Archive for janvier, 2012

Ce que nous dit le « Oui » croate

Le « oui » l’a donc emporté, comme prévu, en Croatie, où les citoyens avaient à se prononcer, dimanche dernier par référendum, sur l’adhésion de leur pays à l’Union européenne. Il appartient à présent aux 27 parlements nationaux de l’UE de se prononcer à leur tour. En cas d’accord unanime les « 27 » deviendront les « 28 » le 1er juillet 2013.

On peut s’étonner de voir un pays choisir de devenir membre d’une « Union » en pleine crise existentielle, et dont l’ambition semble désormais se borner à faire régner partout l’austérité et la discipline budgétaire ! Ce choix contredirait-il ce que nous affirmons par ailleurs, à savoir qu’un vent de contestation du modèle européen actuel se lève un peu partout ? Pas du tout. D’abord, il faut noter qu’au fil des huit années qu’a duré la négociation entre les autorités de Zagreb et la Commission de Bruxelles, l’appui populaire au projet d’adhésion a littéralement fondu, passant de 80% de l’ensemble de la population en 2003 à 67% des 43% de participants au scrutin du 22 janvier dernier. En outre, les deux principaux partis, de droite et socio-démocrate, qui viennent de se succéder au pouvoir, ont tous deux milité pour le oui, tandis que la campagne antieuropéenne des groupes ultranationalistes a freiné des citoyens démocrates dans leur intention de voter non. Enfin, tout a été fait par les pouvoirs publics pour escamoter un véritable débat sur les enjeux du vote, de peur que le puissant mouvement citoyen qui s’était manifesté l’an passé en défendant une orientation très critique envers le néolibéralisme en général et celui de l’UE en particulier ne reprenne vigueur et ne fasse tache d’huile le jour du référendum .

Au-delà, il faut avoir à l’esprit le poids de l’histoire récente du pays dans les consciences. Il y a vingt à peine,à la suite du démantèlement de la Yousgoslavie, puis plus récemment encore (jusqu’en 2001 !) se sont déroulés ici les conflits les plus meurtriers d’Europe depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Sous la conduite de chefs nationalistes criminels, des peuples naguère réunis et mêlés ont fait couler le sang, au prix d’innombrables victimes, de destructions et de souffrances morales indescriptibles. Quant aux terribles bombardements de l’OTAN – eux aussi sans précédent en Europe depuis la Libération de 1945 – ils ont encore ajouté au traumatisme que cette période noire a produit sur plusieurs générations. Dans ce contexte, l’aspiration à s’extraire à tout prix de l’atmosphère lourde attachée de fait à la région des « Balkans » est forte chez tous ces peuples et s’est traduite très tôt par de multiples candidatures à l’ Union européenne ,longtemps vue comme un havre de stabilité, de démocratie et de paix.

C’est cette image qui s’est singulièrement écornée depuis quelque temps. L’UE n’a pas sorti les voisins roumains ou bulgares de la misère ni empêché le populisme autoritaire en Hongrie. En ira-t-il autrement avec les 18% de chômage en Croatie, alors que Bruxelles a déjà prévenu qu’il serait intraitable en ce qui concerne le respect des règles de concurrence, qui interdisent les aides d’Etat aux entreprises en difficulté, comme par exemple les chantiers navals déficitaires qui font vivre des milliers de familles grâce aux soutiens publics ? Les quelques centaines de millions d’euros de fonds structurels promis à la Croatie seront les bienvenus, mais l’expérience montre que ces aides sont souvent de peu de poids face aux ravages de « l’économie de marché ouverte ou la concurrence est libre ». Ce nouvel élargissement nous rappelle une fois encore l’urgence d’une refondation de l’Union européenne, si nous voulons en finir avec le cycle infernal : illusions-désillusions-populisme antieuropéen.

26 janvier 2012 at 11:01 Laisser un commentaire

LES TROIS « AXES DE BATAILLE » DU PARTI DE LA GAUCHE EUROPEENNE

Mais dans quel monde vivent les dirigeants de l’Union européenne!La Commission Barroso tout d’abord:le déficit public de la Belgique risquant d’être cette année de…3,1% (des richesses produites),soit de 0,1% supérieur à la limite imposée par le pacte de stabilité, le gouvernement a été sommé de geler immédiatement 1,2 milliard de dépenses publiques, mesure qui s’ajoute à la baisse des allocations-chômage,à la réforme du système des retraites et à une série de privatisations!

Le Conseil (représentant les gouvernements),ensuite: sa nouvelle présidente par rotation (de janvier à juillet 2012),la Première ministre ,social-démocrate,danoise,a décrété, à peine arrivée,que la crise actuelle était avant tout une « crise de discipline ». Son pays, bien qu’il n’ait pas adopté l’euro,soutiendra donc à fond le projet de nouveau traité de « discipline budgétaire »!

La Banque centrale européenne (BCE), enfin: elle vient de prêter près de 500 milliards  aux banques de la zone euro au taux de 1% sans aucune condition d’utilisation. Résultat: cette manne colossale n’a pas servi à relancer l’économie ni à promouvoir l’emploi. Les banques l’ont tout simplement déposée en lieu sûr…auprès de la BCE pour assurer leur propre avenir! Rappelons que celle-ci se refuse toujours à prêter de l’argent, dans les mêmes conditions, directement aux Etats eux-mêmes pour les libérer de la domination des usuriers du marché financier.

