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RIMA HASSAN : LE DÉBAT, OUI ! LE LYNCHAGE, NON !

Est-il encore possible de débattre sérieusement, à partir de faits établis, et dans le respect mutuel, sur le Proche-Orient, en France ? La question se pose une fois de plus à propos des graves accusations portées sur les réseaux sociaux par un célèbre animateur, fort de son audience, contre la jeune juriste franco-palestinienne Rima Hassan.  Pour qui n’a pas suivi cet épisode déplorable, rappelons que Rima Hassan, à qui on doit notamment la création de l’Observatoire des camps de réfugiés palestiniens, et qui est devenue une figure de la jeunesse palestinienne, avait été classée parmi « les 40 femmes d’exceptions »par le magazine américain Forbes. Cette distinction n’a manifestement pas plu à la vedette de la télévision, qui a accusé la jeune femme de « faire l’apologie du terrorisme du Hamas » -alors même qu’elle a condamné  « les crimes de guerre du Hamas »- et « d’être une antisémite patentée » ! Des propos outrageants sur lesquels l’intéressé devra s’expliquer devant la Justice, Rima Hassan ayant, logiquement, décidé de porter plainte pour diffamation. 

Que lui reproche-t-on dans les faits ? De qualifier d’ « apartheid » le régime en place en Israël à l’égard des Palestiniens ? Faut-il rappeler à ses détracteurs que des responsables israéliens de haut rang eux-mêmes font leur cette analyse. Le dernier en date est l’ancien chef …du Mossad, Tamir Pardo, pour qui « les mécanismes israéliens de contrôle des Palestiniens (…) alors que les colons juifs dans les territoires occupés sont gouvernés par des tribunaux civils, sont à la hauteur de l’ancienne Afrique du Sud » (1). 

Certes, je ne partage pas toutes les positions de Rima Hassan. Par exemple, elle semble davantage miser sur l’hypothèse d’un futur État binational israélo-palestinien que sur « la solution à deux Etats » nécessitant un engagement fort de la communauté internationale. Je comprends la désillusion alimentée par l’abandon, de fait, de la cause palestinienne par les dirigeants occidentaux tout comme par ceux des pays arabes, malgré la radicalisation jusqu’à l’extrême du pouvoir israélien. Je suis néanmoins de ceux qui restent convaincus qu’il n’y a pas d’alternative à la bataille pour l’édification d’un État palestinien sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale. De même, la reprise du slogan « De la rivière (le Jourdain) à la mer (Méditerranée) » (souvent assimilé à la non-reconnaissance de l’Etat d’Israël) me semble malheureuse et contre-productive. Certes, Rima Hassan précise la signification qu’elle donne à cette expression, à savoir : « on veut libérer TOUS les Palestiniens; ceux des camps, ceux de Gaza, ceux de Cisjordanie, ceux d’Israël et tous ceux de la diaspora ». Mais le risque d’incompréhension est réel. 

En tout état de cause : comment ne pas comprendre qu’une personne née dans un camp de réfugiés, qui n’a connu de la part des dirigeants israéliens que la politique coloniale, et de la part des dirigeants occidentaux que l’impunité à l’égard des occupants, avant d’assister au « cauchemar de Gaza » (Antonio Guterres) et à des « actes susceptibles de tomber sous le coup de la Convention sur le Génocide » (Cour Internationale de Justice) de la part de hauts responsables israéliens, n’use pas nécessairement, pour exprimer ses sentiments, des mêmes mots que nous, qui, tout solidaires que nous soyons du peuple palestinien, sommes néanmoins loin du front? L’échange respectueux permet aisément de clarifier d’éventuels malentendus ou d’acter, le cas échéant, des différences. Rien de plus méprisable, en revanche, que la chasse aux sorcières fondée sur la mauvaise foi et la volonté de nuire.
Le débat, Oui ! Le lynchage, Non !

