Archive for décembre, 2014

LES « HONTES » DE L’ EUROPE A AFFRONTER EN 2015

wurtz-l-humanite-dimanche« L’Union européenne est submergée par une avalanche de scepticisme et de mécontentement, aussi bien parmi ses citoyens qu’à l’extérieur: tous déçus et tous critiques. Le Pape aussi ! » constate avec amertume un observateur de longue date de cette vieille construction aujourd’hui en crise existentielle. (1) Le Pape François, en effet, n’avait pas mâché ses mots dans son Discours devant l’Hémicycle de l’Assemblée de Strasbourg , il y a tout juste un mois (25/11/2014). D’abord pour fustiger le fait qu’on puisse « tolérer que la Méditerranée devienne un grand cimetière » . Il s’était déjà précédemment indigné avec force devant l’accoutumance à l’inacceptable, lors du terrible naufrage d’une embarcation de migrants venus chercher refuge en Europe, en s’écriant : »Un seul mot me vient à l’esprit: la honte ! » Mais, cette fois-ci, son interpellation des responsables européens visait plus largement à attirer l’attention sur une valeur que la Charte des Droits Fondamentaux ( intégrée dans le Traité de Lisbonne depuis 2007 et ayant en principe force juridique contraignante ) consacre comme le premier des droits : la dignité. (2) « Promouvoir la dignité de la personne -rappela François avec pertinence- signifie reconnaitre qu’elle possède des droits inaliénables dont elle ne peut être privée au gré de certains. Et encore moins au bénéfice d’intérêts économiques ».

Or, à cet égard, ce n’est plus d’une honte qu’il faut, hélas, parler dans l’Europe d’aujourd’hui, mais d’une succession de hontes. Limitons-nous en à trois illustrations particulièrement scandaleuses de cette dérive qui ont marqué 2014 et qu’il est vital d’affronter en 2015 au nom de la simple éthique humaine.

L’humiliation du peuple grec mis sous tutelle par la « troïka » (Commission européenne, Banque Centrale Européenne, Fonds Monétaire International) entre parfaitement dans cette catégorie! Et elle aborde en ce moment même une nouvelle étape. Paniqués par la perspective d’une probable victoire de nos amis de Syrisa (et de son très populaire leader, Alexis Tsipras ) en cas d’élections législatives anticipées (ce que prévoit la Constitution grecque si le Parlement ne trouve pas la majorité nécessaire à la désignation du Président du pays), Bruxelles s’agite avec son complice, l’actuel Premier Ministre de droite et docile exécutant des purges drastiques qui entrainent le pays dans une véritable descente aux enfers. « Je crois que les Grecs (…) savent parfaitement ce que de mauvais résultats électoraux signifieraient pour la Grèce et la zone euro » s’est permis de lancer à l’adresse des citoyens d’un pays souverain Jean-Claude Juncker, le nouveau patron de la Commission de Bruxelles -ajoutant qu’il préférait que des « têtes connues » accèdent à nouveau au pouvoir à Athènes ! Comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, le candidat à la présidence du pays soumis au vote des députés grecs a, lui aussi, été choisi pour être « européo-compatible » C’est …un ancien commissaire européen ! Son élection, a aussitôt précisé Bruxelles, « serait un signal fort pour l’Europe »! Ce nouveau chantage indigne, oui, c’est une honte !

Il en va de même pour le traitement des migrants : à la suite des naufrages répétés, en Méditerranée, une opération fut lancée pendant un an , qui a permis de sauver plus de 150 000 personnes en perdition. Cette opération vient d’être remplacée par un dispositif européen « plus soucieuse de protéger les frontières que les êtres humains » (Amnisty International). Encore une honte!

Enfin, comment ne pas s’indigner d’apprendre, par un rapport du Sénat américain, que 17 Etats membres de l’Union européenne ont abrité des centres de torture sous contrôle américain entre 2001 et 2008 ! La honte ! Et dire qu’au même moment, les dirigeants européens adoptaient, en 2003, de concert, une « Stratégie européenne de Sécurité » (toujours en vigueur) dans laquelle on peut lire : »Unis, l’UE et les Etats-Unis constituent une formidable force au service du Bien dans le monde »! Vous avez dit « Dignité »?

