Archive for février, 2017

Ce 16 février 2017, au Palais de Justice de Dijarbakir, « capitale » de la région kurde de Turquie, la police est partout. C’est qu’on s’apprête à y juger une dangereuse « terroriste », Çaglar Demirel, co-présidente du groupe HDP (6 millions de voix, 3ème force politique du pays) au Parlement d’Ankara. Elle fut arrêtée en plein vote du budget, le 4 novembredernier, comme le furent 28 autres députés de son groupe, parmi lesquels les deux co-présidents du parti, Selahattin Demirtas et Figen Yuksekdag .
Une fois dans la salle d’audience, première surprise : l’accusée est absente. Elle s’exprimera par visioconférence depuis sa prison située à 1000 km de sa circonscription -histoire, sans doute, d’exercer encore un plus de pression sur le moral de la députée et de ses proches. La femme qui apparaît à l’écran n’est pourtant nullement abattue. Elle sourit, salue chaleureusement le public venu la soutenir, avant de se livrer à un véritable procès du procès qui lui est intenté . »En arrêtant en même temps de nombreux députés de mon groupe sous des accusations différentes, vous confirmez qu’il s’agit d’une décision politique » lance-t-elle en démontant un à un les « crimes » qui lui sont reprochés. Très offensive, elle énumère ensuite les véritables raisons de l’acharnement d’Erdogan contre ce parti démocratique et rassembleur: « Mon parti défend toutes les minorités, la diversité culturelle, les droits fondamentaux. Grâce à lui, c’est la première fois qu’il y a autant de femmes au Parlement ! Nous sommes accusés pour notre combat pour l’égalité ! »
Tel fut l’un des moments forts d’un périple qui, de Dijarbakir à Istambul, a permis, une semaine durant, à une délégation internationale -à laquelle j’ai eu l’honneur d’être associé- d’aller à la rencontre de nombreux acteurs et actrices de l’opposition au régime dictatorial d’Ankara : responsables politiques et syndicaux; associations de droits de l’homme; juristes; universitaires; journalistes… Cette initiative de la « Commission civique UE-Turquie » nous a également conduits à nous rendre à la prison « de haute sécurité » d’Edirne où est détenu Selahattin Demirtas -devenu la « bête noire » d’Erdogan depuis que le co-leader du HDP l’a privé (lors du scrutin législatif du 7 juin 2015) de la majorité parlementaire nécessaire pour accomplir son rêve de devenir néo-sultan tout-puissant de Turquie ! Empêché d’y parvenir par la voie électorale, le maître d’Ankara s’est engagé depuis lors dans l’impasse de la force, au mépris de toutes les règles, y compris la Constitution turque.
Les chiffres illustrant la répression récente -et toujours en cours- au nom de la lutte contre « le terrorisme » sont affolants. Et pourtant, ils ne permettent pas de mesurer l’étendue monstrueuse des massacres; des arrestations; des limogeages; des déplacements forcés; de la privation de tout revenu touchant les innombrables licenciés pour raison politique : l’opposition est totalement muselée, une « épée de Damoclès » planant au-dessus de quiconque s’aventure à contester le pouvoir. C’est dans ce contexte dramatique que doit se tenir, le 16 avril prochain, le référendum-plébiscite destiné à octroyer les pleins pouvoirs à Erdogan… On comprendra pourquoi ce qu’attendent de nous les forces démocratiques, tant kurdes que turques, ce soit autre chose que l’expression pusillanime et hypocrite des « inquiétudes » ou des « préoccupations » des dirigeants européens : ils ont un besoin vital d’une véritable et conséquente campagne de solidarité !
23 février 2017 at 12:49
Depuis quelques temps, la Grèce avait peu à peu disparu des radars. L’implacable purge imposée à son peuple meurtri et épuisé depuis plus de dix-huit mois par ses créanciers (UE et Fonds monétaire international) se poursuivait dans l’indifférence générale.
Le premier coup de gong est venu, le mois dernier, du peu reluisant mais très populaire quotidien allemand « Bild », qui a ressuscité le spectre du « Grexit », l’expulsion de la Grèce de la zone euro et sa livraison à la vindicte des marchés financiers. C’est que l’indigne Ministre des finances allemand, Wolfgang Schaüble, fort de la puissance financière de son pays, a ressorti depuis peu son arme favorite, le chantage au gel des prêts sans lesquels ce pays « sous assistance » ne peut, dans le contexte actuel, survivre : « Si la Grèce ne respecte pas ses engagements, le programme sera terminé ». La menace n’est pas qu’ignoble, elle est hypocrite. En effet, le gouvernement grec tient bel et bien les terribles « engagements » en question. Ce qu’il refuse, c’est une nouvelle surenchère austéritaire qu’on cherche à lui imposer, sur fond de divergences tactiques entre les créanciers. Récapitulons les données du problème.
D’une part, il y a les créanciers européens -avant tout les Etats membres de la zone euro, et en premier lieu l’Allemagne. Ils exigent d’Athènes de réaliser suffisamment d’ « économies » pour parvenir, dès l’an prochain, à dégager (hors charge de la dette) un excédent budgétaire équivalent à 3,5% des richesses produites. Pour donner une idée de l’énormité d’une telle exigence, précisons qu’appliquée à la France, cela voudrait dire réaliser…un surplus budgétaire de plus de 70 milliards d’euros par an !! Et comme presque tous les experts soulignent que pareil objectif est inatteignable par la Grèce, sauf à mettre la société et l’économie à genoux, Schäuble et ses disciples veulent à tout prix qu’Alexis Tsipras s’engage immédiatement à décider…en 2018 des restrictions supplémentaires s’il ne parvenait pas à satisfaire les demandes folles des créanciers européens ! C’est cela que refuse Alexis Tsipras.
