« LA FRANCE DOIT CHANGER DE POLITIQUE INTERNATIONALE »
5 février 2015 at 10:17 Laisser un commentaire
« La mondialisation, on peut en faire une bonne ou une mauvaise (…) La réponse de la gauche à la mondialisation libérale, ce n’est pas de prêcher la démondialisation, c’est de changer de politique internationale ». Les arguments de Bertrand Badie, éminent spécialiste des relations internationales, sont percutants et convaincants. Il l’a prouvé une fois encore samedi dernier en clôturant une passionnante journée de débats qu’il avait co-organisée -une « première »- avec une structure d’échanges créée par le Parti communiste français et dirigée par Michel Laurent, le LEM (1).
La thèse avancée a la force de l’évidence: le monde a changé. D’abord, il n’est plus limité géographiquement comme du temps des colonies ou divisé comme durant la guerre froide. Il faut donc se situer par rapport à l’humanité et à la planète toutes entières. Ensuite, malgré les rapports de force impitoyables qui s’y exercent, il existe un niveau d’interdépendance sans précédent : aucun État, même le plus puissant, ne peut plus ignorer totalement les autres ni leur imposer toutes ses volontés. Au point que le Président Obama se demande si le leadership américain à encore un sens. Cette interdépendance offre une chance : ce que l’un gagne n’est plus nécessairement le résultat d’une perte pour l’autre. Par exemple, la Chine n’a rien à gagner à l’effondrement des États-Unis ou de l’Europe, et vice-versa !
Dans ce monde, les enjeux de sécurité ont changé. « Les États-Unis n’ont pas gagné une seule guerre depuis 1945…à l’exception de celle menée contre Grenade et sa poignée de soldats ! » souligne l’universitaire progressiste. Plus généralement, pas une intervention politico-militaire n’a réussi -y compris « en Libye, en République Centrafricaine ou même au Mali », précise Badie à propos des initiatives françaises. L’instrument militaire n’est plus adapté. « Ce n’est pas l’OTAN qui résoudra les frustrations des sunnites provoquées par la guerre civile en Irak et qui sont à l’origine du soutien populaire à Daech ! » Et si aucun des conflits existants au moment de la chute du Mur n’a été réglé depuis lors -Palestine, RDC, Somalie, Yémen,Érythrée, Soudan, Afghanistan…- c’est « parce qu’on n’a pas progressé en matière de gestion des biens communs de l’humanité. » Les violences qui « préparent les volcans de demain », ce sont avant tout les terribles inégalités qui sévissent dans le monde. Y compris entre les États . Il faut affronter ces problèmes et, pour y parvenir, dépasser « la diplomatie de la tasse de thé », c’est à dire les discussions entre amis et entre semblables. Refuser de négocier avec tous ceux que nous n’aimons pas nous conduit dans l’impasse.
Il est donc temps que les citoyens se mêlent de ces enjeux et deviennent des acteurs de la mondialisation . Et il est crucial de définir les axes d’une nouvelle politique internationale de la France. Bertrand Badie en verse quatre principaux au débat de la gauche. La solidarité : elle n’est pas caritative; elle est utile à celui qui l’exerce car elle consolide sa propre sécurité. Le multilatéralisme : il faut s’ouvrir à tous , aux Chinois, aux Russes, aux pays arabes, et y compris aux acteurs non étatiques. L’ « intersocialité »: c’est à dire les échanges entre les sociétés et pas seulement entre les États. L’ « altérité »: autrement dit la reconnaissance de l’autre dans sa différence. « La négation de l’altérité est à la base de la violence internationale de demain. À l’inverse, le respect, c’est la la plus belle des libertés, celle qu’on offre à l’autre ». Merci, Bertrand Badie !
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(1) Rencontre publique sur le thème : »Une réponse de gauche à la mondialisation », avec la participation (outre Bertrand Badie et Michel Laurent) de Leila Shahid, ambassadrice de Palestine auprès de l’Union européenne; Natassa Théodoradopoulou, représentante de Syrisa au Parti de la Gauche Européenne; Liêm Hoang-Ngoc, économiste, ancien parlementaire européen et animateur du collectif des « socialistes affligés »; Jean-Pierre Dubois, Président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme; Dominique Vidal, journaliste; Noël Mamère, député; Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International-France; Adem Uzum, dirigeant politique kurde; Francis Wurtz, député honoraire du Parlement Européen. Six heures de débats animées par Anne Sabourin, représentante du PCF au PGE et Dominique Bari, journaliste. (Sénat, 31/1/2015)
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