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QUEL BUT POURSUIT MACRON DANS LES PAYS BALTES ?

« Nous sommes en Europe, et la Russie aussi. Et si nous ne savons pas, à un moment donné, faire quelque chose d’utile avec la Russie, nous resterons avec une tension profondément stérile. Je pense qu’il nous faut construire une nouvelle architecture de confiance et de sécurité en Europe ». Pour avoir, en août 2019, prononcé ces paroles -en l’occurrence de bon sens- devant nos ambassadeurs réunis à Paris, Emmanuel Macron avait suscité un tollé parmi nos « alliés » de l’OTAN comme de la part de maints observateurs bien en cour, en France même. Il ne s’agissait pourtant pas d’un satisfecit adressé au Kremlin, mais simplement de la réaffirmation du besoin d’une sécurité collective englobant les deux grands ensembles du continent européen : l’UE et la Russie, quoiqu’on pense de la politique menée par ses dirigeants. Au début de l’été dernier, recevant Vladimir Poutine au Fort de Brégançon, le Président français confirmait son idée, précisant : « je voyagerai bientôt en Russie ». On attendait la suite.
Et voilà que le Chef de l’Etat se rend , il y a quelques jours…en Lituanie et en Lettonie, deux pays de l’Union européenne dont les dirigeants sont connus pour leur hostilité à l’égard de la Russie et, à l’inverse, leur engouement pour les Etats-Unis et l’OTAN. Pourquoi cette initiative maintenant ? Ne risquait-t-elle pas de torpiller par avance son projet d’en finir avec « une tension profondément stérile » avec Moscou ? Quels sont, en effet, les deux moments-clés de ce périple, retenus par les observateurs ? D’une part, la rencontre du Président français avec l’opposante biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa, actuellement réfugiée à Vilnius. De l’autre, le salut apporté aux 300 militaires français déployés en Lituanie dans le cadre de la « mission Lynx »de l’OTAN. Dans le premier cas, il savait qu’il allait froisser Moscou, mais, a-t-il précisé, cette rencontre s’inscrit dans la recherche d’un règlement pacifique de la crise biélorusse. Il a évoqué à ce propos une médiation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ajoutant : « le Président Poutine est d’accord. Il reste à convaincre le Président (biélorusse) Loukatchenko ». À suivre, donc.
En revanche, la mise en exergue de la présence des forces de l’OTAN -dont l’armée de l’air française- dans les pays baltes constitue un acte politique singulièrement incohérent avec la volonté affirmée de travailler avec la Russie à « une nouvelle architecture de confiance et de sécurité » ! Chacun sait ce que représentent pour Moscou le déploiement , sous le contrôle des Etats-Unis et de leurs alliés, de 4500 militaires d’une vingtaine de pays à ses frontières et les manœuvres de grande ampleur auxquelles ils se livrent régulièrement. Quel but le Président français a-t-il poursuivi en honorant solennellement ce qui représente pour Moscou la pire des provocations ? Espérons qu’en donnant ainsi des gages à ses partenaires atlantistes, Emmanuel Macron n’ait pas gâché les chances d’un projet qui s’annonçait, pour une fois, prometteur.
RUSSIE-UKRAINE : QUELLE ISSUE ?
Cela va faire cinq ans que dure et s’enkyste le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Après la crise de la place Maïdan, les affrontements meurtriers du Dombass, l’annexion de la Crimée, voici l’incident naval dit « de la mer d’Azov ». À chaque fois, Kiev et Moscou se rejettent mutuellement la responsabilité de la brusque dégradation de la situation. Et à chaque fois, les dirigeants de l’UE , parallèlement à leurs homologues des Etats-Unis et de l’OTAN, désignent les bons et les méchants, prodiguent des leçons de morale, voire infligent des sanctions. Mais, évidemment, cela n’a aucune incidence sur le conflit lui-même. Celui-ci poursuit son pourrissement , jusqu’au jour où le dérapage de trop fera basculer les tensions répétées dans un embrasement aux conséquences incalculables. Cette menace est si évidente qu’il est difficile de comprendre l’obstination des dirigeants européens, et occidentaux en général, à ne pas le reconnaître : le conflit entre la Russie et l’Ukraine n’a aucune chance d’être surmonté tant qu’on ne comptera, pour y parvenir, que sur ses deux protagonistes directs , voire qu’on soufflera sur les braises de l’extérieur.
Certes, il y a eu la bonne initiative diplomatique franco-allemande de 2015 qui avait conduit aux Accords de Minsk, censés aboutir -outre le cessez-le-feu immédiat- à un retrait des armes lourdes, à une amnistie totale, à la création d’un statut spécial pour les régions de l’Est de l’Ukraine et à la restauration du contrôle par l’Ukraine de ses frontières extérieures. Mais, quoiqu’on pense de la part de responsabilité des uns et des autres en la matière, force est de constater que ces engagements n’ont pas été tenus, tandis que les risques pour la sécurité internationale -très au-delà de la région concernée- ne cessent de croître. Aussi, au risque de nous répéter, soulignons l’urgence, désormais reconnue par de nombreux experts en relations internationales, de tenir une Conférence réunissant tous les Etats du continent et se fixant pour double objectif l’examen de l’ensemble des contentieux existant ou couvant entre nos pays et l’établissement -sous l’égide des Nations-Unies- de règles communes de sécurité et de coopération à l’échelle des 51 Etats européens, sans distinction de régime.
Une référence vient à l’esprit à cet égard. Elle a marqué tout un pan de notre histoire contemporaine : c’est la Conférence d’Helsinki, qui a réuni de 1973 à 1975, donc en pleine guerre froide, les Etats d’un continent pourtant coupé en deux camps antagoniques. Comment ce qui était possible dans ces conditions ne le serait-il pas aujourd’hui ! L’idée d’une « Conférence paneuropéenne de sécurité et de coopération » a d’ailleurs été émise , il y a dix ans, par le Président russe de l’époque, Dmitri Medvedev. Il mettait en particulier l’accent sur un principe qui mérite effectivement d’être discuté -ce que les dirigeants de l’UE ont refusé de faire pour ne pas gêner l’élargissement de l’OTAN vers l’Est ou l’installation du « bouclier anti-missile » en Pologne et en République tchèque, cher à Washington. Ce principe est celui de « l’indivisibilité de la sécurité » : chaque État signataire d’un tel traité s’engage à ne prendre aucune mesure pour sa propre sécurité si elle contrevient à la sécurité d’un autre État signataire du traité. Voilà un débat qu’ il serait plus qu’urgent d’ouvrir ! Non seulement pour trouver une issue au conflit russo-ukrainien, mais parce qu’une paix durable sur notre continent est à ce prix.
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