Archive for mars, 2022

INDISPENSABLE « CONFÉRENCE PANEUROPEENNE »

Tout laisse à penser que nous sommes à un moment-charnière de la guerre que mène l’armée russe contre l’Ukraine. Certains observateurs craignent le basculement dans un conflit encore plus ravageur, nous rapprochant toujours plus d’un engrenage incontrôlable. D’autres veulent croire, malgré tout, à de possibles chances de compromis entre agresseurs et agressés. N’est-ce pas le moment ou jamais  -par exemple pour la « présidence française » du Conseil européen-   de tenter une médiation en lançant une grande initiative diplomatique ?

Celle-ci pourrait consister à proposer officiellement  -parallèlement à l’établissement d’un cessez-le-feu en Ukraine-   au Président ukrainien et au Président russe, puis, en cas d’acceptation de leur part, à tous les États du continent, quelque soit leur orientation politique , de se réunir ensemble dans le cadre d’une « Conférence paneuropéenne de sécurité » ayant pour mission de mettre à plat tous les différends à l’origine des tensions et des confrontations, et, depuis peu, même d’une guerre , en vue d’aboutir à un règlement global mutuellement acceptable. Les négociations dureraient tout le temps nécessaire, mais tant qu’on discute, les armes se taisent. En cas d’accord, un traité pourrait être signé sous l’égide de l’ONU. 

Rappelons, une fois de plus, à ce propos, un fait majeur, malheureusement trop peu connu : le 6 juin 2008, le Président russe d’alors, Dmitri Medvedev, proposa, depuis Berlin, la signature d’un tel traité paneuropéen « juridiquement contraignant ». Ce pacte  -pouvait-on alors lire dans « Le Monde » (17/7/2008), citant M. Medvedev-  « pourrait parvenir à une résolution générale des questions de sécurité et de contrôle d’armements en Europe (…) L’atlantisme a vécu, nous devons (donc) parler d’unité au sein de tout l’espace euro-atlantique, de Vancouver à Vladivostok ». Et le quotidien de préciser : 

« Nicolas Sarkozy a déclaré que si Moscou propose « un arc de sécurité de Vancouver à Vladivostok, ça mérite d’être étudié », mais…reconnut la journaliste,  « aucun dirigeant occidental n’a formellement donné suite aux idées de M. Medvedev ». 

L’explication de cette désinvolture, on la trouva dans cette autre citation de M Medvedev  rapportée, elle, par la chaîne « France 24 » (27/9/2008) : « le Président russe a averti qu’un élargissement de l’OTAN vers l’Est « saperait » les relations de Moscou avec les autres pays européens, de manière radicale » et « pour longtemps ». Stopper l’extension de l’OTAN était, en effet, le prix à payer pour cet « arc de sécurité ». Or, pour nombre de dirigeants occidentaux, il n’était pas question de « donner à la Russie un droit de veto sur les décisions de l’OTAN ». 

Évidemment, rien de tout cela ne peut tenir lieu, 14 ans plus tard, d’une quelconque excuse à Poutine, unique responsable de son agression armée contre l’Ukraine ! L’évocation de cette occasion manquée en 2008 vise, en revanche, à tirer les leçons du passé pour prendre les bonnes décisions aujourd’hui : je reste convaincu qu’une initiative, même tardive, en faveur d’une Conférence paneuropéenne de sécurité servirait la cause la plus précieuse : la paix.

