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QUE VALENT LES PROPOSITIONS DE MACRON SUR L’EUROPE ?

L’Europe ? « A nous de la rendre plus belle » ! a lancé le Président de la République dans son discours -très médiatisé- de la Sorbonne que j’ai récemment évoqué dans ces colonnes (1). « Ayons ensemble l’audace de frayer ce chemin » ! a poursuivi le Chef de l’Etat, avant d’illustrer son ambition en la matière par une série de propositions concrètes à première vue très alléchantes. Certes, en elles-mêmes, elles ne seraient pas de nature à promouvoir « la refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique » promise par Emmanuel Macron, mais plusieurs d’entre elles seraient bienvenues. Malheureusement, à y regarder de plus près, elles en disent long sur le manque de fiabilité du personnage dès qu’il se présente comme un champion de la justice sociale et de la solidarité…Exemples.

« Ce n’est qu’avec l’Europe que nous pourrons (…) accueillir dignement ceux qui ont droit à l’asile (…) et, dans le même temps, renvoyer rapidement ceux qui ne dont pas éligibles à cette protection ». De cette phrase très macronienne, que retenir ? Qu’est-ce qui caractérise jusqu’ici l’action du nouveau Président dans ce domaine ? « L’accueil digne » des réfugiés ? (7500 places d’hébergement promises…d’ici 2019) Ou son projet -avorté tant il souleva l’indignation générale- d’installer en Libye (!) , pays à l’insécurité paroxystique, des « hot spots », autrement dit des centres où seraient triés , loin de l’Europe, parmi les migrants africains chassés de leur lointain pays par la guerre, la répression ou la misère -ou les trois réunies- ceux jugés « éligibles à l’asile » et ceux réputés simples exilés « économiques » à renvoyer sans autre procès ?

Autre proposition présidentielle qui a retenu l’attention des observateurs : « L’aide au développement doit augmenter et, année après année, nous l’augmenterons à chaque fois ». L’objectif officiel est d’atteindre…en 2030 les 0,7% des richesses nationales demandées par l’ONU. Dans l’immédiat, le gouvernement a annoncé…une baisse de 141 millions d’euros de cette aide ! « C’est la coupe budgétaire la plus importante de l’aide publique au développement jamais connue » s’insurgeait en juillet dernier Michael Siegel de l’ONG OXFAM.

« Cette aide au développement doit être aussi européenne » ajouta le Président à ce propos, précisant : « je souhaite à ce titre relancer sur de nouvelles bases le projet de taxation des transactions financières afin de financer cette politique ». Problème: les « bases nouvelles » dont parle Emmanuel Macron sont en fait un allègement considérable de la taxe en discussion au niveau européen ! On ne taxerait plus que les actions (à 0,2%…) . Les « produits dérivés » -c’est à dire l’essentiel- en seraient exonérés. Le grand « refondateur » européen espère ainsi complaire aux entreprises financières de la City de Londres , dans l’espoir de les attirer à Paris à l’heure du Brexit. Si l’on comprend bien les propos d’Emmanuel Macron, c’est sur le produit de cette éventuelle taxe « light » qu’il dit compter pour financer l’aide au développement…

Quelle conclusion tirer de ces éléments de langage d’apparence progressiste qui, une fois dépouillés de leurs atours, s’avèrent être des miroirs aux alouettes, voire des régressions pures et simples ? Simplement cette évidence : si telle ou telle proposition concrète peut être consensuelle, il n’y a , en revanche, décidément pas , sur l’essentiel, de politique qui soit « dans le même temps » de droite et de gauche. Pour la -très nécessaire- refondation de la construction européenne que toutes les forces politiques disent aujourd’hui appeler de leurs voeux, il faut faire des choix…disons le mot : de classe. Et, à cet égard, ceux d’Emmanuel Macron ne sont pas les nôtres.

