Archive for septembre, 2023

CE QUE L’AFFAIRE DU GLYPHOSATE NOUS DIT DE L’EUROPE 

La scandaleuse décision de la Commission européenne de proposer la prolongation de l’autorisation du Glyphosate pour une durée de 10 ans confirme de façon spectaculaire un triple dysfonctionnement des institutions européennes qui n’est plus tolérable.

La première anomalie -très grave !- réside dans la façon dont l’Union européenne évalue la dangerosité potentielle d’un produit -en l’occurrence les effets de l’herbicide le plus utilisé au monde sur la santé humaine. La réglementation européenne actuelle prévoit, en effet, que les seules expertises à retenir soient celles fournies par  les industriels eux-mêmes, à partir de leurs propres tests, dont les détails sont tenus secrets par souci de protection de leur « propriété intellectuelle ». C’est pourquoi le Centre international de recherche du cancer, créé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a beau qualifier depuis 2015 le Glyphosate de « cancérogène probable », en se fondant sur les études de la communauté scientifique mondiale, l’exécutif européen ne se réfère qu’à ses propres agences, qui, elles, disent ne pas avoir « identifié de domaine critique de préoccupation ». Ajoutons que le groupe américain à l’origine du produit si contesté -Monsanto, racheté en 2018 pour 56 milliards de dollars par l’Allemand Bayer- avait été pris en flagrant délit de tricherie   -la firme avait rémunéré des scientifiques pour qu’ils valident une étude favorable à ses  thèses-  et de dissimulation d’informations sensibles ! 

Deuxième dérèglement inacceptable : la Commission européenne viole, dans l’affaire du Glyphosate comme dans le domaine des pesticides en général, l’esprit voire la lettre des lois européennes. C’est notamment le cas de la règle dite du « principe de précaution » (article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union). Ce principe « permet d’empêcher la distribution ou même de retirer du marché des produits susceptibles d’être dangereux » expliquait la Commission européenne elle-même dans une communication du 30/11/2016. Or, des responsables de la Commission « ont reconnu que l’analyse de l’Autorité européenne de sécurité des aliments  (la fameuse EFSA qui conteste la caractère cancérogène du Glyphosate) comportait des lacunes dans les données et n’avait pas permis de tirer des conclusions sur certains aspects, notamment en ce qui concerne l’alimentation des consommateurs » (Euronews, 20/9/2023). Voilà une situation typique où le principe de précaution doit s’appliquer. 

Le troisième problème que révèle ce scandale a trait au fonctionnement des institutions européennes. Ainsi, le Parlement européen -seule instance élue- avait insisté en octobre 2017 pour que l’utilisation de ce produit soit strictement interdite avant le 15 décembre 2022 et que des restrictions soient appliquées immédiatement. Si les députés européens n’ont pas pu empêcher une première prolongation du glyphosate pour un an et s’ils ne peuvent s’opposer au projet de la Commission de le ré-autoriser pour 10 ans de plus, c’est que les règles actuelles de l’UE confient aux seuls États membres le droit d’en décider (en octobre ou novembre prochains) Et s’ils ne peuvent trouver d’accord entre eux, le dernier mot reviendra à…la Commission elle-même ! Changer ces règles perverses, voilà encore un (triple) combat à inscrire à l’agenda des batailles européennes à venir.

28 septembre 2023 at 4:05 Laisser un commentaire

UKRAINE : UNE PAIX NÉGOCIÉE EST-ELLE POSSIBLE ?

 La guerre en Ukraine « se prolongera en 2024, voire 2025 » a estimé le général Jacques Langlade de Montgros, responsable de la direction du renseignement militaire français. Sceptique dès le mois de juillet dernier quant aux effets de la « contre-offensive  » ukrainienne, il a averti que « ce conflit est une guerre d’usure s’inscrivant résolument dans le temps ». Les dirigeants européens semblent avoir intégré cette perspective dans leur stratégie. Leur seul espoir est de réduire cette durée en livrant à Kiev des armements toujours plus  « performants » et des munitions en quantité toujours accrue, autrement dit en intensifiant l’escalade militaire jusqu’à  -escomptent-ils-  faire capituler l’ennemi. 

Le problème est que ce pari, lancé il y a…17 mois, s’est traduit jusqu’ici, non par un rapprochement de l’issue de la guerre mais par son éloignement. Lorsqu’il s’écria, le 25 avril 2022, (avec un lapsus révélateur) :  « Nous croyons que nous pouvons gagner cette guerre… », puis, se reprenant : « nous croyons qu’ils peuvent gagner cette guerre,… s’ils ont les bons équipements », le ministre américain de la défense, le  général Austin, avait-il envisagé  que 500 jours, 500 000 victimes et 150 milliards de dollars d’ « équipements » plus tard, aucun des deux belligérants ne semble  près de « gagner » ? Où faudrait-il fixer la limite de cette fuite en avant ? Faute de « victoire » décisive et de reconquête de « tous les territoires occupés », au bout de quelle durée de combats  meurtriers , de quel nombre de morts et de blessés, de quels seuils de l’escalade des armements, acceptera-t-on de considérer que cette stratégie est une impasse ?  A partir de quel type d’incident admettra-y-on qu’il est temps de dire STOP, avant que ne se produise, par exemple en Crimée de la part des Ukrainiens ou dans une zone frontalière d’un pays membre de l’OTAN de la part des Russes, le « dérapage » de trop ?Il est déplorable qu’aucun dirigeant européen -y compris français- n’ose déclarer ce que le Chef d’état-major des armées des Etats-Unis, le général Milley, l’officier le plus haut gradé du pays, 

 lui-même, avait affirmé dès novembre dernier, quitte à contredire son ministre et son Président : « Il peut y avoir une solution politique où, politiquement, les Russes se retirent, c’est possible » ! Comment faire pour tenter cette chance ? Voilà la question que les dirigeants occidentaux devraient se poser. La ministre française des Affaires étrangères, Madame Colona, a fait mine d’y répondre en demandant naïvement à son homologue chinois de « convaincre Poutine de retirer ses troupes d’Ukraine »…Ce n’est évidemment pas ainsi que la paix peut advenir.