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(1) France Culture (7/9/2023)

8 février 2024 at 12:01 Laisser un commentaire

DU MOYEN-ORIENT À L’UKRAINE : LA DIPLOMATIE AU SERVICE DE LA PAIX

Le 10 mars denier, deux puissances ennemies, l’Arabie saoudite et l’Iran, ont rétabli leurs relations diplomatiques, rompues depuis sept ans. Que nous dit cet accord -conclu sous les auspices de la Chine- de la complexité de l’ordre mondial actuel ? D’abord, qu’il peut y avoir, malgré le contexte général d’affrontements impitoyables, un espoir de paix là où on ne l’attendait pas. Y compris entre deux pays dont la rivalité stratégique et la concurrence religieuse alimentaient jusqu’ici maints conflits sanglants , au premier rang desquels l’effroyable guerre du Yémen. Ensuite, que des efforts diplomatiques opiniâtres peuvent arriver à bout d’obstacles présumés insurmontables : l’accord du 10 mars dernier est, en effet, l’aboutissement de plus de deux ans de négociations difficiles entre les deux adversaires. Enfin, que la Chine -médiatrice et garante de cet accord- confirme l’étendue de son influence jusque dans une région où Washington exerçait naguère un leadership sans rival et où les Etats-Unis conservent toujours un poids certain, mais rencontrent des résistances de la part de leurs alliés historiques.

Le fait que cet accord historique a été annoncé, à la surprise générale, depuis Pékin, n’est, du reste, pas pour rien dans la discrétion des réactions américaines à cette nouvelle spectaculaire, d’autant qu’un conseiller du Président Biden venait tout juste de s’entendre avec Benjamin Netanyahu pour encourager l’Arabie saoudite -au nom d’un front commun contre l’Iran- à normaliser ses relations avec… Israël, avec l’objectif de sortir l’Etat hébreu de son isolement dans le monde arabe. Ce dégel-là (au détriment des Palestiniens) semble désormais compromis. 

L’Union européenne a, quant à elle, salué -certes fort sobrement- les efforts diplomatiques chinois qui ont conduit à cette « étape importante », soulignant que la promotion de la paix et de la stabilité ainsi qu’un apaisement des tensions au Moyen-Orient étaient des priorités pour l’UE. Sur ce point, parallèlement à la solidarité avec le soulèvement des Iraniennes et des Iraniens pour un changement de régime, on ne peut qu’être d’accord. 

Certes, il faut rester prudent : on n’est jamais à l’abri d’une mauvaise surprise dans la mise en œuvre effective d’un accord entre des protagonistes aussi peu portés sur la collaboration au service de la paix. Le rôle du garant chinois dans la réussite de cette nouvelle dynamique sera, dès lors, important. Ce « challenge » que s’impose ainsi Pékin est en lui-même un fait politique majeur. Il intervient -fait significatif- au même moment où le Président Xi Jinping prend des initiatives en faveur d’un règlement politique de la guerre en Ukraine et propose, après son voyage à Moscou, d’organiser un échange direct avec son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky,  « en vue de mettre fin à la guerre », précise le Wall Street Journal.

 La diplomatie au service de la paix : voilà qui nous change du discours ambiant sur fond de fracas des armes et d’insupportables pertes humaines .

23 mars 2023 at 7:20 Laisser un commentaire

« LA FRANCE DOIT CHANGER DE POLITIQUE INTERNATIONALE »

wurtz-l-humanite-dimanche« La mondialisation, on peut en faire une bonne ou une mauvaise (…) La réponse de la gauche à la mondialisation libérale, ce n’est pas de prêcher la démondialisation, c’est de changer de politique internationale ». Les arguments de Bertrand Badie, éminent spécialiste des relations internationales, sont percutants et convaincants. Il l’a prouvé une fois encore samedi dernier en clôturant une passionnante journée de débats qu’il avait co-organisée -une « première »- avec une structure d’échanges créée par le Parti communiste français et dirigée par Michel Laurent, le LEM (1).