31 mars 2022 at 6:14 Laisser un commentaire

EH BIEN NON, LE MONDE N’APPARTIENT PAS À L’OCCIDENT 

Joe Biden et ses alliés, anglo-saxons comme européens, semblent se voir  (presque) revenus aux lendemains de la chute de l’Union soviétique, quand le Président Bush (sénior) pouvait encore dire, dans son « Discours sur l’état de l’Union » de janvier 1992 : « Grâce à Dieu, l’Amérique a gagné la guerre froide. Un monde jadis divisé en deux camps reconnaît aujourd’hui la supériorité d’une seule puissance : les Etats-Unis. » 

Certes, il y a aujourd’hui un gros caillou dans la chaussure des Etats-Unis . Il est économique plus que militaire : c’est cette insupportable épée de Damoclès de la puissance chinoise qui menace le leadership américain, l’enjeu stratégique No 1 pour Washington. Mais,  par sa guerre d’agression contre l’Ukraine , Vladimir Poutine lui offre une occasion historique d’affaiblir lourdement l’autre éternel rival, la Russie, et permet à la coalition occidentale de revêtir la panoplie de défenseure  du « Monde libre », rassemblant -apparemment-  derrière son étendard tous les pays en désaccord avec l’aventure sulfureuse du chef du Kremlin. Autrement dit, la quasi-totalité des nations du globe. Une aubaine stratégique inespérée  pour « l’Amérique » et ses alliés. Et pourtant…

L’analyse des votes de l’Assemblée générale des Nations unies, le 3 mars dernier, donne une image du monde beaucoup plus contrastée que celle d’une hégémonie sans partage de « la famille occidentale ». Rappelons que, si Moscou fut -légitimement- isolé dans ce vote, puisque seules la Biélorussie, l’Erythrée, la Syrie et la Corée du Nord approuvèrent sa stratégie en Ukraine, les Occidentaux ne furent pas plébiscités pour autant. Bien des pays -et non des moindres- n’entendent plus être soumis à un camp. Pas moins de 35 pays se sont, en effet, abstenus et 12 autres ne prirent pas part à ce fameux vote. Parmi ces récalcitrants, il y a la Chine, qui, bien qu’alliée de la Russie, souligne que « la crise ukrainienne n’est pas quelque chose que nous souhaitions voir venir » car « la guerre n’est dans l’intérêt de personne » et doit cesser au plus tôt. Il y a également l’Inde, qui, bien qu’alliée des Etats-Unis, n’a pas cédé à leurs (fortes) pressions et a refusé de s’aligner sur les positions occidentales. Il y a enfin  22 pays africains dont le Sénégal qui, bien que réputé proche de la France sinon de l’Europe, a tenu à marquer sa différence.

C’est que nombre de pays du Sud constatent chaque jour un peu plus que leurs intérêts bien compris sont les parents pauvres des stratégies des « grandes puissances » : l’ONU n’annonce-t-elle pas que la guerre russe contre l’Ukraine et la « guerre économique et financière totale contre la Russie » (Bruno Le Maire) risquent d’entraîner « une crise alimentaire mondiale », en particulier dans les pays les plus démunis  ? Quant aux grands  États « émergents »,  des voix fortes s’y élèvent en faveur de la mise en place d’un système financier et commercial international moins dépendant des instruments de la domination occidentale, comme le dollar ou le système de messagerie interbancaire SWIFT. Leur message est clair : notre opposition à la guerre russe ne fait pas de nous les obligés de l’Occident.

24 mars 2022 at 6:59 Laisser un commentaire

 « QUELLES INSTITUTIONS INTERNATIONALES POUR GARANTIR LA PAIX ? »

(Réponses à 3 questions de « l’Humanité » -18/3/2022)

1) COMMENT SORTIR DES LOGIQUES DE GUERRE ?

FW : Je vois au moins trois ou quatre voies. D’abord, par la prévention des conflits ! Une règle d’or dramatiquement négligée dans le monde actuel .  Y compris dans le cas de la guerre en Ukraine . Entendons-nous bien : c’est une guerre d’agression dont la responsabilité incombe entièrement à Poutine ; une agression totalement injustifiable, guidée par un délire nationaliste ( « grand-russien  » comme écrivit Lénine dans son testament à propos de Staline ) ; une agression qui justifie l’isolement de ce pouvoir criminel . Mais cette évidence ne doit pas nous empêcher de réfléchir à ce qui aurait pu être fait -ou évité d’être fait !- pour empêcher un contentieux connu de tous de dégénérer en guerre ouverte. Je pense en particulier à l’extension continue de l’OTAN à l’Est, mais pas seulement. Comme dit Hubert Védrine, « ce n’est pas parce qu’on a créé un monstre qu’il ne faut pas le combattre », mais reconnaissons qu’on a bien contribué à le fabriquer et tirons-en les leçons pour l’avenir. 

