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« DEVOIR DE VIGILANCE » : UN COMBAT DE CLASSE EUROPÉEN

Le 24 avril 2013, nombre de consommateurs occidentaux  découvraient, derrière les décombres du Rana Plaza et les 1135 victimes de l’effondrement de cette usine textile construite au Bangladesh en violation de toutes les règles de sécurité, que bien des grandes marques occidentales « au-dessus de tout soupçon » ne se souciaient guère des conditions dans lesquelles étaient fabriquées leurs vêtements . Cet effroyable scandale fut la source d’une prise de conscience dans l’opinion publique : il fallait coûte que coûte « faire quelque chose » pour qu’à l’avenir les entreprises européennes ne puissent plus se défausser de leurs responsabilités concernant les atteintes aux droits humains et environnementaux commises dans tous les maillons de la chaîne de valeurs, depuis leurs fournisseurs jusqu’à leurs sous-traitants . 

C’est ainsi qu’en 2017 fut adoptée en France -pour la première fois au monde- une loi sur « le devoir de vigilance » des entreprises. Sa portée était, certes, limitée -seules 263 entreprises étaient concernées- mais une brèche était ouverte, dont se sont saisis syndicats, ONG et militantes ou militants de gauche ou écologistes. Parmi elles et eux, des parlementaires européens -notamment de notre groupe de la gauche-  se fixèrent pour objectif d’obtenir le vote d’une directive (une loi européenne) la plus contraignante possible en matière de « devoir de vigilance ». 

Premier succès : ils obtinrent de la Commission européenne en 2022 qu’elle publie un projet de directive, que le Parlement européen se chargera d’amender sérieusement afin de lui conférer une portée beaucoup plus significative : en juin 2023, une majorité de députés européens se prononça pour porter le seuil des entreprises concernées à 250 salariés, les contrevenants risquant une amende équivalant à 5% de leur chiffre d’affaire. (À noter que les élus et élues du parti d’Emmanuel Macron ainsi que ceux et celles du RN s’y opposèrent…). Restait  à convaincre le « Conseil » (les représentants des 27 gouvernements) car l’adoption d’une directive suppose un accord des deux « co-législateurs ». De fait, six mois plus tard, à l’issue d’un tour de table informel, le Conseil  fit connaître son accord de principe avec l’essentiel de la position du Parlement européen. (La France s’y rallia après avoir obtenu l’exemption de la future loi pour le secteur financier…) La voie semblait enfin dégagée pour le vote d’une directive s’appliquant aux entreprises de plus de 500 salariés et même à celles de plus de 250 salariés dans les secteurs sensibles (textile, agriculture, construction…)

Ce tournant déclencha un impressionnant surcroît de pressions des entreprises. Avec pour résultat…un revirement spectaculaire le 28 février dernier : 14 Etats -dont la France- constituèrent une minorité de blocage, Paris exigeant notamment le relèvement du seuil des entreprises concernées à 5000 salariés. Les tractations reprirent de plus belle, pour finalement aboutir, à l’arrachée, à un accord officiel d’une « majorité qualifiée » (55% des États, représentant au moins 65% de la population de l’UE) des États membres, le 15 mars dernier. Le dernier mot reviendra au Parlement européen à la mi-avril. Même amoindri, le succès sera de taille ! 

Ce récapitulatif d’une longue bataille pour des droits sociaux et environnementaux est significative à plusieurs égards : d’abord, il rappelle que, si on arrive à créer des rapports de force favorables, tant dans nos sociétés qu’au Parlement européen, des succès notables sont possibles; ensuite, les slogans évoquant les « diktats de Bruxelles » oublient le rôle, souvent très négatif, d’une majorité d’Etats membres…parmi lesquels la France; enfin, nos concitoyens et concitoyennes ont intérêt à bien choisir les candidates et les candidats à envoyer à Strasbourg et à Bruxelles le 9 juin prochain.

21 mars 2024 at 10:15 Laisser un commentaire

« DANS QUEL MONDE VIVONS-NOUS ?… »

« Dans quel monde vivons-nous lorsque les gens ne peuvent pas se procurer de la nourriture et de l’eau ? » s’indignait il y a quelques jours le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à propos de la situation à Gaza, « devenue une zone de mort ». « Dans quel monde vivons-nous, a-t-il poursuivi, lorsque le personnel de santé risque d’être bombardé(…), que les hôpitaux doivent fermer parce qu’il n’y a plus d’électricité ou de médicaments (…) et qu’ils sont la cible des militaires »…Depuis ce cri d’alarme, le seuil des 30 000 victimes, très majoritairement civiles, a été franchi; une insupportable tragédie s’est ajoutée au bilan effroyable de cette guerre, lorsque, durant une distribution d’aide alimentaire, des soldats israéliens ont ouvert le feu car « ils se sentaient menacés »; et Netanyahou a annoncé le lancement prochain d’une offensive terrestre sur la ville de Rafah où sont massées 1,5 million de personnes…