 Pour que les nombreux pays du « Sud global » qui se sont dits prêts à user de leur influence pour travailler à une solution politique du conflit -Chine, Inde, Brésil, Indonésie, Union africaine, Arabie saoudite, Turquie…- puissent faire pression efficacement sur la Russie, encore faut-il que les pays occidentaux acceptent de répondre à l’aspiration légitime, non pas de Poutine, mais du peuple russe tout entier : bénéficier de garanties de sécurité à ses frontières, ce qui pose la question cruciale de l’OTAN, en particulier en Ukraine. Respect de la souveraineté de l’Ukraine et garanties de sécurité pour tous les pays de la région, y compris la Russie: voilà deux principes-clés d’une solution politique. Vivement un cessez-le-feu -sans entériner les conquêtes territoriales russes- pour arrêter le massacre et ouvrir enfin, par les négociations, l’espoir d’une paix durable !

21 septembre 2023 at 6:13 Laisser un commentaire

UKRAINE : DES « DÉRAPAGES » DE PLUS EN PLUS INQUIÉTANTS 

Après 17 mois d’agressions russes et de ripostes ukrainiennes, toutes les limites imaginables de cette guerre sont régulièrement franchies, qu’il s’agisse du nombre ahurissant de victimes ou de la nature, de plus en plus barbare, des armements engagés, de part et d’autre. Or, loin d’avoir ouvert la voie à une issue du conflit, cette hécatombe  humaine et cette escalade militaire mettent chaque jour un peu plus, le monde -et en premier lieu l’Europe- à la merci d’un dérapage. Plusieurs faits récents sont venus nous rappeler la réalité de cette menace.

On se souvient du cas de ce missile « de fabrication russe » qui avait frappé un village de l’est de la Pologne, près de la frontière ukrainienne, provoquant la mort de deux personnes, le 15 novembre dernier. S’il s’était agi d’une provocation russe,  la Pologne étant membre de l’OTAN, les autres États membres auraient été tenus, en vertu du fameux article 5 du traité de l’Alliance atlantique, de lui porter secours : autrement dit, de s’engager dans une guerre contre l’une des deux principales puissances nucléaires du globe. C’est en pleine connaissance de cet enjeu stratégique capital que Volodymir Zelensky avait d’emblée accusé Moscou d’avoir délibérément commis ce forfait pour « adresser un message au sommet du G20 » (les 20 principales puissances du monde) , alors réuni à Bali. L’enquête avait finalement établi que l’explosion provenait des « systèmes de défense anti-aérien ukrainiens », ce que Kiev mit beaucoup de temps à admettre. Nous sommes passés tout près d’une situation critique.

Un incident semblable vient à nouveau de se produire, le 4 septembre en Roumanie, à quelques km de la frontière avec l’Ukraine. Cette fois, ce sont des débris d’un drone russe qui étaient retombés sur le sol d’ « un pays allié de l’OTAN, bénéficiant (à ce titre) de garanties de sécurité très importantes », comme le rappela le Président de ce pays, mais il n’y eut pas de victime et le caractère accidentel de l’incident fut reconnu. Seconde alerte.

Quant à la stupéfiante révélation du milliardaire américain, Elon Musk, elle fait franchement froid dans le dos ! En tant que propriétaire d’une constellation de satellites couvrant une cinquantaine de pays (!), il affirme avoir été, il y a un an, sollicité par le gouvernement ukrainien, pour qu’il permette le guidage de drones bourrés d’explosifs afin de « couler la majeure partie de la flotte russe », stationnée dans le port de Sébastopol, en Crimée ! Lui qui avait déployé la couverture internet de « sa » société SpaceX au profit de l’Ukraine auparavant, refusa cette fois-là . Un magnat à l’égo dangereusement surdimensionné peut donc seul, selon son humeur, décider de favoriser ou non des opérations militaires, le cas échéant aux conséquences  incalculables ! 

Aucun doute : la responsabilité première de ces situations redoutables incombe au Kremlin. Sans son inexcusable guerre , point de risque de dérapage ! Leur rappel vise, non à relativiser l’ineffaçable faute de Vladimir Poutine, mais à souligner combien la poursuite d’un tel engrenage militaire conduit quasi-inévitablement à une perte de maîtrise des conséquences des actes de protagonistes manifestement désemparés. Ce conflit doit s’arrêter ! Non pour entériner les gains territoriaux russes, mais pour ouvrir la voie à un règlement politique global du conflit dans le cadre d’une reconstruction de l’architecture de sécurité du continent européen.

20 septembre 2023 at 2:01 Laisser un commentaire

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