LA GAUCHE EUROPEENNE FACE A SES RESPONSABILITES
7 octobre 2010 at 8:17 Laisser un commentaire
Alors que s’amplifie en France un mouvement de grande portée contre la politique de Nicolas Sarkozy, trois caractéristiques marquantes de cette rentrée sociale et politique en Europe devraient vivement interpeler les forces de gauche sur leurs responsabilités historiques. La première est naturellement l’essor des mobilisations sociales un peu partout. L’impressionnante manifestation unitaire de Bruxelles, le 29 septembre dernier, restera, à cet égard, dans les annales: plus de 100 000 personnes issues d’une trentaine de pays de tout le continent, rassemblées autour des mêmes exigences – en fait, le cœur de la stratégie européenne actuelle -, ce n’est pas banal! Le même jour, l’Espagne connaissait sa première grève générale depuis huit ans. En Italie, au Portugal mais aussi en Roumanie, en République tchèque, en Pologne, dans les Pays baltes, des défilés souvent puissants et déterminés, complétèrent le bilan remarquable de cette belle journée. Tout au long des dernières semaines, les démonstrations de force syndicales s’étaient déjà multipliées: en France, bien sûr, ainsi qu’en Grèce, mais également outre-Rhin ou outre-Manche.
La gauche n’aurait-elle plus qu’à attendre le retour des faveurs de ces millions de personnes légitimement révoltées par des « réformes » conçues pour sacrifier leurs droits conquis de haute lutte sur l’autel des frasques du capital mondialisé? Poser la question, c’est y répondre. Or, le cas de l’Espagne de Zapatero nous rappelle que même les « ténors » du Parti socialiste européen ne se sont toujours pas résolus à rompre avec les dogmes libéraux, même après la terrible épreuve de vérité de la crise systémique de 2008 et de ses multiples répliques. Le Secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats, John Monks, pourtant lui-même travailliste, a reconnu que le gouvernement de Madrid « utilise la crise pour augmenter l’âge de départ à la retraite et changer les règles de la négociation collective ». Sa réforme du code du travail vise à flexibiliser les horaires de travail, à faciliter les licenciements, à réduire les indemnités…
Cependant -et c’est une autre caractéristique de cette rentrée, qui mérite réflexion – pour la première fois depuis la victoire de la gauche en Espagne en 2002, la proximité politique entre le gouvernement et les syndicats espagnols n’a pas permis d’éviter une grève historique – 10 millions de salariés mobilisés ! – ni des manifestations de masse: 500 000 personnes à Madrid et 400 000 à Barcelone! Cela suffira-t-il à ébranler les convictions libérales de M. Zapatero et, plus généralement, le suivisme politique des dirigeants socialistes qui, à un titre ou à un autre, contribuent à l’élaboration comme à la mise en œuvre des orientations européennes, aujourd’hui massivement rejetées? Rien n’est moins sûr. Il est pourtant plus que temps que soit mis le holà aux dérives insensées engagées en Europe au nom de la lutte contre les « déficits excessifs »!
Comment ne pas entendre le tocsin quand tous les repères sautent, que la désespérance s’installe, et qu’on voie de la Suède à la Hongrie, du Danemark aux Pays Bas, de l’Italie à la Belgique, le populisme xénophobe et l’extrême droite raciste prendre racine? Car telle est, malheureusement, une troisième caractéristique européenne actuelle. Voilà donc toutes les forces de gauche au pied du mur. Sauront-elles entendre des interpellations populaires et se rassembler pour changer vraiment la donne? Ce défi nous concerne tous et toutes. C’est LA question de cette rentrée.
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