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Le monde va mal ! De quelque côté que l’on se tourne, la réalité est cruelle sinon désespérante. Le terrorisme de Daech ? « Ce n’est qu’un début » avait averti le groupe « Etat islamique » après la carnage de Tunis , en mars de cette année -ce qui , hélas, se confirme depuis , au même rythme que les gesticulations aussi inefficaces que meurtrières de la coalition militaire sous l’égide des Etats-Unis. La crise des réfugiés ? On a l’impression que rien ne sera épargné aux victimes de cette tragédie de l’exode forcé . Ni le risque de sacrifier leur vie pour tenter de la sauver, ni l’humiliation de se heurter aux murs de barbelés et aux forces de répression là où ils attendaient un accueil digne et un havre de paix. La guerre en Syrie ? Le chaos libyen ? Nul n’en entrevoit le début de la fin. La Palestine ? Les violences et les provocations de l’occupant s’y intensifient et la direction palestinienne est en grande difficulté. L’Ukraine ? On ose à peine évoquer une certaine accalmie dans le Dombass , tant la situation est fragile et dangereuse dans tout le pays …
Dans un monde aussi déstabilisé et déboussolé, le risque est grand de sombrer dans une sorte de nihilisme désabusé : à quoi bon lutter pour changer le monde si tout semble inéluctablement aller à vau-l’eau ? Ce serait pourtant une grave erreur de jugement de la part des gens de progrès, en même temps qu’ une victoire inestimable pour les forces conservatrices -sans parler des populistes d’extrême droite pour qui le désenchantement populaire est le vivier le plus fertile.
Dans ce contexte, un événement international qui se déroule sous nos yeux mérite une attention soutenue : l’ Assemblée Générale des Nations-Unies en cette année du 70ème anniversaire de la création de l’ONU . Chacun connaît les limites de l’influence de l’institution universelle , qui ne sont que le reflet du manque de volonté politique des puissances qui la dominent. Et pourtant, que ressort-il du bilan des fameux « Objectifs du Millénaire pour le Développement » (OMD) adoptés il y a quinze ans et venus à échéance cette année ? Malgré les évidentes faiblesses de leur conception-même et d’indéniables échecs dans leur réalisation, en particulier les scandaleuses inégalités et discriminations auxquelles leur mise en œuvre a donné lieu, mesurons bien la portée de certains résultats obtenus .
Ainsi, essentiellement depuis 2000, plus d’un milliard de personnes sont sorties de l’extrême pauvreté -la référence en ce domaine étant la Chine et le contre-exemple les zones de guerre comme l’Irak, la Syrie ou le Yémen- ! La proportion de personnes sous-alimentées dans les régions en développement a diminué de près de moitié. Le nombre d’enfants non scolarisés a également baissé de l’ordre de 50% -l’amélioration la plus sensible étant le fait de l’Afrique subsaharienne. Le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans, ainsi que la mortalité maternelle, a été réduit dans la même proportion. Plus de six millions de décès dus au paludisme ont été évités entre 2000 et 2015 ! Les infections par le virus VIH/sida a chuté de 35% durant la même période et les décès liés au sida de 41% en dix ans. Il est à noter que Cuba est le premier pays au monde à avoir reçu de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) la validation de l’élimination de la transmission mère-enfant du virus HIV/sida . C’est « une victoire majeure dans notre longue lutte contre le VIH et une importante pour l’avènement d’une génération sans VIH » a souligné la Directrice de l’OMS, Margaret Chan. Pour autant, dira-t-on, cela n’efface pas tout le reste . Pour sûr , l’essentiel du combat à mener est devant nous ! Mais la disponibilité pour la lutte se nourrit aussi de la conscience de son utilité.
24 septembre 2015 at 2:29
Le colloque organisé samedi dernier à Paris par la Fondation Gabriel Péri (« Europe : une crise existentielle. Et maintenant ? ») a tenu ses promesses. (1) Les intervenants étaient brillants et les thèmes abordés passionnants. Chacun d’eux mériterait amplement qu’on y revienne. Commençons aujourd’hui par l’un d’entre eux : « Que serait une bonne Politique Agricole Commune (PAC) ? » La question mérite d’être posée au moment où celle en vigueur se libéralise sous nos yeux ! Avons-nous tous pleinement mesuré la signification et la portée de la suppression des quotas laitiers le 1er avril dernier? « La filière laitière française basculera dans un univers de concurrence rimant avec volatilité, mondialisation, industrialisation, économies d’échelle et prises de risque (…) La révolution qui s’annonce fera des gagnants mais aussi incontestablement des perdants. » avertissent les libéraux eux-mêmes (2) Encore la fin des quotas n’est-elle qu’un pas de plus sur la longue voie de la dérégulation de ce secteur emblématique. À cet égard, il est clairement apparu au cours des débats du week-end dernier évoqués plus haut combien le type d’agriculture choisi -agriculture paysanne ou agro-business- constitue le marqueur d’un modèle de société.
Pour l’un des intervenants, le journaliste-expert Gérard Lepuill, toujours concret et pédagogue, une bonne PAC doit « nourrir la population sans manger dans l’assiette des autres (exemple: le poisson); rémunérer correctement le travail des paysans et réduire les émissions de gaz à effet de serre ». Il faut, souligne-t-il, maintenir des droits de douane -à l’opposé d’une tendance poussée à l’extrême par le projet de « grand marché transatlantique »- si l’on veut encourager de bonnes pratiques agricoles telles que la rotation des cultures , la réintroduction de l’élevage là où règne le tout-céréales, ainsi que la relance de l’agroforesterie -l’arbre , en plus de contribuer le cas échéant à l’alimentation , étant un « puits de carbone »(réservoir naturel absorbant le CO2). Dans le même esprit, le redéveloppement de ceintures vertes est, selon lui, souhaitable autour des grandes villes comme en Ile de France. « Une production laitière de qualité et au faible bilan carbone suppose de donner aux vaches de l’herbe et du foin et non du maïs pauvre en protéines et du soja importé des États-Unis ». Et de citer en exemple le mode de fabrication du Comté, au cahier des charges très strict garantissant la qualité du lait et du fromage, seul moyen de justifier un prix rémunérateur dans le grand vent de la concurrence que va provoquer la suppression des quotas laitiers.