La thèse avancée a la force de l’évidence: le monde a changé. D’abord, il n’est plus limité géographiquement comme du temps des colonies ou divisé comme durant la guerre froide. Il faut donc se situer par rapport à l’humanité et à la planète toutes entières. Ensuite, malgré les rapports de force impitoyables qui s’y exercent, il existe un niveau d’interdépendance sans précédent : aucun État, même le plus puissant, ne peut plus ignorer totalement les autres ni leur imposer toutes ses volontés. Au point que le Président Obama se demande si le leadership américain à encore un sens. Cette interdépendance offre une chance : ce que l’un gagne n’est plus nécessairement le résultat d’une perte pour l’autre. Par exemple, la Chine n’a rien à gagner à l’effondrement des États-Unis ou de l’Europe, et vice-versa !

Dans ce monde, les enjeux de sécurité ont changé. « Les États-Unis n’ont pas gagné une seule guerre depuis 1945…à l’exception de celle menée contre Grenade et sa poignée de soldats ! » souligne l’universitaire progressiste. Plus généralement, pas une intervention politico-militaire n’a réussi -y compris « en Libye, en République Centrafricaine ou même au Mali », précise Badie à propos des initiatives françaises. L’instrument militaire n’est plus adapté. « Ce n’est pas l’OTAN qui résoudra les frustrations des sunnites provoquées par la guerre civile en Irak et qui sont à l’origine du soutien populaire à Daech ! » Et si aucun des conflits existants au moment de la chute du Mur n’a été réglé depuis lors -Palestine, RDC, Somalie, Yémen,Érythrée, Soudan, Afghanistan…- c’est « parce qu’on n’a pas progressé en matière de gestion des biens communs de l’humanité. » Les violences qui « préparent les volcans de demain », ce sont avant tout les terribles inégalités qui sévissent dans le monde. Y compris entre les États . Il faut affronter ces problèmes et, pour y parvenir, dépasser « la diplomatie de la tasse de thé », c’est à dire les discussions entre amis et entre semblables. Refuser de négocier avec tous ceux que nous n’aimons pas nous conduit dans l’impasse.

Il est donc temps que les citoyens se mêlent de ces enjeux et deviennent des acteurs de la mondialisation . Et il est crucial de définir les axes d’une nouvelle politique internationale de la France. Bertrand Badie en verse quatre principaux au débat de la gauche. La solidarité : elle n’est pas caritative; elle est utile à celui qui l’exerce car elle consolide sa propre sécurité. Le multilatéralisme : il faut s’ouvrir à tous , aux Chinois, aux Russes, aux pays arabes, et y compris aux acteurs non étatiques. L’ « intersocialité »: c’est à dire les échanges entre les sociétés et pas seulement entre les États. L’ « altérité »: autrement dit la reconnaissance de l’autre dans sa différence. « La négation de l’altérité est à la base de la violence internationale de demain. À l’inverse, le respect, c’est la la plus belle des libertés, celle qu’on offre à l’autre ». Merci, Bertrand Badie !

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(1) Rencontre publique sur le thème : »Une réponse de gauche à la mondialisation », avec la participation (outre Bertrand Badie et Michel Laurent) de Leila Shahid, ambassadrice de Palestine auprès de l’Union européenne; Natassa Théodoradopoulou, représentante de Syrisa au Parti de la Gauche Européenne; Liêm Hoang-Ngoc, économiste, ancien parlementaire européen et animateur du collectif des « socialistes affligés »; Jean-Pierre Dubois, Président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme; Dominique Vidal, journaliste; Noël Mamère, député; Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International-France; Adem Uzum, dirigeant politique kurde; Francis Wurtz, député honoraire du Parlement Européen. Six heures de débats animées par Anne Sabourin, représentante du PCF au PGE et Dominique Bari, journaliste. (Sénat, 31/1/2015)

5 février 2015 at 10:17 Laisser un commentaire

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