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(1) Fernando Riccardo, Directeur de l’Agence « Europe » (6/12/2014)
(2) La Grande-Bretagne, la Pologne et la République tchèque avaient demandé et obtenu , par dérogation, que cette Charte ne soit pas contraignante pour elles-mêmes…

25 décembre 2014 at 4:49 Laisser un commentaire

IL FAUT RETIRER LE PKK DE LA « LISTE NOIRE » !

wurtz-l-humanite-dimancheEn maintenant indéfiniment le « Parti des Travailleurs du Kurdistan » (PKK) sur la liste des « organisations terroristes », l’Union européenne et ses États membres veulent-ils égaler le record de bêtise des États-Unis , qui avaient conservé Nelson Mandela et l’ANC sur la funeste « liste noire » jusqu’en …2008, soit 17 ans après l’abolition de l’apartheid ? La France peut, en prenant unilatéralement la décision de mettre un terme à toute stigmatisation de ce parti kurde, rouvrir la discussion sur le plan européen au sujet de ce qu’est réellement le PKK aujourd’hui. Il serait temps! L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe -qui n’est pas, que l’on sache, peuplée de suppôts du terrorisme, mais d’élus de tous les pays du continent sur les enjeux de la démocratie et des droits humains- a adopté le 23 avril 2013 par 150 voix sur 161 (!) une résolution selon laquelle le PKK ne doit pas être considéré comme une organisation terroriste.

Pourquoi est-il totalement injustifié, voire outrageant, au regard du rôle que jouent aujourd’hui celles et ceux qui se reconnaissent dans cette organisation, de maintenir le PKK sur cette liste mortifère ? Retour sur quelques points de repères.

En 2002 -alors même que le PKK observait unilatéralement un cessez le feu depuis trois ans malgré la répression féroce que subissaient les Kurdes- le pouvoir turc a demandé à ses alliés de l’OTAN de criminaliser ce parti. Les États-Unis se sont aussitôt exécutés, suivis de l’Union européenne. Cette mesure a eu des conséquences dramatiques pour des milliers de Kurdes : en Turquie bien sûr, où le Pouvoir s’est senti légitimé dans sa répression antikurde; mais aussi dans plusieurs pays de l’UE, où nombre de militants ou de sympathisants du PKK ont subi des violations graves de leurs droits (liberté d’expression et de réunion notamment), quand ils n’ont pas connu procès, prison ou expulsion. En vain. « La liste terroriste n’a pas réussi à atteindre une quelconque réduction du terrorisme » souligne une association de juristes européens. Mais, en tout état de cause, poursuit-elle, « Lorsque les circonstances concrètes sur lesquelles ( des décisions d’interdiction) étaient basées ne sont plus valides, ces décisions doivent être annulées ».(1)

Tel est le cas du PKK. Son leader, Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 15 ans, a proclamé unilatéralement à six reprises (trois avant son incarcération, trois depuis lors) un cessez-le-feu resté sans effet sur la stratégie ultra-répressive du Pouvoir turc à l’égard du mouvement kurde. En outre, le PKK a renoncé à son objectif de créer un État kurde indépendant et a opté pour une « autonomie démocratique » dans le cadre de la Turquie. S’y ajoute , depuis l’offensive des (vrais) terroristes de Daech (« État islamique »), la résistance héroïque des combattants et des combattantes du PKK ou d’organisations proches (PYD, YPG, YPJ) d’abord dans les Monts Sinjar, en Irak, où ils ont permis de sauver 200 000 Kurdes Yézidis abandonnés de tous, puis à Kobanê, en Syrie, où ils constituent le seul rempart contre la déferlante barbare des « djihâdistes ».Les soutiens aux (vrais) terroristes sont à rechercher…à Ankara ! Le pouvoir turc a pris le parti de Daech contre le PKK, au point de laisser tuer plus de…40 (!) manifestants kurdes demandant une aide militaire pour Kobanê alors très menacée (mi-octobre dernier), puis de laisser Daech attaquer Kobanê depuis le territoire turc en vue de lui permettre de briser la résistance victorieuse des combattants kurdes dans la Syrie voisine (fin novembre dernier). Enfin, le maintien du PKK sur cette liste indigne joue dangereusement en défaveur du succès du  » processus de paix » engagé en toute discrétion depuis deux ans entre le Pouvoir Erdogan et Abdullah Öcalan -processus aujourd’hui gravement menacé. Mais ceci est un enjeu stratégique en soi sur lequel nous reviendrons dans une toute prochaine chronique.

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(1)Appel du 3/11/2014 de l’ Association Européenne des Avocats pour la Démocratie et les Droits Humains . L’ELDH (en Anglais) , organisée dans 18 pays, travaille notamment en partenariat avec l’Association Internationale des Juristes Démocrates .

