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QUELLE EUROPE ÉMERGERA DE CETTE MAUDITE GUERRE ?
« La guerre d’Ukraine a vu la naissance tardive d’une Union géopolitique (…) Nous devons nous doter de l’état d’esprit et des moyens nécessaires pour faire face à l’ère de la puissance et nous devons le faire à grande échelle. » Telle est depuis quelque temps la doctrine de l’Union européenne, rappelée par le chef de sa diplomatie, Josep Borrel, un mois après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine (1). Manifestement, le Kremlin, par sa maudite guerre en Ukraine, a dopé des tendances lourdes, déjà à l’œuvre dans l’UE auparavant, en en exacerbant les pires travers.
La première de ces tendances est la militarisation à outrance de l’Europe. Le cas de l’Allemagne est le plus spectaculaire. Rompant avec la tradition pacifiste adoptée après la défaite du nazisme, Berlin affiche aujourd’hui l’ambition de devenir « la force armée la mieux équipée d’Europe ». Paris, de son côté, fait faire un bond de 40% à sa loi (pluriannuelle) de programmation militaire. La Pologne, quant à elle, a plus que doublé son budget des armées. Partout, les dépenses militaires, déjà orientées à la hausse avant le conflit, s’envolent littéralement depuis son déclenchement. L’Union européenne, en tant que telle, a créé un instrument financier sans précédent -intitulé…« facilité européenne pour la paix »- pour fournir directement une aide militaire à des pays tiers. Quant à l’OTAN, elle est passée en un temps record de « l’état de mort clinique » à un activisme effréné en Europe, où elle recrute même d’anciens pays neutres !
Cette militarisation de l’Europe se conjugue avec une autre tendance en plein essor : l’américanisation de l’Union européenne. Les Etats-Unis déploient désormais dans l’UE plus de 100 000 soldats, en particulier dans sa partie orientale. Ils y écoulent avions de chasse, chars de combat , missiles et autres pièces d’artillerie en quantité exponentielle. Ils y exportent au prix fort leur gaz naturel liquéfié, produit par fracturation hydraulique, un procédé largement interdit en Europe. Notre dépendance à l’Amérique est , plus que jamais, économique, politique et stratégique.
Ajoutons à cela que la guerre en Ukraine a déplacé le centre de gravité de l’UE vers l’Est et mis sur un piédestal la Pologne du PiS, un régime dont certains discours rappellent ceux du FN, et dont, paradoxalement, la « vision du monde n’est pas sans présenter des similitudes avec celle du président russe, qui tend à s’ériger en dirigeant de la restauration conservatrice en Europe »(2) . Hier paria de « l’Europe des valeurs » du fait du non-respect de l’Etat de droit, de l’interdiction de l’IVG, de l’établissement de « zones libres d’idéologie LGBT », du rejet des réfugiés (à l’exception des catholiques), les migrants pouvant être « porteurs de toutes sortes de parasites » dont il convient de protéger les Polonais (Jarosław Kaczyński), Varsovie est aujourd’hui en train de voir valider par ses 26 partenaires sa vision stratégique de l’Europe : un atlantisme inconditionnel et une conception de la sécurité européenne qui ne voit désormais de salut que dans l’escalade des armes. Quo vadis, Europa ?
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(1) Voir « Le grand continent », 24/3/2022.
(2) Voir « Pologne: l’Europe du PiS », Valentin Behr (25/6/2018), GÉOPOLITIQUE.
GUERRE OU PAIX : 3 GRAVES MENACES A SUIVRE EN 2018
Le monde hérite en 2018 de nombreuses zones de conflits ou susceptibles de s’embraser suite à l’irresponsabilité effarante de « dirigeants » de premier plan, au premier rang desquels figure le chef de la « puissance indispensable », Donald Trump. Trois graves menaces du point de vue de la sécurité internationale sont à suivre tout particulièrement : dans la péninsule coréenne ; en Palestine; en Ukraine .
En Corée, un espoir de détente s’est levé à l’occasion du Nouvel An, quand le leader nord-coréen a, à la surprise générale, proposé de rencontrer son homologue du Sud « pour discuter de la participation » de Pyongyang aux Jeux Olympiques qui se dérouleront à Séoul en février prochain et , plus généralement, de « l’amélioration des relations inter-coréennes ». Le « téléphone rouge » entre les deux capitales va d’ailleurs rouvrir. Le Président sud-coréen a aussitôt saisi la balle au bond en proposant de tenir ces pourparlers dès le 9 janvier et en priant Washington de suspendre les méga-manoeuvres militaires prévues sous peu -comme chaque année !- dans la péninsule . « On verra, on verra » a répondu Trump, envisageant au mieux de décaler de quelques semaines cette gigantesque provocation et non d’y renoncer comme l’y invitent depuis longtemps Pékin et Moscou ! Arrivera-t-on à empêcher la Maison Blanche de gâcher cette chance de relancer le dialogue dans la poudrière coréenne ? On aimerait entendre la France et l’Europe s’exprimer fortement sur cet enjeu crucial…
Au Proche-Orient, non content d’avoir, le mois dernier, scandaleusement encouragé les pires ultras en Israël en leur accordant sa caution sur l’annexion de Jérusalem, le pyromane de Washington vient de menacer de suspendre la contribution américaine -369 millions de dollars par an !- à l’Agence des Nations-Unies en charge des réfugiés palestiniens (l’UNRWA) si l’Autorité palestinienne… « refuse de négocier le traité de paix qui se fait attendre depuis trop longtemps avec Israël » ! La concrétisation de cette incroyable menace risquerait de pousser à bout ces 5,2 millions de Palestiniens les plus fragilisés, qui vivent, de génération en génération, depuis 1948, dans 59 camps répartis en Cisjordanie, à Gaza, à Jérusalem-Est, mais aussi dans les autres pays de la région. Rappelons que c’est pour suppléer au refus d’Israël d’assumer ses responsabilités de puissance occupante qu’a été créée l’UNRWA, afin d’assurer les services sociaux, la santé, l’éducation et l’aide humanitaire indispensable aux Palestiniens chassés de leur terre. Voudrait-il provoquer l’explosion du désespoir que l’inqualifiable personnage américain ne s’y prendrait pas autrement. Là encore, l’inertie de Paris et de Bruxelles est consternante.
En Ukraine enfin, on notait avec un peu d’espoir un léger bouger, le 27 décembre dernier, lorsqu’a fini par aboutir le très attendu échange massif de prisonniers, sans précédent, entre Kiev et le Donbass. Il s’agissait enfin d’un début de mise en oeuvre d’un point des accords de paix de Minsk. C’était compter sans l’incommensurable irresponsabilité de Washington qui annonça quasiment au même moment son intention de fournir des armes létales lourdes -lance-roquettes; missiles antichars…- au pouvoir ukrainien, au risque de déclencher une nouvelle escalade meurtrière dans la région. Ce à quoi Emmanuel Macron et Angela Merkel ont réagi en se contentant de rappeler, sans autre considération, « leur attachement à la mise en oeuvre intégrale des Accords de Minsk »… Voilà pourquoi il est si important que l’enjeu de la guerre ou de la paix devienne ou redevienne une grande question populaire.
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