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(1) Voir HD du 5/10/2017

12 octobre 2017 at 10:59 Laisser un commentaire

« TRAVAILLEURS DÉTACHÉS » : LE DÉBAT RÉOUVERT !

wurtz-l-humanite-dimancheTout le monde se souvient des scandales à répétition liés aux pratiques de « dumping social » dans l’Union européenne ( UE ). L’une des causes de cette cascade d’ « affaires » , c’est la possibilité offerte par les traités européens aux employeurs d’un pays membre d’envoyer des travailleurs dans un autre pays de l’UE ( Jusque là, pas de problème ) …sans avoir à respecter toutes les dispositions du droit du travail de ce pays : c’est là que gît le lièvre !

En fait, tout a commencé il y a 25 ans , en 1991. Dans le contexte du « capitalisme triomphant » , la Cour de Justice de l’Union Européenne -qui a le pouvoir d’interpréter les traités comme elle l’entend, sans aucun recours possible ! ( Encore une disposition à revoir fondamentalement ! )- a poussé de plus en plus loin sa lecture ultra-libérale des traités. C’est notamment cette année-là qu’elle a rendu un arrêt dont pâtissent encore de nos jours des millions de salariés (1). Celui-ci stipule en particulier qu’en vertu de la « libre prestation des services », un Etat membre n’a pas le droit de « gêner » (!) sur son propre territoire « les activités du prestataire établi dans un autre Etat membre, où il fournit légalement des services analogues ». Traduction : une entreprise de services ( par exemple dans le secteur du bâtiment ) agréée dans un Etat membre doit pouvoir effectuer ses travaux dans un autre Etat membre dans les mêmes conditions que dans son pays d’origine. Exiger d’une telle entreprise qu’elle respecte l’ensemble du droit du travail en vigueur dans le pays vers lequel elle déplace des travailleurs, c’est la « gêner », ce qui est interdit ! L’Etat d’accueil ne peut lui imposer que « des règlementations justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général ». Une formulation d’une incroyable ambiguïté, de sorte qu’elle permet à la toute-puissante Cour européenne , lorsqu’elle a à trancher des litiges sur ce point, de pousser le curseur libéral aussi loin que les rapports de force du moment lui en laisse le loisir.

Les contestations nées à l’époque de ce tournant ultra-libéral a conduit la Commission européenne à proposer un texte en forme de garde-fou , adopté en 1996 : la fameuse « Directive sur les travailleurs détachés ». Celle-ci précisa quelques règles que l’entreprise détachant des travailleurs devait respecter dans le pays vers lequel il envoyait ses salariés , notamment « les taux de salaire minimal ». Or, une dizaine d’années plus tard, nouveau coup de Trafalgar : la Cour européenne, toujours elle, condamne des syndicats et des Etats coupables de s’être opposés à des cas de « dumping social » caractérisé. Parmi ces cas, celui d’une entreprise d’Europe centrale qui payaient ses travailleurs détachés en Basse-Saxe ( Allemagne ) moitié moins que …le salaire minimum prévu par les conventions collective du secteur concerné , dans ce Land ! La Cour avait justifié l’injustifiable par le fait qu’une convention collective purement locale n’entrait pas dans la catégorie des « raisons impérieuses d’intérêt général » ! (2)

On imagine aisément le tollé provoqué par une telle agression contre les droits sociaux ! C’est ce qui amena la Commission à proposer une première révision de la directive, en 2014. Mais les « améliorations » ainsi apportées au texte ont été jugées si insuffisantes qu’elle s’est sentie obligées de remettre le couvert , le 8 mars dernier, avec une nouvelle proposition de directive révisée. Sans changer le fond du texte initial, cette nouvelle mouture parle pour la première fois du principe d’ « un salaire égal pour un salaire égal sur le même lieu ». Si ce premier recul ne suffit pas aux yeux des organisations syndicales ni à une partie de la gauche, c’est une limitation inacceptable de la « libre prestation des services » pour d’autres. Une nouvelle bataille commence, tant au Parlement européen qu’au niveau des gouvernements . On nous l’annonce « explosive ». A bientôt…

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(1) Arrêt Säger 25/7/1991 sur la « libre prestation des services ».
(2) Arrêt Rüffert ( 2008 ) , après les arrêts Viking et Laval ( 2007 ) , et avant l’arrêt Luxembourg ( 2008 )

7 avril 2016 at 9:03 Laisser un commentaire

LE PROJET EL KHOMRI : UN GAGE DE HOLLANDE A MERKEL ?