18 décembre 2014 at 7:30 2 commentaires

NON À LA MARCHANDISATION DU SANG !

wurtz-l-humanite-dimancheOn en parle depuis des mois, mais, désormais la date fatidique approche : le 31 Janvier prochain, l’Etablissement Français du Sang (EFS) devra arrêter non seulement la production (C’est déjà le cas depuis le 24 octobre dernier), mais la délivrance aux patients du « plasma thérapeutique-SD » (1). On se prépare donc à ouvrir le « marché » d’un produit sanguin à la concurrence des industriels du médicament ! Rappel des faits, de leur dimension européenne et des responsabilités nationales.

« Le sang humain est une ressource rare. Elle permet de soigner plus d’un million de patients par an en France, et ce grâce au geste d’1,7 million de donneurs bénévoles ». Par ces mots, la sénatrice communiste Annie David rappelait fort justement ces données essentielles, le 14 Novembre dernier, dans le cadre du débat parlementaire sur la loi de financement de la Sécurité Sociale 2015. Son intervention concernait précisément l’article de la loi visant à changer le statut du plasma thérapeutique , en ouvrant, par là-même, la voie à sa commercialisation. Pour comprendre l’enjeu de ce changement, quelques précisions sont nécessaires. Le sang humain permet d’obtenir deux catégories de produits à finalité thérapeutique : les produits sanguins dits « labiles » (à durée de conservation très courte) et les médicaments dérivés du sang . Les premiers relèvent du monopole de l’Etablissement Français du Sang (collecte, préparation et distribution). Les seconds relèvent des établissements pharmaceutiques qui répondent aux appels d’offres des hôpitaux. Or, désormais, le plasma-SD est considéré non plus comme un produit sanguin labile mais comme un médicament. C’est en quelque sorte une privatisation du plasma thérapeutique.

Comment en est-on arrivé là ? Un groupe pharmaceutique suisse, Octapharma, pressé de faire des affaires dans les dérivés du sang sur le marché français, a saisi le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative en France, pour contester le statut protégé du plasma-SD. Puisqu’un processus industriel (le traitement au Solvant-Détergent)  intervient dans la production de ce type de plasma, celui-ci doit être considéré comme un simple médicament -argumenta le capitaliste helvétique (2) .Comme son recours était fondé sur des directives européennes, le Conseil d’Etat français s’est tourné vers la Cour de Justice de l’Union européenne. Celle-ci a répondu (le 13 mars dernier) que , dès lors qu’il est « préparé industriellement », le produit sanguin devenait « médicament ». L’obsession du « marché » et de la « concurrence » a encore frappé !

La question qui se pose est : fallait-il capituler en rase campagne devant cette injonction ultralibérale comme l’a fait le gouvernement en acceptant d’ouvrir cette brèche dans le monopole de la mission de service public de l’Etablissement Français du Sang ? La réponse est non .  Il fallait -il faut toujours !- mobiliser en France et en Europe tous les partisans (et ils sont nombreux) d’une protection absolue de tout ce qui touche au sang humain contre les lois du marché et du profit. Une directive n’est pas la fin de l’Histoire; les rapports de force, cela se construit ! Pire : Mme Marisol Touraine semble déjà céder -avant même que la question ne soit posée- un nouveau pan de terrain, celui du « don éthique » , c’est à dire le don gratuit, anonyme et bénévole du sang ! Elle invoque à ce propos une autre directive européenne qui, insiste-t-elle, « indique explicitement » que  » l’on ne peut l’imposer »! Un comble, alors que le Conseil d’Etat, dans l’arrêt sur le plasma déjà cité, précise au contraire que les principes du don éthique « devront (être) respectés »(3) . La défense du modèle de transfusion français, c’est maintenant !

———
(1) Le plasma est l’élément liquide du sang dans lequel baignent les globules rouges et les globules blancs. Le plasma-« SD » est traité au Solvant-Détergent (procédé visant à éliminer virus et autres agents infectieux). Voir notamment Jean-Pierre Basset : « La transfusion sanguine en danger » (Humanité.fr 27/10/2014) ainsi que la pétition syndicale (CGT, CFDT, FO, CGC) de l’EFS (en cours) à Mme Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé.

(2) Le groupe Octapharma a récemment perdu un consultant de luxe en la personne de José Socratès, ex-Premier Ministre portugais, aujourd’hui en prison et soupçonné de blanchiment de capitaux après avoir mené un train de vie de pacha à Paris ( Selon la « Tribune de Genève », il détiendrait 20 millions d’euros sur un compte en Suisse…).
(3) Conseil d’Etat No 349 717 (23/7/2014).

11 décembre 2014 at 8:13 2 commentaires

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