Archive for octobre, 2023

« CONDAMNER LE HAMAS  ET  DÉFENDRE LA CAUSE PALESTINIENNE »

  Dans le remarquable entretien réalisé par l’Humanité avec l’historien israélien, Shlomo Sand (20/10/2023), le courageux défenseur de la paix regrettait qu’Emmanuel Macron suive Joe Biden « les yeux fermés au lieu d’avoir une politique plus intelligente : aider à un cessez-le-feu, à trouver des voies pour la paix et pour une solution politique ». Oui, souligna-t-il, il faut « condamner le Hamas et en même temps défendre la cause palestinienne » ! Voilà une évidence qui échappe manifestement à la plupart des gouvernements européens. Le même jour se tenait d’ailleurs un Sommet Etats-Unis – Union européenne dont la Déclaration finale reproduisait trait pour trait la posture unilatérale dénoncée par Shlomo Sand. Certes, tout comme le fait régulièrement la diplomatie française, Washington et Bruxelles concluaient le passage de leur proclamation consacrée à  « la situation au Proche-Orient » par la formule rituelle -qui plus est, en l’occurrence, dans sa mouture la plus vague puisqu’il n’y est question ni des « frontières de 1967 » ni de « Jérusalem-Est comme capitale »-  : « Nous insistons sur notre point de vue commun, à savoir qu’une solution fondée sur la coexistence de deux Etats reste la seule perspective viable de parvenir à une paix durable ». Point à la ligne. La belle affaire ! Car, faute d’être assortie de la moindre initiative politique significative ni du début d’une pression sérieuse visant à arrêter le bras du pire gouvernement de l’histoire de l’Etat d’Israël, cette petite phrase convenue tient plus d’un signe d’indifférence que d’une marque de solidarité. Et ne rien faire, c’est condamner au pire les Palestiniens comme les Israéliens.

D’éminents dirigeants Israéliens ont eu, dans le passé, la sagesse de mettre en garde leur propre peuple contre l’aveuglement dont nous vivons aujourd’hui les effroyables conséquences. Ils n’ont malheureusement pas été écoutés, mais combattus par ceux-là même qui occupent le pouvoir aujourd’hui. Qui ne se souvient avec émotion d’ Itzhak Rabin, Premier Ministre d’Israël, lançant en 1995 à la foule de manifestants pour la paix venus le soutenir contre les attaques féroces dont il fut l’objet de la part des ultra-nationalistes : « La violence s’attaque à la base de la démocratie israélienne. Elle doit être condamnée et isolée », quelques minutes avant de tomber sous les balles d’un tueur israélien d’extrême-droite dont les tuteurs siègent aujourd’hui au gouvernement ! Sept années plus tard, face à la dangereuse dérive de la situation politique en Israël, ce fut au tour du Président du Parlement israélien, la Knesset, Avraham Burg, d’oser déclarer à ses collègues : « Un peuple d’occupants (…) finit par être changé et défiguré par les tares de l’occupation (…) Le cycle infernal d’attentats et de ripostes, de morts et de vengeances nous a transformés en des gens aigris et insensibles qui ne voient aucune autre alternative que le bâton et le poing ». En 2007, il réitéra ses craintes dans le quotidien Israélien Haaretz, en prédisant « une explosion sans fin », et en avertissant qu’Israël était « au pied du mur ». C’était il y a 16 ans. On connaît la suite…Que faut-il à nos dirigeants pour comprendre qu’une éradication de la violence et l’établissement d’une paix durable au Proche-Orient passent par une reconnaissance, non en paroles mais en actes, de la cause palestinienne , celle -comme vient de le rappeler Leila Shahid- « d’un peuple courageux, digne, qui se bat tout seul depuis presque un siècle pour quelque chose qui s’appelle tout simplement la justice ». 

27 octobre 2023 at 7:01 Laisser un commentaire

GAZA : « LÉGITIME DÉFENSE » ? NON : CRIMES DE GUERRE !

À l’heure où ces lignes sont écrites (15 octobre) , l’armée israélienne continue de préparer son offensive terrestre sur Gaza. Tel-Aviv pousse le cynisme jusqu’à déclarer accorder « pour des raisons humanitaires »(!) un délai supplémentaire aux centaines de milliers de personnes habitant le Nord du territoire pour se réfugier au Sud, près de la frontière égyptienne. Comble d’indulgence : Israël vient d’annoncer qu’elle cesserait de bombarder… la route de l’exode, ce dimanche « entre 10 heures et 13 heures » ! En l’espace d’une semaine, en plus de l’ordre d’évacuation d’un million de civils, livrés à eux-mêmes,  l’armée de Netanyahu aura, avec le siège complet de Gaza visant l’entrée de nourriture, d’eau, de médicaments, de carburant et d’électricité dont dépendent 2,3 millions de personnes; la destruction de 5540 maisons, 3750 bâtiments supplémentaires étant rendus inhabitables (chiffres de l’ONU); les bombardements incessants tuant 2215 Palestiniens -dont 724 enfants- et en en blessant 8714 autres…, d’ores et déjà perpétré d’innombrables crimes de guerre. Lesquels s’ajoutent -certains commentateurs ont tendance à l’oublier- à 57 années d’occupation dont 16 ans de blocus de Gaza ! 