D’autre part, il y a le Fonds monétaire international (FMI), l’autre grand créancier de la Grèce. A première vue, celui-ci exprime une évidence : sans un allègement substantiel de la dette grecque, celle-ci va exploser dans l’avenir, même si Athènes applique toutes les mesures drastiques qui lui étaient demandées jusqu’ici. Or, précise-t-il à ses partenaires européens, les statuts du FMI lui interdisent de financer un pays dont la dette est réputée insoutenable. Autrement dit : si vous ne réglez pas ce problème, nous nous retirons du programme . Apparemment donc, le FMI est un quasi-allié de Tsipras puisqu’il plaide pour l’annulation partielle de la dette grecque. Nouvelle hypocrisie monstrueuse ! Le FMI sait pertinemment que l’actuel gouvernement allemand refuse absolument une telle mesure, mais que celui-ci tient par-dessus tout à conserver le Fonds monétaire international dans le « pool » des créanciers de la Grèce -question de crédibilité vis-à-vis des marchés financiers. Réponse du FMI : faute d’un allègement de la dette, il faut imposer à Athènes un surcroît de restrictions budgétaires et de « réformes » pour atteindre les objectifs qui lui ont été assignés ! CQFD. D’où la réaction indignée de Tsipras et , en réplique, le chantage scandaleux du ministre allemand des finances au « Grexit ». On se croit dans un western, mais on est dans la vraie vie du capitalisme du 21ème siècle ! Il est grand temps de faire entendre bien plus haut et plus fort notre soutien résolu au peuple grec ! Et si l’on commençait par mettre les prétendants à la magistrature suprême, en France, devant leurs responsabilités ?
16 février 2017 at 7:08
Il aura fallu huit longs mois de tergiversations aux autorités britanniques, après le vote pour la sortie de l’Union européenne, pour être enfin en mesure de publier un « Livre Blanc » fixant l’esprit dans lequel le gouvernement de Theresa May entend engager la négociation avec ses 27 « partenaires ». Rappelons que ces tractations doivent débuter le mois prochain et aboutir à un accord en l’espace de deux ans dans le meilleur des cas. Bien des experts anglais estiment d’ailleurs ce délai beaucoup trop court pour démêler dans de bonnes conditions ( et pour qui ? ) l’écheveau des relations établies au fil des 44 années d’appartenance du Royaume-Uni à l’UE. Quant à l’avenir qui est censé résulter de ce divorce, personne, outre-Manche, n’en a la moindre idée. Encore faut-il avoir à l’esprit le fait qu’il s’agit, en l’occurrence, de l’Etat membre le moins intégré à l’ensemble européen : il n’a pas adopté l’euro; n’est pas associé à l’ « Espace Schengen » (suppression des contrôles aux frontières); n’est pas lié par certaines coopérations judiciaires ou policières; ne reconnaît pas la « Charte des droits fondamentaux »; n’est pas concerné par certaines législations sociales de l’UE et ne paye qu’une partie de sa contribution au budget européen ! L’on imagine ce qu’il en serait pour un pays fondateur de l’UE et membre de la zone euro. L’interdépendance est une réalité. C’est là une première leçon qui se dégage d’ores et déjà du « BREXIT »: quitter l’Union européenne est un droit pour tout pays membre, mais il faut savoir -et faire savoir- que c’est une décision très complexe et aux conséquences imprévisibles.
Mais ce sont surtout les moyens envisagés par les « Brexiteurs » pour « regagner (la) compétitivité » du pays après cette séparation qui doivent attirer notre attention. Pour le ministre des finances de Londres, la cause est entendue : il faudra baisser les impôts sur les sociétés à un niveau digne d’un paradis fiscal ! Voilà le type de chantage brandi par les négociateurs britanniques pour tenter d’arracher à l’UE « un accord de libre-échange ambitieux et global » et notamment le maintien du « passeport européen » pour les financiers de la City. La Première Ministre, quant à elle, est allé chercher le salut du Royaume-Uni, « grand pays mondial » bientôt coupé de ses plus proches partenaires, auprès de Donald Trump ! « L’ironie est que les personnes qui ont le plus souffert ces vingt-cinq dernières années en seront les premières victimes » prévient le lucide Nobel américain, Joseph Stiglitz. C’est là un deuxième enseignement du « BREXIT » : le peuple britannique n’a décidément rien de bon à attendre de « l’alternative » à l’UE qui s’annonce ! Une vérité propre à éclairer des travailleurs sensibles à la démagogie de la patronne du FN, qui partage avec son modèle Trump son admiration pour le « BREXIT »…
Un troisième signal d’alarme devrait, quant à lui, alerter quiconque, à gauche, estime exagérées les mises en garde contre le risque immense d’explosion nationaliste que comporterait, dans le contexte actuel, un éventuel éclatement de l’Union européenne : depuis le vote pour le « BREXIT », les actes racistes et les agressions xénophobes se succèdent à un rythme effrayant en Angleterre (+ 42% de plaintes dès la semaine du vote par rapport à l’année précédente !) Ce vote a littéralement libéré la haine de « l’étranger » et les bas instincts. « Cela a donné aux Britanniques une sorte de feu vert pour être racistes » avait déclaré il y a quelques mois l’un des organisateurs d’une marche de protestation (1). Décidément, pour la gauche, il n’y a pas d’échappatoire au combat pour la transformation démocratique de l’UE : la sortie de l’Union européenne n’est pas une option.
———-
(1) Le Monde 15/9/2016
9 février 2017 at 4:20
Articles précédents
Commentaires récents