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LIBYE : L’UE FACE A LA MENACE D’UNE « SECONDE SYRIE »

« L’ingérence extérieure persistante nourrit la crise »; « Une cessation immédiate des hostilités est cruciale »; « La décision turque d’intervenir avec des troupes en Libye accroît nos inquiétudes sur la situation. Nous la rejetons. » On ne peut que souscrire aux paroles des cinq représentants de l’Union européenne qui s’exprimaient en ces termes  le 7 janvier dernier, à Bruxelles. Une réunion d’urgence venait d’avoir lieu, consacrée au dangereux chaos libyen, qu’une intervention militaire turque menaçait de transformer en « prochain champ de bataille entre Turquie et Russie » sinon en « seconde Syrie » (1) en  raison de leurs intérêts économiques et stratégiques divergents dans la région. Mais qui étaient, au fait, ces cinq apôtres de la non ingérence en Libye ? Outre Josep Borrell, le nouveau responsable de la diplomatie de l’UE, il s’agissait des ministres des Affaires étrangères de quatre pays : la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Allemagne. Arrêtons-nous sur le rapport à la Libye de chacun de ces pays.

La France, tout d’abord. Impossible de laisser tomber dans l’oubli la responsabilité historique de l’un de ses anciens Présidents, Nicolas Sarkozy, qui, inspiré par l’illustre  maître à penser ès droits de l’homme, Bernard-Henri Lévy, a pris l’initiative de la guerre, censée apporter « la paix », « la liberté » et « le progrès économique » au peuple libyen en 2011. Avec le concours de  l’OTAN, il a livré un pays privé de toute structure étatique aux factions rivales et à leurs parrains. Neuf années plus tard, deux forces militaires s’y affrontent toujours. L’une relève d’un gouvernement peu représentatif bien que reconnu par l’ONU et soutenue par le Qatar et par la Turquie, décidée à contrôler les gisements de gaz naturel en Méditerranée orientale. L’autre est aux ordres d’un « homme fort » sans légitimité autre que celle du rapport de force, le Maréchal Haftar, allié à l’Egypte et aux Émirats arabes unis, loué par Donald Trump, aidé par des mercenaires russes …et appuyé de longue date par Paris, qui, en plus de compter sur lui pour juguler les flux migratoires vers l’Europe, est alléché comme les autres par l’odeur du pétrole libyen.

La Grande-Bretagne, ensuite, dont on rappellera qu’elle seconda la France dans son aventure de 2011…L’Italie, enfin, qui, comme ancienne puissance coloniale, n’entend pas renoncer à sa part du gâteau au profit de la France. Reste l’Allemagne, qui est peut-être en passe de récolter les fruits de son refus de s’ingérer comme ses voisins dans les affaires de la Libye. « Ce pays n’a pas d’accointance avec toutes les parties libyennes. Il s’est même abstenu lors du vote de la Motion de mars 2011, autorisant l’utilisation de la violence contre les forces de Kadhafi. Cette neutralité serait positive pour tranquilliser tous les intervenants, locaux et internationaux » déclarait récemment le Chef de la Mission d’appui des Nations Unies pour la Libye, Ghassen Salamé (2). Aussi a-t-il choisi Berlin pour la tenue prochaine d’une Conférence internationale pour la recherche d’une issue à la guerre qui déchire la Libye depuis neuf ans. Une leçon à méditer.

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(1) La première expression est celle du grand quotidien espagnol « El Païs »; la seconde celle de la radio allemande « Deutsche Welle ».
(2) Interview à la chaîne « Libya 218 » (cité par « El Wattan »du 2/11/2019)

17 janvier 2020 at 7:06 Laisser un commentaire

UE-TURQUIE : LE SILENCE, PRIX DU PACTE AVEC LE DIABLE

Le 24 juin prochain auront lieu des élections présidentielles ainsi que legislatives anticipées en Turquie, les troisièmes en trois ans ! Ainsi en a décidé le dictateur mégalomane Erdogan. Celles de juin 2015 avait provoqué un retentissant coup de tonnerre : le HDP, parti progressiste alors dirigé par Sélahattin Demirtas , qui avait mené une campagne très novatrice, fondée non seulement sur la défense des droits du peuple kurde, mais sur ceux de toutes les minorités, sur l’égalité des genres et sur les valeurs démocratiques en général, obtint 80 élus et empêcha le Chef de l’Etat d’accomplir son rêve de domination absolue en le privant -une première !- de la majorité absolue nécessaire pour changer la Constitution et octroyer les pleins pouvoirs au Président.

Fou-furieux de cet échec, Erdogan convoque alors de nouvelles élections pour le 1er novembre de la même année. La vague de répression contre les Kurdes et les forces de progrès commence aussitôt. Sous couvert de « lutte contre le terrorisme » (le PKK), il organise un déluge de feu sur les villes kurdes . Des arrestations de masse sont opérées. Après avoir, plusieurs mois durant, chauffé à blanc le nationalisme turc en sa faveur, le maître d’Ankara arrache cette fois la majorité absolue. Quelques mois plus tard, la tentative de coup d’Etat de juillet 2016 lui offrira le prétexte rêvé pour se lancer dans de gigantesques purges muselant toute forme d’expression hostile à ses pleins-pouvoirs. Demirtas -pourtant bête noire des généraux putschistes- est emprisonné en même temps que la co-présidente du HDP et de nombreux élus et militants de ce parti . L’état d’urgence est indéfiniment prolongé. En mars 2018, l’armée turque envahit le nord de la Syrie et livre la ville kurde d’Afrin aux djihadistes et aux pillards.

