Archive for juin, 2012
CHYPRE : UNE PRESIDENCE ATYPIQUE DE L’UE
Le 1er juillet prochain,celui qui deviendra pour six mois le « Président du Conseil européen », Demetris Christofias,Chef de l’État chypriote,n’est autre que la principale figure communiste de l’île.Ce fait -inédit!- suffirait à faire de ce second semestre 2012 celui d’une présidence atypique de l’Union européenne.
De là à rêver d’une période de mutation progressiste accélérée de la construction européenne,il y a un pas qu’il serait déraisonnable de franchir.D’abord,parce que Chypre,dont le poids tant démographique qu’économique est très relatif,ne peut prétendre bousculer les rapports de force qui régissent les institutions européennes actuelles.Ensuite,du fait que ce pays souffre d’un double handicap que les plus puissants des « 27 » ne se priveront pas,le cas échéant,d’exploiter à leur profit: l’occupation de toute la partie nord de l’île par la Turquie (un Etat qui compte dans la région!) et une situation financière critique due à une très forte exposition du secteur bancaire chypriote à la dette du voisin grec.Enfin,parce que l’accès à la présidence tournante du Conseil européen n’est pas la prise du Palais d’hiver! Le pays concerné peut imprimer sa marque,pas « renverser la table ».Pour changer l’Europe,il n’y a ni miracle ni raccourci. C’est d’abord un combat politique constant des peuples et des citoyens,relayé par des élus -et si possible des gouvernements, notamment des pays les plus influents- décidés à prendre le taureau par les cornes.
Pour autant,cette « présidence chypriote » n’est pas banale et appelle toute notre attention.Voilà,en effet,un pays qui cumule plus de spécificités géographiques,culturelles,historiques et politiques que tout autre pays membre et dont le sort devrait à ce titre beaucoup plus fortement impliquer l’UE.
Qu’on en juge:c’est une île située à un jet de pierre de…Beyrouth,donc au coeur de la Méditerrannée -aujourd’hui zone de crise aigüe,mais potentiellement,demain,espace de coopération exceptionnel entre l’UE et le Moyen Orient.C’est aussi l’un des rares pays de l’UE non membres de l’OTAN dans une région où les armes s’accumulent dangereusement (y compris des éléments du « bouclier antimissile » que l’OTAN,y compris la France,vient d’approuver).
Par ailleurs,la population de Chypre est composée de communautés très diverses,en particulier gréco-chypriote et turco-chypriote: créer les conditions d’un « vivre ensemble » durable et de leur égalité de droits est une exigence fondamentale.Elle se heurte pourtant à l’obstacle crucial que l’on sait:l’île est divisée depuis 38 ans,sa partie septentrionale (où vit l’essentiel de la communauté turco-chypriote) est occupée par 40 000 soldats turcs.Ankara y entretient une « république » d’opérette qu’il est seul à reconnaitre.Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sont foulées au pied. On imagine les plaies vives que représentent les problèmes liés à cette tragédie.Un terrain fertile pour le nationalisme et le populisme,qui plus est par ces temps de crise…
Dans ce contexte,l’existence d’un parti démocratique et responsable comme AKEL (communiste),profondément ancré dans le peuple,et qui doit son autorité à son engagement constant aussi bien contre le nationalisme grec que l’occupation turque et pour la réunification de l’île,est une grande chance pour ce pays et pour l’Europe. Puisse la visibilité qu’offre cette présidence de l’UE aux enjeux chypriotes contribuer à leur solution!
« LES MAINS LIBRES » DE FRANÇOIS HOLLANDE
François Hollande devrait être comblé. Il a sa « majorité absolue » à l’Assemblée nationale.Celle qui « évite la contrainte des négociations permanentes et donne de la stabilité », comme l’avait souligné le secrétaire national aux élections du PS,Christophe Borgel.Le seul gêneur à éviter était en fait le Front de gauche,car porteur d’une autre vision de la société et tout particulièrement de l’Union européenne.Le Président de la République a donc,apparemment, »les mains libres » (du moins au Parlement) mais pour quoi faire? Pour ratifier le traité budgétaire ou pour le « renégocier »? Pour ramener à tout prix les « déficits publics » aux chiffres mythiques (et totalement arbitraires) de 3% des richesses produites en 2013 et à 0,5% en 2017,ou pour relancer prioritairement l’emploi,le développement social et la transition écologique? Pour céder des pans entiers de la souveraineté populaire à des instances européennes dominées par des libéraux inflexibles ou pour libérer l’intervention citoyenne et susciter les convergences entre peuples européens? Toutes ces questions vont se poser très concrètemenr et très vite. Certaines avant l’été.