Même son de cloche de la part d’Aurélie Trouvé, parlant comme agroéconomiste. Elle aussi fustige la disparition de cet instrument de régulation et met en garde contre ses conséquences. La production de lait va se concentrer là où elle revient moins cher au risque de désertifier par exemple les zones de montagne. Elle aussi plaide pour les circuits courts, la restauration des droits de douane et le rejet du grand marché transatlantique « qui serait catastrophique, notamment pour la viande bovine ». Elle en appelle en outre avec passion au développement du bio. Très critique à l’encontre d’une PAC conçue pour favoriser le capital foncier et non le petit producteur, elle sait aussi reconnaître des mérites à la Commission lorsque Bruxelles se montre plus soucieuse de l’environnement que les États membres. Au final, on retiendra une conviction partagée: les enjeux agricoles appellent un débat de civilisation !
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(1) voir HD No 21643 : « N’oublions pas les dossiers chauds de l’Europe ».
(2) Les Échos (31/3/2015)
16 avril 2015 at 12:17
Dans une belle édition spéciale de « L’Humanité », dédiée à la solidarité avec la Grèce, le réalisateur Costa-Gavras explique son soutien au nouveau gouvernement d’Athènes en insistant sur « la volonté de Tsipras de sortir le pays des griffes de la troïka ». Ce sont, dit-il, « des bureaucrates d’une rigidité extraordinaire, (dans leur petit monde), il y a pléthore de chiffres, jamais de peuple ». À l’opposé, le cinéaste évoque -citant Alexis Tsipras – la démocratie et la culture, ces « deux racines de la Grèce », et dit espérer des « changements éthiques » dans son pays. (1) Ce que nous rappelle Costa-Gavras, c’est qu’en même temps que le rejet de l’austérité, la mobilisation et le vote des Grecs expriment une exigence de dignité et de souveraineté. Et c’est sur l’ensemble de ces terrains que les dirigeants de la zone euro veulent éviter à tout prix que Syrisa puisse se prévaloir de succès susceptibles de donner des idées aux autres peuples autant excédés par d’interminables sacrifices que blessés par une forme d’encasernement , sinon d’humiliation, devenu insupportable.
Poussée jusqu’à l’extrême en Grèce par la « troïka », cette mise sous surveillance nous touche désormais tous, à un degré ou à un autre. Le pire, c’est de voir des responsables politiques ou d’autres personnages influents s’inscrire sans aucun recul dans cette logique de soumission : « Michel Sapin a pris par écrit l’engagement de tenir l’objectif » vient ainsi d’ assurer le Commissaire européen Moscovici à propos de l’injonction qu’il a lui-même adressée à son successeur de présenter à Bruxelles d’ici le mois d’avril un plan de « réformes ambitieux et plus détaillé » ! D’autres en viendraient presque à exprimer leur reconnaissance du fait que Bruxelles ait « accepté de donner un nouveau délai de deux ans à la France » (« Le Figaro ») « pour rentrer dans les clous » (« Libération »), ce qui fait tout naturellement que « Paris va devoir, comme tout mauvais élève, revoir sa copie (et) avancer d’autres preuves de sa volonté réformatrice. D’ici avril. » (« Le Monde »)
Cette espèce de mise sous tutelle « soft » a , on s’en souvient, débuté avec l’obligation pour chaque État de soumettre à la Commission européenne puis à ses pairs son projet de budget annuel avant de l’adresser à son propre parlement. Depuis quelques temps , cette pratique a été étendue à la surveillance des « grands équilibres macroéconomiques »de chaque État , autrement dit à la politique économique et sociale dans son ensemble , pour chaque gouvernement. Actuellement, pas moins de 16 pays de la zone euro (sur 19) sont ainsi sous surveillance économique car leur niveau de dette, ou leur « compétitivité » ou quelqu’autre indicateur pertinent « n’est pas en ligne avec les valeurs de référence » européennes. Et comme pour l’échelle de Richter concernant les tremblements de terre, il y a des degrés dans la gravité des « dérapages » constatés. Ils vont de 1 à 6, et aboutissent, le cas échéant, à la « procédure de déséquilibres excessifs ». En finir avec cette bureaucratie kafkaïenne et humiliante, voilà bien l’autre exigence irrépressible qui a conduit en Grèce à l’insurrection démocratique du 25 janvier et qui cherche sa voie dans nombre d’autres pays -dont le nôtre.
Réjouissons-nous que de plus en plus de voix s’élèvent avec dignité pour appeler un chat un chat et exprimer l’ exigence d’un sursaut : »Le monde de la finance porte un regard stéréotypé sur les sociétés et sur les États avec lesquels il a à traiter. Il en allait de même du colonisateur vis-à-vis des indigènes (…) Ne devenons pas nous-même de nouveaux colonisés ou autocolonisés puisque nos instances participent à ces mutations (…) Une fois de plus, c’est la Grèce qui a levé le drapeau ». (2) C’est pourquoi notre solidarité avec le peuple grec est un combat d’intérêt mutuel qu’ensemble nous devons gagner.
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(1) L’Humanité (25/2/2015)
(2) Marc Ferro, historien (Le Monde 26/2/2015)
5 mars 2015 at 10:57
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