wurtz-l-humanite-dimancheDepuis quelques jours circule dans les « milieux bien informés » une rumeur qui mérite attention. Selon cette hypothèse, l’acharnement de François Hollande et de son gouvernement à tenter d’imposer au pays , contre vents et marées, le démantèlement du Code du travail trouverait notamment son origine dans un « vaste projet présidentiel qui touche à l’avenir de la construction européenne » (1). Le Chef de l’Etat chercherait à convaincre Angela Merkel d’accepter de constituer avec la France -et le cas échéant un petit nombre d’Etats limitrophes- un « noyau dur » économiquement intégré au coeur de l’Union européenne. Bref, de mettre sur pied une sorte de « gouvernement économique » germano-français capable d’entrainer dans son sillage une « Europe » aujourd’hui sérieusement menacée de désintégration. Il faudrait, pour gagner la Chancelière à cette idée, lui apporter une preuve tangible que « la France est enfin sérieuse et qu’elle peut se réformer ». Le projet dit El Khomri deviendrait ainsi une sorte de gage de crédibilité libérale de Paris à l’adresse de Berlin.

Cette supputation est, hélas, très plausible. François Hollande a effectivement développé à plusieurs reprises cette idée de « noyau dur » -qu’il n’hésite pas à présenter comme l’une des grandes ambitions de son quinquennat ! Et n’a-t-on pas , par ailleurs, fait grand cas , dans les sphères gouvernementales, des paroles flatteuses récemment prononcées par le chantre de l’orthodoxie allemande, Wolfgang Schaüble, à propos du texte de Madame El Khomri ? Mieux vaut donc prendre cette hypothèse au sérieux et en clarifier sans attendre la nature et l’enjeu.

Rappelons dans cet esprit d’où vient cette idée de « noyau dur » et ce qu’elle recouvre concrètement .Son inventeur ne siège pas à l’Elysée ! Il n’est autre que…Schäuble en personne ! C’est en 1994, peu de temps après l’entrée en vigueur du traité de Maastricht et de ses « critères » austéritaires , qu’il avait, avec un autre ténor de la droite d’outre-Rhin, Karl Lamers, lancé cette idée d’une convergence forte et durable des politiques budgétaires, économiques et sociales de l’Allemagne et de la France. Les autres Etats de l’UE devaient se contenter d’intégrer l’un des « cercles concentriques » appelés à graviter autour du noyau ! Les dirigeants français -tant Mitterrand que Chirac- avaient alors accueilli l’idée de cette union franco-allemande par un prudent silence .

Vingt ans plus tard, en 2014, les deux « pères » de ce projet ont réitéré leur vision du « noyau » en question. L’objectif poursuivi est clair : faire appliquer les « réformes structurelles » et assurer la discipline libérale, y compris en dotant un commissaire européen du pouvoir de rejeter les budgets nationaux qui ne respecteraient pas les règles ! Et comme un tel schéma institutionnel ultra-centralisateur susciterait naturellement de vives contestations populaires, il faudrait trouver un moyen d’ « assurer la légitimité des décisions ». C’est le rôle qui serait dévolu à un « parlement de la zone euro » chargé de valider les choix de l’exécutif du « noyau dur ».(2) Un an au paravant, le co-initiateur de ce projet avait, en outre, soutenu l’idée de l’élection du Président de la Commission européenne au suffrage universel et estimé que son ami Schäuble « serait un excellent candidat » à ce poste…(3)

C’est de ce montage baroque -et dangereux- que François Hollande s’inspire aujourd’hui . Avec , à l’adresse de Madame Merkel, très sourcilleuse quant au contenu de l’éventuel contrat de mariage, le projet de loi El Khomri comme première dot . Une raison supplémentaire de mettre en échec ce texte scélérat tout comme le « grand dessein présidentiel » qu’il serait censé favoriser.

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(1) « L’ultime coup de poker du quinquennat »- Françoise Fressoz, « Le Monde » ( 27/2/2016 )
(2) Reuters ( 1/9/2014 )
(3) Karl Lamers – interview à l’Express (22/6/2013)

3 mars 2016 at 7:56 Laisser un commentaire


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