Autre voie pour sortir des logiques de guerre : proscrire les « guerres économiques » dont la violence inouïe avoisine, par leurs effets sur les peuples concernées, les guerres tout court , quand elles n’y conduisent pas. Par ailleurs, nombre de conflits dans le monde naissent de situations  -grande misère, absence d’institutions légitimes, déstabilisation régionale …-  parfaitement connues, que la prétendue « communauté internationale » laisse pourrir . A contrario, traiter sérieusement cette forme d’insécurité internationale revient à prendre le contre-pied des logiques de guerre. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a souligné dès 1994 que « l’insécurité humaine » (alimentaire, sanitaire, écologique…) faisait infiniment plus de victimes que les guerres inter-étatiques , dans l’indifférence générale. Ajoutons enfin une évidence terriblement actuelle : enrayer la course aux armements, qui absorbe 2000 milliards de dollars (presque le PIB de la France), est un axe essentiel de l’action à mener pour sortir des logiques de guerre. 

2) L’ONU PEUT-ELLE ENCORE GARANTIR LA PAIX ? 

L’ONU représente, par sa Charte, par les votes de son Assemblée générale, par l’action propre de son Secrétaire général, par le travail de ses Agences, par ses opérations de maintien de la paix, une institution irremplaçable. Mais elle ne peut « garantir la paix » que si les Etats membres  -tout particulièrement les 5 membres permanents du Conseil de sécurité-  en ont la volonté et s’en donnent les moyens. Est-il besoin de dire que nous en sommes loin ? Un sursaut salutaire peut venir de la mobilisation d’acteurs non-étatiques, ONG, organisations syndicales, réseaux citoyens qui prennent de plus en plus d’importance, et peuvent viser à constituer une sorte de « société civile mondiale » en action. On se souvient de la gigantesque manifestation mondiale contre la guerre d’Irak, le 15 février 2003  -du jamais vu jusqu’alors ! Les forums sociaux mondiaux furent une autre forme de mobilisation citoyenne d’envergure internationale marquante . Quant à la campagne mondiale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN), elle a fini par arracher le vote massif des Nations-unies en faveur du traité sur l’interdiction de ces armes (TIAN) qui lui a valu le Prix Nobel de la paix en 2017 ! Ce sont là des expériences dont chacun et chacune mesure aujourd’hui la brûlante actualité !

3) POURQUOI ET COMMENT REFONDER LES RELATIONS INTERNATIONALES ? 

Il faut refonder les relations internationales car leur conception actuelle concentre tous les défauts rédhibitoires qu’on puisse imaginer ! Elle sous-estime grandement les enjeux sociaux, écologiques et humains globaux alors que ceux-ci ci doivent être au centre de l’attention . Elle magnifie les « grandes puissances » (symbolisées par le droit de veto et l’arme nucléaire)  et pratique la hiérarchisation des nations, et notamment l’arrogance à l’égard des pays du Sud, alors qu’elle doit reconnaître les interdépendances à l’heure de la mondialisation et en tirer les leçons en matière d’égalité des droits et de respect réciproque . Elle est fondée sur des logiques d’allégeance à un « camp » (Ex : la « famille occidentale ») et à une alliance militaire (l’OTAN) alors qu’il faut rehausser considérablement la diplomatie à l’échelle de la planète. Le salut, là encore, ne peut venir que des sociétés elles-mêmes. Et c’est le moment !

18 mars 2022 at 11:14 Laisser un commentaire

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