Archive for octobre, 2013
ENERGIE-CLIMAT: POUR UN DEBAT SEREIN
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs (…) Le réchauffement climatique est encore réversible.Lourde serait la responsabilité de ceux qui refuseraient de le combattre. »Le fameux discours de Jacques Chirac au Sommet mondial de Johannesburg date de 2002. Onze ans plus tard, à lire le dernier Rapport du Groupe Intergouvernemental d’Etudes des Climats (GIEC) et les nombreux écrits qu’il a suscités,le constat est consternant.Résumé.
D’abord,au lieu de reculer sensiblement,les émissions de CO2 ont continué de progresser. Malgré les mises en garde de plus en plus précises des scientifiques -pourtant mandatés par les Etats- qui montrent qu’il est proprement vital de diviser par deux en moyenne (et par quatre dans les pays développés!) les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 par rapport au niveau de 1990, nous continuons d’émettre globalement de plus en plus de ces gaz:+ 50% en vingt ans! L’usage massif de pétrole,de gaz et -pire- de charbon (« énergies carbonées ») est la cause première de cette dérive .
Ensuite, l’Europe -plus précisément l’Allemagne- contribue directement à cette évolution irresponsable. On le sait: elle compense de fait le manque à gagner résultant de l’arrêt des centrales nucléaires…par l’importation de charbon des Etats-Unis, auquel s’ajoute le lignite local, variété de houille particulièrement polluante. Alors que l’UE pouvait s’enorgueillir -à l’opposé des autres régions du monde- de respecter les (modestes) obligations du Protocole de Kyoto (diminution des émissions de 8%), la dynamique positive est enrayée.
Enfin, nul ne semble réellement se préoccuper du fait que près d’un habitant sur trois dans le monde soit toujours privé du droit réel à l’énergie. Cela signifie que deux milliards d’êtres humains n’ont pas accès au minimum d’énergie jugé nécessaire, soit 1tonne d’équivalent-pétrole par personne et par an. Si on veut mettre fin à cette discrimination injustifiable sans aggraver dramatiquement l’évolution du climat, les besoins en énergies « décarbonnées » sont encore beaucoup plus importants. On peut parler d’un enjeu de civilisation.
Face à un défi de cette ampleur, un débat serein et responsable devrait pouvoir voir le jour sur les enjeux conjugués de l’énergie et du climat. A commencer par l’Europe. Les économies d’énergie? Elles sont évidemment indispensables: d’importants chantiers, notamment dans l’habitat et les transports, attendent d’être lancés en grand. Les énergies renouvelables? Elles doivent naturellement occuper une place bien plus grande qu’aujourd’hui. Est-il réaliste, pour autant, d’y voir la solution aux problèmes cruciaux évoqués plus haut? Le cas de l’Allemagne mérite à ce propos un examen sans a priori: malgré les efforts qui y sont déployés, par exemple en faveur de l’éolien et du solaire, ceux-ci comptent pour moins de 2% , quand les énergies fossiles « pèsent » autour de 80% dans la balance énergétique -ce qui fait de ce pays réputé écologique l’un des plus gros émetteurs de CO2 au monde! Voilà pourquoi la renonciation au nucléaire est naturellement un choix possible dans un pays donné mais pas le déclin de cette énergie « propre » en général, sauf à enterrer l’ambition de combattre le réchauffement climatique.
Mais il résulte de ce constat une conclusion qui devrait réunir les partisans lucides et les adversaires réalistes de l’atome civil: l’état actuel de la sureté nucléaire dans le monde n’est pas acceptable! Il faut exiger des normes de sécurité de haut niveau, obligatoires et universelles, comme elles existent par exemple dans l’aviation civile et sans doute plus contraignantes encore! L’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) doit obtenir le pouvoir et les moyens de contrôler toutes les centrales du monde, d’imposer des transformations, d’exiger l’arrêt d’installations ne répondant pas aux critères de sureté requis. Voilà la vraie bataille d’avenir que les forces progressistes devraient mener en commun.(1)
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(1) Cette approche est reprise du document très pertinent du groupe de travail du PCF sur la transition énergétique: « Maîtriser le réchauffement climatique,un impératif de survie pour l’Humanité » (mars 2013).
L’ALLEMAGNE EST-ELLE « KAPUTT »?
« Réseau ferré vétuste; ponts ferroviaires barrés; trains rapides immobilisés; écoles et universités négligées; réseau électrique inadapté à la transition énergétique…La puissance industrielle dominante en Europe fait des économies là où il faudrait investir ! « L’un des trois plus grands quotidiens allemands, la « Suddeutsche Zeitung », ne mâchait pas ses mots, l’autre jour , n’hésitant pas à barrer sa « une » d’un tonitruant « Kaputt »pour caractériser l’état des infrastructures publiques outre-Rhin.(1). Une double page intérieure en dressait un tableau sans complaisance, agrémenté de jugements alarmistes d’experts et de chercheurs de renom. Il faut saluer ce courageux accès de lucidité qui a le mérite de torpiller maintes idées reçues sur le « modèle allemand » et surtout celui d’illustrer crûment l’étendue des effets pervers de l’obsession de la réduction des dépenses publiques dont Madame Merkel s’est faite l’irréductible avocate. Qu’on en juge.
Le journal cite un nombre impressionnant d’exemples justifiant ce cri d’alarme: tel pont autoroutier interdit aux poids lourds pendant trois mois en raison de dangereuses fissures; telle ligne de tram fermée faute de crédits pour sa rénovation; tel canal fermé à la circulation pendant 10 jours faute d’entretien; telle voie maritime rendue impraticable pour la première fois depuis 1885 du fait de déficiences techniques, et contraignant des centaines de gros navires à faire un long détour; la gare de Mayence obligée de paralyser un poste d’aiguillage pendant tout un mois par manque de personnel… « L’Allemagne est en train de s’user » note le journal « Car les dépenses pour l’entretien et le développement des infrastructures ont reculé de près d’un tiers en 20 ans ,relativement aux richesses produites ».