C’est dans ce contexte d’hystérie répressive  et de guerre anti-kurdes qu’est prévu un troisième scrutin ! Une nouvelle loi électorale, très controversée car elle facilitera d’éventuelles fraudes de la part des autorités, est promulguée un mois avant l’annonce des nouvelles élections. Erdogan sent qu’il a besoin d’asseoir sa dictature et veut faire une démonstration de force.

L’Union européenne, si prompte à sanctionner la Russie, assiste en spectatrice à l’écrasement des libertés en Turquie  comme à l’agression militaire contre les Kurdes de Syrie, hier salués pour leur engagement exemplaire de courage et d’efficacité contre Daech. Elle laisse même, sans réagir, Erdogan faire campagne sur le thème de « l’objectif stratégique » que représenterait à ses yeux l’adhésion à l’UE ! Certes, le rapport annuel sur la Turquie publié par la Commission européenne dans le cadre de ces négociations (évidemment au point mort) , rappelle la répression en cours, mais ses réactions restent fort mesurées et purement verbales. C’est que le marché honteux conclu entre l’UE et Erdogan début 2016 de rétention des réfugiés (contre six milliards d’euros) offre à Erdogan le statut confortable de maître-chanteur. Le silence de l’UE est le prix du pacte avec le diable.

31 mai 2018 at 2:33 Laisser un commentaire

600 PALESTINIENS DU MONDE ENTIER RÉUNIS A RAMALLAH

Ils sont venus des pays de tout le Proche-Orient, du Golfe persique, du Maghreb, des Etats-Unis, d’Amérique latine ou d’Europe : plus de 600 représentants de communautés palestiniennes des territoires occupés et de la nombreuse diaspora (2/3 des 12 millions de Palestiniens officiellement recensés) se sont retrouvés du 30 avril au 2 mai derniers, à Ramallah, près de Jérusalem. Ensemble, ils composent le Conseil National Palestinien (CNP) , sorte de Parlement de l’Organisation de Libération de la Palestine , qui tenait sa première session ordinaire depuis…22 ans ! Outre le nécessaire renouvellement des instances dirigeantes du mouvement, l’évolution dramatique de la situation sur le terrain justifiaient amplement cette convocation.

Une grande partie du discours-fleuve d’ouverture du Président Mahmoud Abbas retraçait l’histoire de la Palestine , non sans quelques digressions surprenantes, confuses et choquantes (1). Mais l’essentiel était ailleurs. D’abord dans l’évocation des relations avec le Hamas (qui a boycotté la réunion) , très tendues, le mouvement islamiste majoritaire à Gaza refusant le contrôle de l’Autorité palestinienne, en particulier sur le plan de la sécurité du territoire. Ensuite dans la réaffirmation de l’attachement à la « solution à deux Etats » (israélien et palestinien), sur la base des résolutions des Nations-Unies : frontières d’avant les annexions de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale de l’Etat palestinien.

L’autre intérêt de cette impressionnante réunion était la présence massive d’invités du monde entier (plus de 1500) dont certains ont pu s’adresser à toute l’assemblée . Parmi eux, les représentants de la Ligue des Etats arabes, de la Chine et de la Russie qui ont tous délivré un message de solidarité très clair aux Palestiniens -ce qui, dans le contexte de la désastreuse initiative de Donald Trump sur Jérusalem, est loin d’être négligeable. Remarquable aussi, le chaleureux et combatif témoignage du Président du troisième groupe politique …de la Knesset, le Parlement israélien ! En effet, depuis 2015, l’accord conclu entre le Hadash (alliance de gauche dominée par le Parti communiste israélien) et le « Mouvement arabe pour le renouveau » a , paradoxalement, assuré aux forces progressistes un poids inédit dans l’un des plus réactionnaires parlements israéliens depuis la création du pays. Enfin, plusieurs Européens se sont également relayés à la tribune, dont un dirigeant du Sinn Fein irlandais, une parlementaire de Syrisa de Grèce ainsi que votre serviteur , représentant le Secrétaire national du Parti communiste français, Pierre Laurent.

Quelles attentes vis-à-vis de l’Union européenne se dégagent-elles principalement des nombreuses rencontres occasionnées par cet important rendez-vous palestinien ? Dans le moment présent, elles peuvent se résumer ainsi : la reconnaissance immédiate de l’Etat palestinien (même si l’unanimité des « 28 » ne peut être acquise, comme l’UE a su le faire dans le cas de la reconnaissance du Kosovo malgré l’opposition de plusieurs Etats membres); la reconnaissance explicite de Jérusalem-Est comme capitale de cet Etat; enfin sinon surtout la fin de l’impunité des dirigeants israéliens. L’UE n’a accepté ni l’annexion du Koweit par l’Irak ni celle de la Crimée par la Russie : elle ne peut consentir à l’annexion de Jérusalem par Israël !

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(1) Ainsi du passage sur « l’origine de la haine des juifs » à situer dans « leur fonction dans la société » comme « l’usure, la banque etc » , qui occasionna en outre une confusion de l’orateur entre Joseph Staline et … Karl Marx.

10 mai 2018 at 10:42 Laisser un commentaire

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