Archive for avril, 2016
PEUT-ON HUMANISER LA MONDIALISATION ?
« La mondialisation sera ce que nous en ferons » a l’habitude de dire Bertrand Badie. De fait, les fléaux qui empoisonnent l’humanité et la planète elle-même aujourd’hui n’ont rien de « naturel » . Ils sont les fruits de décisions politiques très concrètes mises en oeuvre par le biais d’instruments conçus à cette fin. Et l’Union européenne n’est pas le moindre des acteurs de cette mondialisation-là . Aussi, le combat pour changer l’Europe doit-il nécessairement porter également sur son action extérieure dans toutes ses dimensions. L’une des raisons d’être d’une construction européenne refondée serait précisément qu’elle use de son poids et de son influence pour agir avec les nombreux alliés potentiels qui n’attendent que cela, en particulier dans les pays du sud et parmi les pays dits émergents, pour démocratiser et humaniser la mondialisation. Nous tenterons d’illustrer dans la prochaine période , par des exemples tirés de l’actualité, les contours possibles de ces nouvelles ambitions de politique internationale pour une « autre Europe ».
Alors, qu’attendre de l’UE sous ce rapport ? Qu’elle réponde à l’appel aux dons ? Oui, bien sûr. Elle le fait d’ailleurs, même si les 140 millions d’euros annoncés représentent à peine 10% de ce que demande la seule Ethiopie . Mais surtout, c’est un vrai partenariat pour le co-développement humain durable entre l’Europe et l’Afrique qui fait défaut . Au lieu de nourrir le mythe cynique de « l’eldorado africain » -tablant sur les profits à tirer dans 20 ans des 15% de « classes moyennes solvables » dont rêvent les « investisseurs » occidentaux- , l’Europe aurait tout à gagner à engager une saine coopération -en matière de formation, de développement agricole et agro-industriel, de construction d’infrastructures, de transfert de technologies adaptées, d’accès au crédit, ainsi qu’ un dialogue politique respectueux des souverainetés afin d’aider ces pays à se donner les moyens de répondre aux frustrations explosives des centaines de millions de laissés-pour-compte de ce continent jeune , à la créativité potentiellement très prometteuse. L’enjeu est de taille : l’Afrique représentera le quart de l’humanité dans quinze ans ! Il est dans l’intérêt de tous -à commencer par celui de ses voisins européens- qu’elle puisse offrir à ses sociétés un vrai contrat social et des institutions légitimes dans lesquelles ses peuples puissent se reconnaître et épanouir leurs capacités. Quel réseau d’amitiés, de coopérations et d’influence incomparable cette relation nouvelle permettrait-elle de faire émerger ! Un rêve ? Non : un projet !
SUR LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE, LE DÉBAT EST LANCÉ !
La Banque centrale européenne ( BCE ) est l’une des institutions européennes les plus puissantes , puisqu’elle est maîtresse de la politique monétaire de toute la zone euro , soit 19 pays. C’est elle qui , en particulier, fixe les taux d’intérêt, autrement dit le loyer de l’argent , pour les quelque 6000 banques de la zone euro . Et surtout, elle dispose du pouvoir extraordinaire de créer de la monnaie à partir de rien et en quantité quasi illimitée ! Or, malgré ces prérogatives de portée considérable -ou plutôt à cause d’elles !- , les traités européens interdisent à tout pouvoir politique de lui donner des instructions . Et s’il en est ainsi, c’est que les dirigeants allemands l’ont exigé dès sa création il y a plus de vingt ans . Ils ont toujours justifié ce déni de démocratie et de souveraineté par leur crainte de voir les gouvernements exercer des pressions sur la BCE en fonction de leurs intérêts électoraux.
Or, voilà que l’ineffable Wolfgang Schäuble , grand argentier du gouvernement Merkel , brise lui-même le tabou de la sacro-sainte « indépendance » de la BCE en accusant publiquement son Président , Mario Draghi , de ruiner les épargnants allemands en pratiquant des taux d’intérêt trop bas, et, ainsi, de favoriser la montée du nouveau parti d’extrême droite outre-Rhin . En sortant ainsi du bois, le bouillant ministre allemand vient de faire un aveu de taille. Oui, la politique monétaire européenne, ça se discute ! Que chacun en prenne de la graine ! Le débat sur la BCE et sur le bon usage de l’argent qu’elle crée doit être ouvert au niveau des gouvernements et surtout parmi les citoyens eux-mêmes , dans chacune de nos sociétés !
Un seul exemple -mais quel enjeu !- : la BCE crée actuellement chaque mois…80 milliards d’euros et les prête aux banques GRATUITEMENT ! Et ce sans condition quant à l’utilisation de cette manne. Or, la preuve est largement faite : les banques n’utilisent l’essentiel de ces sommes pharaoniques ni pour soutenir la création d’emplois ni pour faciliter les investissements productifs. Elles privilégient avant tout les placements financiers, bien plus lucratifs. Si, comme le demandent notamment les communistes, cet argent allait directement aux Etats membres, mais à la condition expresse qu’il serve à financer des projets de nature à favoriser le développement social, la transition écologique, les services publics, bref : la création de richesses utiles à la société et à la coopération internationale, cela changerait profondément la donne .
On nous objectera que les traités européens interdisent à la BCE de financer les Etats. Cet argument ne tient pas . Il est possible -même dans le cadre institutionnel actuel- de créer un « Fonds européen de développement social et environnemental » ( une sorte de Banque publique a but non lucratif, gérée démocratiquement ). Même les traités actuels permettent à la BCE de refinancer un tel Fonds au même titre qu’elle le fait avec les banques traditionnelles. La mission de ce Fonds serait de sélectionner, parmi les projets qui lui seraient soumis par les pays membres, ceux répondant aux critères évoqués ci-dessus et d’orienter vers eux une partie de l’argent crée par la BCE. Aucun obstacle juridique ne s’oppose à cette réalisation : c’est une affaire de rapports de force politique. Or , l’on sait depuis Marx qu’ « une idée qui s’empare des masses devient une force matérielle ». Aussi, la seule question est : Peut-on faire de cette proposition , simple mais révolutionnaire, une revendication populaire ? Dans le contexte que nous connaissons, où tant de citoyens sont à la recherche de pistes alternatives, quel gâchis cela serait-il de ne pas essayer !
« SECRETS DES AFFAIRES » CONTRE LANCEURS D’ALERTE.
Ce 14 avril, le Parlement européen doit adopter, amender ou rejeter le projet de directive « sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites »…plus connue sous le titre de « Secrets des affaires ».
En lançant , il y a plus d’un an, ce texte, la Commission européenne avait dit vouloir simplement protéger « la confidentialité » , qualifiée d’ « outil de compétitivité » des entreprises. En fait, le projet de directive « menace directement le travail des journalistes et de leurs sources, les lanceurs d’alerte, les syndicalistes, la liberté d’expression des salariés et nos droits d’accéder à des informations d’intérêt public -par exemple sur les médicaments, les pesticides, les émissions des véhicules, etc… » alerte une coalition européenne d’associations, de syndicats, de scientifiques et de lanceurs d’alerte (1) .
(2) Sophie Binet, Secrétaire générale adjointe de l’UGICT-CGT
(2) Patrick Kamenka, ancien dirigeant du Syndicat national des journalistes CGT
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