Ainsi, concernant le système de formation, il manque 25 milliards d’euros par an pour que l’Allemagne atteigne le niveau moyen des dépenses des pays de l’OCDE! Pour ce qui est des chemins de fer, la direction reconnait que « d’urgence », 1400 ponts ferroviaires nécessitent des travaux . Plus généralement,selon les auteurs de l’enquête, sur les 34000 km de voies du pays, il est « visible que l’on se contente d’huiler quelques aiguillages et de changer quelques vis »! Sans une revalorisation conséquente des dépenses, le retard pris serait difficilement rattrapable. Pour la remise en état des routes principales, les besoins sont évalués à 4,7 milliards de plus par an pendant 15 ans.
Le plus étonnant est le cas des investissements d’avenir. Ainsi les universités: « La Conférence des Présidents d’Université de 2012 était au bord de la panique » souligne le journal. C’est qu’il manque 30 milliards d’euros pour la seule rénovation des bâtiments! Quant à l’infrastructure de l’internet, elle est devant une impasse: le remplacement des vieux câbles en cuivre est jugé trop cher. « Or l’avenir n’attend pas! « Madame Merkel avait promis en 2009 que « trois ménages sur quatre auraient accès au très haut débit en 2014. On en est à 13%. Elle s’était engagée à un minimum de 50 mégabits à la seconde. On en est à 6,5 en moyenne:moins qu’en Roumanie! » Enfin, il y a le casse-tête de l’énergie,rappellent les enquêteurs: « il manque plusieurs milliers de km de lignes de haute tension pour transporter le courant produit par les éoliennes du nord du pays vers les grandes concentrations d’usagers au sud et à l’ouest. Le coût de l’opération reste dans l’ombre et risque d’être à la charge des consommateurs… » L’Allemagne n’est peut-être pas « kaputt », mais elle a un sacré changement politique à opérer , si elle veut éviter un réveil douloureux.
(1) 12-13/10/2013
LE DROIT A LA SOUVERAINETE VAUT POUR TOUS
Depuis quelques jours a débuté l’examen du budget 2014 au Parlement . Pour la première fois s’appliquent les nouvelles règles de « coordination » budgétaire décidées par les gouvernements et la majorité des députés européens : avant le 15 octobre, la France, comme ses partenaires, a dû soumettre son projet de budget à la Commission européenne dans l’espoir d’obtenir son feu vert. Dans le cas contraire, la règle en vigueur désormais veut que gouvernement et parlement acceptent d’apporter au budget du pays les modifications demandées par Bruxelles . C’est d’autant plus vrai pour la France qu’elle est classée, comme beaucoup d’autres États membres, en « déficits excessifs ». Elle est , à ce titre,menacée de sanctions financières si les objectifs de réduction de ces « déficits » et de sa dette publique ne sont pas respectés. Ces dispositions , qui permettent à des instances non élues de dicter leurs choix à des parlements nationaux , sont inacceptables d’un point de vue démocratique .
Il est d’autant moins compréhensible que ces mesures , prises sous la pression de Madame Merkel , aient été acceptées sans coup férir que les dirigeants allemands savent , le cas échéant,défendre avec beaucoup de détermination la souveraineté budgétaire de leur propre parlement , le Bundestag ! Ainsi bloquent-ils depuis plusieurs mois le projet d’ « Union bancaire » en discussion à Bruxelles afin de prévenir tout risque de contagion entre une banque en difficulté à l’ensemble du système financier de la zone euro. La Commission européenne entendait pour ce faire s’attribuer à elle même le pouvoir de décider si une banque de la zone euro a besoin d’être restructurée ,recapitalisée, voire liquidée . Non , a rétorqué Berlin, il est hors de question de confier à une autorité extérieure le pouvoir de vie ou de mort sur tout le système bancaire allemand. Cette responsabilité doit être exercée par un réseau d’autorités nationales « qui respecteraient la souveraineté nationale en matière budgétaire. »
Le même principe a prévalu pour fixer les règles de fonctionnement du « Mécanisme européen de stabilité » (MES). Celui-ci est censé venir en aide aux Etats et aux banques de la zone euro en cas de crise financière . Or l’argent dont dispose,le cas échéant, ce « Mécanisme de stabilité » n’est autre que celui des Etats de la zone euro. La question se posait donc: ce nouvel organisme pourrait-il, en cas de besoin, exiger n’importe quel montant des Etats membres pour « secourir » l’un d’entre eux? Non, a répondu la Cour constitutionnelle allemande. Au-delà d’un certain plafond, il faudra un nouveau vote du Bundestag. En d’autres termes: la souveraineté budgétaire, c’est sacré! Certes, mais cela vaut pour tous les pays!
C’est là un enjeu crucial, car une fois cette digue rompue, tout devient rapports de force. Le cas de la Grèce est, à cet égard, scandaleusement éclairant. Ainsi, la récente loi d’application du « 3ème mémorandum » imposé par la sinistre « troïka »- un document crucial de 160 pages du Journal officiel !- fut distribué aux parlementaires …la veille d’un vote en « procédure d’urgence » sans débat…Pour le reste, ce sont les décrets du gouvernement qui tiennent lieu de lois de la République. Même la juridiction suprême du pays est paralysée: tout litige entre la Grèce et ses créanciers se règle à Luxembourg (Cour de Justice de l’Union européenne) ou à Londres.
Restaurer la démocratie,la souveraineté et le respect de chaque peuple constitue décidément une priorité absolue d’un processus de refondation de la construction européenne.
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