Jusqu’à quelle extrémité le pouvoir et l’armée d’Israël devront-ils pousser leurs crimes de guerre pour que cessent à leur égard l’indulgence, la complaisance et la complicité des principaux dirigeants politiques occidentaux ? Que pèsent, en effet, quelques  protestations verbales de la France après le dernier carnage, ou bien la demande, par l’Allemagne, « que l’armée (sic) israélienne mène une enquête complète » à son sujet, ou encore les bons sentiments de la présidente de la Commission européenne, qui se dit « profondément troublée par les images » du désastre, quand l’Union européenne continue de refuser ne serait-ce que la suspension de l’Accord d’association très avancé qui lie l’Europe à Israël et que tant Berlin que Paris continuent de livrer des armes à Tel-Aviv ! Le ministre français des armées, Sébastien Lecornu, s’est même permis de se référer à …la Charte des Nations unies pour justifier la vente « d’équipements militaires à Israël afin de lui permettre d’assurer sa défense » ! (Fin janvier 2024, dans une déclaration à Mediapart ) . Et que dire du « Chef du monde libre » qui, non content d’avoir, le 20 février dernier, usé, pour la troisième fois, de son veto pour repousser une résolution du Conseil de sécurité appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, fournit à son allié inconditionnel tous les armements et les renseignements dont il a besoin pour poursuivre la pire guerre de son règne sanglant ! Rappelons enfin que toutes ces livraisons d’armes contredisent frontalement l’obligation faite à tout État membre de l’ONU -suite à l’arrêt de la Cour internationale de justice, le 26 janvier dernier- d’agir pour prévenir le risque qu’un génocide se produise à Gaza. 

« Dans quel monde vivons-nous ? » : l’interpellation du directeur général de l’OMS pourrait s’appliquer tout autant à l’abominable guerre russe en Ukraine comme aux menaces  nucléaires que vient à nouveau de brandir Poutine. Comme en Palestine, la solidarité envers le peuple agressé s’impose et toute complicité avec l’agresseur est intolérable. Et, pas plus qu’en Palestine, il n’y a à rechercher  de solution au conflit dans une « victoire » militaire d’un camp sur l’autre, et encore moins dans une fuite en avant militaire au risque d’un embrasement du continent. Il est consternant que le Président de la République -aveuglé par sa soif de « leadership » international ou prêt à instrumentaliser la tragédie ukrainienne à des fins de politique intérieure ?!- ait pu déclarer qu’il ne fallait « pas exclure » d’envoyer des troupes combattre les Russes en Ukraine ! Dans quel monde vivons-nous ? Un monde dangereux qui a un  besoin vital d’esprit de responsabilité, de vision à long terme, et, dans l’immédiat, tant en Palestine qu’en Ukraine, de cessez-le-feu durables !

7 mars 2024 at 7:20 1 commentaire

CES VOIX QUI SAUVENT L’HONNEUR DE L’EUROPE SUR GAZA

Figure intellectuelle respectée très au-delà de nos frontières, Edgar Morin dénonçait récemment « le silence du monde, le silence des Etats-Unis, protecteurs d’Israël, le silence des Etats arabes, le silence des Etats européens qui se prétendent défenseurs de la culture, de l’humanité, des droits de l’homme » face à la « tragédie horrible », au « véritable carnage massif sur les populations de Gaza », dont se rendent coupables « les décideurs de l’Etat d’Israël ». 

Comment ne pas partager l’indignation de l’emblématique sociologue devant le silence assourdissant de nombre de représentants de la « communauté internationale » ! Le cas des Chefs d’Etat ou de gouvernement occidentaux est d’autant plus révoltant qu’il illustre l’étendue de leur partialité dans le traitement des crimes de guerre contre des populations civiles , selon que les criminels sévissent en Ukraine ou en Palestine.

Quelques voix se distinguent dans ce mutisme honteux. C’est le cas de la vice-présidente du gouvernement espagnol et cheffe de file du mouvement de gauche Sumar, la communiste Yolanda Diaz. Elle dénonçait encore, il y a peu, « l’hypocrisie internationale » sur le Proche-Orient , révélant que le gouvernement espagnol « dialoguait » depuis quelques temps avec les États membres de l’Union européenne pour « aller de l’avant » sur l’enjeu-clé de « l’Etat palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale », et que, faute de consensus, « l’Espagne prendrait ses propres décisions ». Est-ce cette initiative qui décida enfin Emmanuel Macron à déclarer, fût-ce, comme à son habitude, de façon alambiquée, que « la reconnaissance d’un État palestinien n’est pas un tabou pour la France » ? 

D’autres voix qui tranchent avec l’inertie ambiante face à la sauvagerie quotidiennement à l’œuvre à Gaza émanent de nos amis du Sinn Fein d’Irlande. Il s’agit de celle de la nouvelle Première Ministre d’Irlande du Nord, Michelle O’Neill, exigeant, en plus du cessez-le-feu et de la libération des otages, le lancement d’un authentique processus de constitution d’un État palestinien. Et également de celle de la Présidente du Sinn Fein, Mary Lou Mc Donald -qui fut, naguère, membre de notre groupe de la gauche au Parlement européen- exhortant le gouvernement de la République d’Irlande à saisir la Cour pénale internationale du cas des responsables de la guerre que mène Israël à Gaza. 

On peut éventuellement encore citer le cas de la Ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, exprimant au moins sa « ferme condamnation » de la destruction -« absolument inacceptable »- par l’armée israélienne des bureaux d’une agence belge de développement installée de longue date à Gaza, contrairement à d’autres pays, qui se taisent même quand l’armée de l’occupant détruit des infrastructures qu’ils ont financées…

Merci à ces responsables politiques, dignes de leur fonction. Ils sauvent l’honneur de l’Europe. L’Histoire retiendra qu’après près de cinq mois de cette « tragédie horrible », elles faisaient partie de la poignée de dirigeants refusant l’inacceptable.

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JE VEUX RENDRE HOMMAGE À MICHEL MULLER, À SON TALENT DE JOURNALISTE, SA RECTITUDE  ET SON HUMANITÉ .

22 février 2024 at 4:33 Laisser un commentaire

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