« QUELLES INSTITUTIONS INTERNATIONALES POUR GARANTIR LA PAIX ? »
18 mars 2022 at 11:14 Laisser un commentaire
(Réponses à 3 questions de « l’Humanité » -18/3/2022)
1) COMMENT SORTIR DES LOGIQUES DE GUERRE ?
FW : Je vois au moins trois ou quatre voies. D’abord, par la prévention des conflits ! Une règle d’or dramatiquement négligée dans le monde actuel . Y compris dans le cas de la guerre en Ukraine . Entendons-nous bien : c’est une guerre d’agression dont la responsabilité incombe entièrement à Poutine ; une agression totalement injustifiable, guidée par un délire nationaliste ( « grand-russien » comme écrivit Lénine dans son testament à propos de Staline ) ; une agression qui justifie l’isolement de ce pouvoir criminel . Mais cette évidence ne doit pas nous empêcher de réfléchir à ce qui aurait pu être fait -ou évité d’être fait !- pour empêcher un contentieux connu de tous de dégénérer en guerre ouverte. Je pense en particulier à l’extension continue de l’OTAN à l’Est, mais pas seulement. Comme dit Hubert Védrine, « ce n’est pas parce qu’on a créé un monstre qu’il ne faut pas le combattre », mais reconnaissons qu’on a bien contribué à le fabriquer et tirons-en les leçons pour l’avenir.
Autre voie pour sortir des logiques de guerre : proscrire les « guerres économiques » dont la violence inouïe avoisine, par leurs effets sur les peuples concernées, les guerres tout court , quand elles n’y conduisent pas. Par ailleurs, nombre de conflits dans le monde naissent de situations -grande misère, absence d’institutions légitimes, déstabilisation régionale …- parfaitement connues, que la prétendue « communauté internationale » laisse pourrir . A contrario, traiter sérieusement cette forme d’insécurité internationale revient à prendre le contre-pied des logiques de guerre. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a souligné dès 1994 que « l’insécurité humaine » (alimentaire, sanitaire, écologique…) faisait infiniment plus de victimes que les guerres inter-étatiques , dans l’indifférence générale. Ajoutons enfin une évidence terriblement actuelle : enrayer la course aux armements, qui absorbe 2000 milliards de dollars (presque le PIB de la France), est un axe essentiel de l’action à mener pour sortir des logiques de guerre.
2) L’ONU PEUT-ELLE ENCORE GARANTIR LA PAIX ?
L’ONU représente, par sa Charte, par les votes de son Assemblée générale, par l’action propre de son Secrétaire général, par le travail de ses Agences, par ses opérations de maintien de la paix, une institution irremplaçable. Mais elle ne peut « garantir la paix » que si les Etats membres -tout particulièrement les 5 membres permanents du Conseil de sécurité- en ont la volonté et s’en donnent les moyens. Est-il besoin de dire que nous en sommes loin ? Un sursaut salutaire peut venir de la mobilisation d’acteurs non-étatiques, ONG, organisations syndicales, réseaux citoyens qui prennent de plus en plus d’importance, et peuvent viser à constituer une sorte de « société civile mondiale » en action. On se souvient de la gigantesque manifestation mondiale contre la guerre d’Irak, le 15 février 2003 -du jamais vu jusqu’alors ! Les forums sociaux mondiaux furent une autre forme de mobilisation citoyenne d’envergure internationale marquante . Quant à la campagne mondiale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN), elle a fini par arracher le vote massif des Nations-unies en faveur du traité sur l’interdiction de ces armes (TIAN) qui lui a valu le Prix Nobel de la paix en 2017 ! Ce sont là des expériences dont chacun et chacune mesure aujourd’hui la brûlante actualité !
3) POURQUOI ET COMMENT REFONDER LES RELATIONS INTERNATIONALES ?
Il faut refonder les relations internationales car leur conception actuelle concentre tous les défauts rédhibitoires qu’on puisse imaginer ! Elle sous-estime grandement les enjeux sociaux, écologiques et humains globaux alors que ceux-ci ci doivent être au centre de l’attention . Elle magnifie les « grandes puissances » (symbolisées par le droit de veto et l’arme nucléaire) et pratique la hiérarchisation des nations, et notamment l’arrogance à l’égard des pays du Sud, alors qu’elle doit reconnaître les interdépendances à l’heure de la mondialisation et en tirer les leçons en matière d’égalité des droits et de respect réciproque . Elle est fondée sur des logiques d’allégeance à un « camp » (Ex : la « famille occidentale ») et à une alliance militaire (l’OTAN) alors qu’il faut rehausser considérablement la diplomatie à l’échelle de la planète. Le salut, là encore, ne peut venir que des sociétés elles-mêmes. Et c’est le moment !
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