypre constitue un danger pour la zone euro dans son ensemble. C’est l’une des conditions pour que le Mécanisme européen de stabilité (l’instrument de « sauvetage » des pays en grande difficulté financière) puisse être utilisé. » (L’autre condition étant l’application d’un plan d’austérité écrasant, des privatisations massives et une mise sous tutelle du pays.) Autrement dit, puisque Chypre ne « pèse » que 0,2% de la richesse de l’UE, il peut faire banqueroute. Ce n’est pas notre problème. Et ils appellent cela « l’Union »…
Quelle conclusion tirer de ce constat révoltant ? On peut comprendre que des personnes, légitimement exaspérées par tant de cynisme, n’aient qu’une envie: quitter ce « navire pourri » et qui prend l’eau. Ce n’est pourtant pas la solution. En l’ occurrence , si Chypre n’avait pas été dans la zone euro, il aurait dû s’adresser au Fonds monétaire international -autrement dit… à l’un des trois affameurs de la « troïka » (BCE, Commission, FMI). La réponse aurait été exactement la même que celle de Bruxelles et Francfort. Il n’y a, en vérité, aucun raccourci possible: il faut changer l’euro et l’Europe en profondeur ! Cette grande bataille de classe de notre époque comporte à mon sens un triple volet: Refuser (les diktats de ce quarteron d’irresponsables qui se croient les patrons de l’Europe); Rassembler ( sans étroitesse, à gauche, toutes les forces qui aspirent à la rupture avec cette politique désastreuse); Reconstruire (un projet européen, solidaire, démocratique et pacifique avec les peuples voisins).
Voilà l’autre leçon que nombre d’Européens peuvent et doivent tirer de la tragédie chypriote.
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1.
andres bryant | 28 mars 2013 à 11:30
C’est la nature de l’UE, simplement ! Son but est de maintenir et sauver le capitalisme le plus longtemps possible. Ce qui est erroné c’est de dire ou faire croire que l’UE est « progressivement devenue » cela ! Elle l’est DEPUIS LE DÉBUT, depuis le Traité de Rome et même avant. Faire une petite recherche historique. Mendes France et même les gaullistes de l’époque le dénonçaient. Il faut simplement CLAQUER LA PORTE de cette structure au service du capital et FAIRE DU NEUF