Ce fossé entre les dogmes de l’Europe actuelle et les réalités vécues par les peuples est aujourd’hui si béant que des voix s’élèvent, y compris parmi les hommes du sérail,pour alerter qui de droit sur l’exaspération des populations et crier au feu. Ces jours-ci, Mario Monti lui-même,l’ancien commissaire européen libéral devenu Président du Conseil italien pour « rassurer les marchés »,s’est fendu d’une mise en garde publique à son amie Angela Merckel et à son compatriote Mario Draghi,le nouveau président de la BCE: » Si les Italiens ne voient pas,dans un avenir proche,de résultats tangibles (des lourds sacrifices qu’il leur impose)-a-t-il déclaré au quotidien allemand « Die Zeit » (11/1/2012)- un mouvement de protestation contre l’Europe va voir le jour en Italie, dirigé aussi contre l’Allemagne vue comme l’instigatrice de l’intolérance de l’Union européenne, et contre la Banque centrale européenne. »Qu’en dit le fidèle second de la Chancelière de fer?

C’est dans ce contexte explosif que le Parti de la Gauche Européenne (PGE) s’est réuni le week-end dernier à Berlin sous la présidence de Pierre Laurent et a défini trois « axes de bataille » pour toute la prochaine période.

En premier lieu, des initiatives d’information et de mobilisation seront engagées contre la ratification du nouveau traité européen en cours d’élaboration. En deuxième lieu,une « convention européenne pour l’alternative » sera organisée fin mars.Elle visera à faire converger le plus de forces possibles pour opposer à la politique européenne actuelle une logique profondément nouvelle.En troisième lieu, le lancement d’une « initiative citoyenne européenne » visant à collecter un million de signatures (en faveur de la création d’une sorte de banque publique européenne dont la mission exclusive soit de prêter de l’argent aux Etats à un taux très faible,à la CONDITION EXPRESSE que ces crédits servent au financement de projets précis de développement social et de solidarité) va pouvoir se concrétiser dès que cette nouvelle disposition entrera en vigueur, vraisemblablement au mois de mai. Travailleurs de tous les pays…

19 janvier 2012 at 2:56 Laisser un commentaire

LES LECONS DU « PROBLEME » HONGROIS

« Il y a un problème aujourd’hui en Hongrie » vient de reconnaître fort tardivement Alain Juppé.  C’est le moins que l’on puisse dire! Revenu triomphalement au pouvoir en avril 2010 (après une première expérience malheureuse en 2002-2003), Viktor Orban n’a cessé, depuis, de faire voter des lois soumettant les medias, la justice et le parlement lui-même au parti qu’il dirige en autocrate, le FIDESZ.  Cela n’a pas empêché cet apprenti-dictateur de présider, avec tous les honneurs dus à cette fonction, le Conseil européen pendant tout le premier semestre 2011.  C’est que M. Orban n’est pas n’importe qui.  Vice-président du PPE (principal parti de droite européen, qui compte notamment la CDU de Mme Merkel et l’UMP parmi ses membres), il fut, il y a un peu plus de vingt ans, l’une des principales figures de l’opposition anticommuniste au régime précédent.  En outre, sa politique d’austérité, d’une brutalité inouïe (TVA à …27%; impôt sur le revenu à 16% pour tous; guerre aux pauvres…) n’est pas faite pour émouvoir les dirigeants européens.

Ce qui a surtout fait « problème » pour ces derniers a été la décision du maître de Budapest de remettre en cause la sacro-sainte indépendance de la Banque centrale  ou de nationaliser des fonds de pension.  Pris à la gorge par une lourde dette publique, l’effondrement de la monnaie nationale, le Forint, et la difficulté croissante à lever des fonds, même à un taux de plus de 10%, sur les marchés financiers, Orban a, en effet, brisé quelques tabous libéraux.  C’est cela, d’abord, qui ne passe pas à Bruxelles, et non la dérive autoritaire du régime.  Beaucoup de voix s’élèvent donc légitimement pour demander à l’Union européenne, toujours prompte à glorifier les « valeurs » de l’Europe », d’exercer toutes les pressions possibles sur ce gouvernement pour l’amener à annuler les mesures liberticides, y compris, sa récente révision constitutionnelle qui (entre autres) enterre symboliquement la notion de « République » au profit d’une référence appuyée à Dieu!  Seulement voilà…

« Gare à l’ingérence! » avertit, à l’inverse, mais tout aussi légitimement, un ancien « dissident » de premier plan de l’ex-régime socialiste, aujourd’hui proche du Parti de la Gauche européenne (PGE), Tamas Gaspar-Miklos.  En effet, la désillusion et le ressentiment de la majorité de la population vis à vis de l’Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI) sont tels que des « leçons de Bruxelles » auraient sans nul doute un effet dangereusement contre-productif!  Viktor Orban a appris à saisir cet atout pour se maintenir au pouvoir malgré son bilan désastreux.  Il surfe allègrement sur le souvenir cuisant laissé par les politiques libérales impitoyables de ses prédécesseurs « socialistes » et de droite; par leur soumission zélée aux injonctions européennes; par les multiples humiliations et les frustrations rentrées; par l’insupportable sentiment d’impuissance.  Cocktail potentiellement dévastateur!

 

Comment aider, dans ces conditions, le peuple hongrois à se libérer du piège mortel dans lequel tous les gouvernements qui se sont succédé depuis deux décennies l’ont jeté?  Et comment éviter, à la faveur de la crise, l’apparition d’autres « Hongries » dans les pays européens économiquement les plus éprouvés et politiquement les plus fragiles?  Bref, comment rendre à l’idée et à la parole européenne une légitimité aujourd’hui perdue? Comment, sinon en crédibilisant un projet européen en rupture avec le modèle actuel et en permettant au plus grand nombre de citoyens de se l’approprier?  Tel est notamment l’ambition du Front de Gauche en France et du PGE à l’échelle européenne.

 

12 janvier 2012 at 2:31 Laisser un commentaire

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