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NOUS DEVONS AUX KURDES ESTIME, RECONNAISSANCE ET SOLIDARITÉ
Nous nous apprêtions, avant Noël, à rendre sous peu un fraternel hommage aux trois militantes kurdes assassinées voilà tout juste dix ans, à Paris, quand nous avons appris, abasourdis, qu’un nouvel attentat venait de cibler la communauté kurde dans le même quartier de la capitale, tuant une femme et deux hommes, et blessant plusieurs autres personnes. En 2013, on déplorait parmi les victimes notre amie Rojbin, militante emblématique chargée des relations extérieures pour toute l’Union européenne . Cette fois-ci, parmi les morts, figure Emine Kara, responsable du mouvement des femmes kurdes en France, considérée comme une héroïne du mouvement national de son peuple pour avoir combattu, de Kobane à Rakka, le groupe « État islamique » en Syrie.
À notre douleur se mêlent l’indignation et la colère. Tout le monde sait -et les dirigeants de notre pays en premier- le danger permanent que courent, où qu’ils ou elles se trouvent, les représentantes et les représentants de ce peuple en lutte pour la reconnaissance de ses droits fondamentaux, Erdogan et les ultra-nationalistes turcs les considérant comme des « terroristes », à traquer en Turquie comme à l’étranger. Face à cette persécution, les gouvernements européens -France comprise- s’enferrent dans un irresponsable paradoxe, en louant (parfois) ces combattantes et ces combattants à titre personnel tout en qualifiant , à l’instar d’Ankara, de « terroristes » les organisations dont ils ou elles se réclament. Comment admettre que, dix ans après le triple assassinat de la rue Lafayette, dans lequel l’implication turque fut avérée, Paris continue de refuser de lever le secret-défense demandée par le juge d’instruction, de peur de froisser Ankara ! Comment justifier le refus de l’asile opposé naguère à Emine Kara ! Comment interpréter le manque de protection assurée aux exilés et exilées kurdes -particulièrement en cette période de préparation des commémorations du 10ème anniversaire du drame de 2013- malgré les mises en garde explicites émises par des personnalités de référence comme l’écrivaine et sociologue Pinar Selek, elle-même réfugiée kurde !
En vérité, nous devons à ces femmes et à ces hommes estime, reconnaissance et solidarité ! Nous leur devons de l’estime pour leur engagement résolu en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes , de la laïcité, comme du strict respect des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques -en contradiction absolue avec les thèses réactionnaires du régime d’Erdogan. Nous leur devons de la reconnaissance pour la contribution décisive que nombre d’entre elles et d’entre eux ont apportée, avec une bravoure mondialement reconnue, à la défaite de Daesh. Nous leur devons la solidarité pour le prix exorbitant -la prison, l’exil forcé, et trop souvent la mort- qu’ils et elles ont à payer pour ouvrir à leur peuple un avenir de justice et de liberté. Est-ce, dès lors, trop demander à nos autorités que de faire en sorte que la France soit pour elles et pour eux un havre de paix dans la sécurité ?
PALESTINIENS, KURDES : PEUPLES MARTYRS !
« Lors du discours qu’il a prononcé à La Tribune des Nations-Unies en novembre 1974, Yasser Arafat a successivement proposé d’établir un « mini-Etat » en Cisjordanie et Gaza, de procéder à une reconnaissance réciproque et simultanée entre Israël et l’OLP, de négocier avec les représentants de l’Etat juif dans le cadre d’une conférence internationale sous l’égide de l’ONU et des grandes puissances (…) Début 1983, il reçut personnellement à Tunis certaines personnalités (israéliennes, sionistes mais favorables à une solution bi-étatique), en compagnie desquelles il s’est fait photographier, défiant ainsi plusieurs organisations de fédayins (…) Dans tout autre conflit, de telles dispositions auraient été suffisantes pour aboutir à un règlement ». Là, il n’en fut rien.
Cette longue citation d’un ancien journaliste du « Monde » et grand connaisseur du Moyen-Orient, date de 1984 (1). Cette terrible injustice, ce spécialiste reconnu de la question en attribuait « une part de responsabilité particulièrement lourde » aux Etats-Unis, dont il fustigeait l’hypocrisie : « admettre dans son principe le droit à l’autodétermination des peuples, tout en le niant aux Palestiniens sous divers prétextes ». 35 ans après, ce constat lucide conserve toute son actualité, à cette différence près que tant la sauvagerie de l’occupant que la complicité de son parrain américain ont décuplé, tandis que les dirigeants européens s’illustrent bien plus qu’à l’époque par leur démission politique et éthique en continuant d’assurer l’impunité à Israël , quel que soit le degré de violation du droit international perpétré par son chef et son armée. Puisse la prise de conscience de cet énorme scandale toucher les futures générations d’Européens et les conduire à prendre , aussi longtemps que cela s’avérera nécessaire, le relai de leurs aînés dans l’emblématique combat pour la solidarité avec le peuple palestinien.
Cet engagement ne peut être séparé de celui qu’appelle, pour des raisons très proches -y compris la part de responsabilité de Washington et l’impuissance des Européens- , le sort imposé au peuple kurde, autre peuple martyr ! Ce devoir de solidarité s’impose à tout observateur un tant soit peu humain comme une évidence, particulièrement depuis que le dictateur turc s’acharne avec une violence sans précédent tant contre les citoyens kurdes de son propre pays que, désormais, contre ceux du voisin syrien. En poussant cette fois l’agression jusqu’à occuper militairement un territoire étranger, à pratiquer un véritable nettoyage ethnique dans la région occupée, à persécuter ceux-là même que le monde entier reconnaissait -depuis Kobanê- comme les combattants et combattantes les plus farouches contre Daech, au prix de la vie de milliers d’entre elles et d’entre eux, le maître d’Ankara défie la communauté internationale. Laisser passer un tel crime sans réagir reviendrait à encourager ce dictateur mégalomane à pousser toujours plus loin son aventure guerrière. Les Kurdes demandent tout à la fois des mesures répondant aux besoins humanitaires et de protection de la population ainsi qu’une intervention politique et judiciaire, dans le cadre de l’ONU, à même d’arrêter le bras de l’envahisseur et d’assurer aux Kurdes de Syrie la place qu’il leur revient dans le processus de résolution de la crise de leur pays. Il faut les entendre.
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(1) Eric Rouleau dans « Les Palestiniens, d’une guerre à l’autre » (La Découverte, 1984)
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