Concernant le traité dit de « discipline budgétaire »,les deux principaux alliés sur lesquels semblait compter le nouveau locataire de l’Elysée pour gagner son « bras de fer » contre Angela Merkel étaient le chef de l’opposition social-démocrate allemande (SPD),Sigmar Gabriel -qui affirmait il y a quelques jours à Paris avoir « avec François Hollande des représentations très proches de la manière dont il faut sortir de la crise »- et le Président (libéral) du Conseil italien,Mario Monti,présenté comme le parfait « trait d’union » entre le Président français et la Chancelière allemande,puisqu’il est à la fois partisan de la discipline budgétaire chère à l’une et de la croissance dont se réclame l’autre…
La réalité s’est imposée plus rapidement que prévu.A peine rentré de Paris,le chef du SPD annonçait,samedi dernier,à Berlin…que son parti allait voter POUR le traité Merkel au Bundestag. La date de la ratification est déjà fixée au 29 juin,le jour même du Conseil européen.Quant à Mario Monti,s’il a eté jusqu’ici porté aux nues par les grands prêtres de la « rigueur » pour son soutien à la « règle d’or » (inscription de la discipline budgétaire durable dans la Constitution) et la sévère cure d’austérité infligée aux Italiens,il n’est plus en odeur de sainteté à Berlin depuis qu’il semble baisser les bras face au fiasco qui s’annonce pour l’économie de son pays: consommation en baisse,chômage en hausse,chute de la production industrielle et des rentrées fiscales,envol des taux d’intérêt de la dette…et crise politique.
A quoi risquent donc de ressembler les prochains sommets européens? François Hollande « aux mains libres » et ses « alliés » italien voire espagnol auront face à eux une Angela Merkel dont l’état d’esprit ne doit pas être très éloigné de la très symptômatique manchette de « Die Zeit » de dimanche dernier: »LE MONDE ENTIER VEUT NOTRE ARGENT »,suivie d’une mise en garde sans appel -« Sauvetage contre réforme;aide contre fermeté » (« Härte »).C’est ce que la Chancelière appelle « l’Union politique »…conçue pour regagner la confiance des marchés financiers.Pour changer l’Europe,mieux vaut décidément ne pas tenter d’éviter les mobilisations citoyennes et les convergences entre les peuples européens. Le Front de gauche a du pain sur la planche.
Le gouvernement et « l’Europe solidaire »
« La culture de la solidarité se répand dans la zone euro » s’est félicité le ministre de l’économie, Pierre Moscovici, en saluant la décision de l’Eurogroupe d’accorder une « aide » de 100 milliards d’euros à l’Espagne pour sauver ses banques. « C’est la solidarité sans austérité » a-t-il même ajouté. Le ton du PS a sensiblement changé depuis les promesses de son candidat de « réorienter l’Europe » en commençant par la « renégociation » du traité sur la discipline budgétaire! Solidaire,l’Europe de Merkel et de Draghi (BCE)? Vraiment?En vérité,la mariée est trop belle…
L’Espagne est la troisième économie de la zone euro. Elle « pèse » à elle seule le double des trois autres pays sous assistance financière (Grèce,Portugal,Irlande) réunis!Or, son secteur bancaire a accumulé 184 milliards(!) d’euros de créances vraisemblablement non recouvrables. Ces pertes représentent 60% de ses actifs. Le risque d’écroulement , avec des conséquences potentiellement ravageuses sur tout le système financier européen et au-delà, était donc pris très au sérieux.
Voilà pourquoi les dirigeants européens trépignaient d’impatience d’obtenir du Chef de gouvernement espagnol qu’il accepte de demander cette aide « solidaire »… dont il ne voulait à aucun prix. Comment comprendre que ce conservateur ,libéral à tout crin,ait tant résisté à ses amis européens avant de céder à ce que le quotidien madrilène a aussitôt qualifié de « coup dur »?
D’abord,il s’agit d’un prêt équivalant à 10% des richesses nationales.Il va donc falloir le rembourser rubis sur l’ongle .En attendant, il va alourdir d’autant la dette espagnole et,par voie de conséquence, les contraintes drastiques liées à l’obligation de réduire celle-ci dans des délais déjà intenables.Ensuite, l’Eurogroupe a,sans surprise,annoncé qu’elle « surveillerait de très près,et réguliérement,les réformes structurelles » à réaliser.Enfin, les Espagnols,pour ces raisons même, sont légitimement meurtris de devoir se soumettre à cette tutelle, eux qui subissent déjà le coût social exorbitant des précédentes « réformes » que le très dur ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble,avait lui-même qualifiées d’ « impressionnantes ».Où Pierre Moscovici voit-il se répandre une culture de solidarité dans les sphères dirigeantes européennes?
Il faut d’autant plus se poser la question qu’au même moment vient de débuter au Parlement européen et au Conseil (les représentants des 27 gouvernements) l’examen,en séance pléinière,de deux nouveaux règlements (le « two-pack ») s’ajoutant à l’imposant arsenal « austéritaire » dont la clé de voûte est le traité budgétaire. Le premier de ces textes est destiné à renforcer encore « le suivi et l’évaluation des projets budgétaires » de tous les Etats de la zone euro.Le second texte vise,quant à lui, à placer « sous surveillance poussée » les Etats qui bénéficient de ces fameuses « aides »,ainsi que ceux… »risquant de connaitre de sérieuses difficultés »-étant précisé que « l’intensité de la surveillance (…) peut aller (jusqu’) à un programme complet d’ajustement macroéconomique assortie de conditions strictes en matière de politique économique. »
On le voit, « la culture de la solidarité se répand dans la zone euro » comme une trainée de poudre! Le nouveau langage du gouvernement français sur les enjeux européens prépare-t-il un recentrage post-électoral? Il devrait en tout cas inciter quiconque attaché à la réussite du changement à faire tout le possible pour permettre au Front de Gauche d’exercer son influence vigilante et constructive tant dans les assemblées élues que dans le pays.
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