Rien, absolument rien ne peut justifier une telle inhumanité. Pas même la rage suscitée par l’horreur du 7 octobre dernier. On ne peut que rejoindre Delphine Horvilleur, la rabbine qui incarne le judaïsme libéral en France, lorsqu’elle déclare qu’ « aucune cause, aussi juste soit-elle, ne légitime les crimes du Hamas », et que « certains silences (l’ont) terrassée, notamment celui de certains amis, soutiens de la cause palestinienne et incapables de dénoncer clairement le Hamas ». De fait, les images insoutenables et les témoignages bouleversants sur le massacre aveugle de centaines de civils israéliens, l’insupportable sauvagerie des assaillants, leurs exécutions sommaires et leur prise d’otages sont à jamais gravés dans notre mémoire : la condamnation radicale de tels actes, effectivement de nature terroriste, est, c’est vrai, consubstantielle de la défense de toute cause humaine. Au nom des mêmes principes, rien ne peut nous conduire à laisser sans réagir Netanyahu invoquer la « légitime défense » à propos de sa punition collective monstrueuse infligée au peuple de Gaza. 

Parmi les réactions internationales, on doit à M. Türk, Haut-Commissaire aux Droits de l’homme de l’ONU, le rappel que « l’imposition de sièges qui mettent en danger la vie des civils (…) est interdite par le droit international humanitaire », et un appel à renoncer aux « cercles vicieux de la vengeance ». L’Organisation mondiale de la santé a, quant à elle, prévenu que l’évacuation forcée de plus de 2000 patients des hôpitaux du Nord vers les établissements débordés du Sud de Gaza pouvait être « l’équivalent d’une peine de mort » ! En revanche, le Conseil de sécurité de l’ONU a illustré, une fois de plus, l’unilatéralisme de ses membres les plus influents : ainsi, selon un observateur averti, « Les Etats-Unis n’accepteront tout simplement pas un texte appelant un cessez-le-feu dans les prochains jours », eux qui, déjà en 2021, « avaient refusé d’approuver toute déclaration sur le conflit entre Israel et le Hamas jusqu’à ce qu’Israël ait atteint ses objectifs militaires » (1). Entre-temps, des affrontements se développent entré Israël et le Hezbollah libanais, tandis que l’Iran menace d’intervenir si Israël poursuit son attaque à Gaza…Jusqu’où Washington aidera-t-il à s’aventurer Netanyahu ?

———

(1) Richard Gowan, International Crisis Group ( « Le Monde », 14/10/2023 )

19 octobre 2023 at 4:12 Laisser un commentaire

Francis Wurtz : « Condamner le massacre, sans justifier la politique de Netanyahou »

Entretien

Près d’un poste de police détruit à Sdérot (Israël), le 8 octobre 2023.
© RONALDO SCHEMIDT / AFP

Tout d’abord, devant ce carnage effroyable commis par le Hamas contre la population civile israélienne, je veux rappeler que rien ne peut justifier une telle attaque. Il faut la condamner très clairement, et sans ambiguïté. En toutes circonstances, attaquer aveuglément une population civile est inacceptable.

Cette condamnation ne doit pas non plus nous conduire à justifier la politique de Netanyahou et de son gouvernement d’extrême droite, le plus radical de toute l’histoire d’Israël. C’est cette politique qui alimente l’exaspération de la population de Gaza. Tout le monde l’a reconnu, c’est une prison à ciel ouvert. Expliquer n’est pas justifier.

La source de ces violences inacceptables c’est l’occupation, dans la mesure où tout ce qui se passe à Gaza est contrôlé par Israël. Le gouvernement français doit condamner cette attaque, évidemment. Et en finir aussi avec le deux poids, deux mesures. On ne peut pas parler en toutes circonstances de l’État de droit et fermer les yeux sur les violations permanentes du droit international et des résolutions de l’ONU par le gouvernement israélien.

Officiellement, la politique du gouvernement français prône deux États vivant côte à côte en sécurité. Quand on est un pays membre du Conseil de sécurité, il faut aller au-delà des mots. Depuis 1967, les résolutions de l’ONU sont sans équivoque. Il faut à la fois être très clair dans la condamnation de ce massacre et ne pas passer sur la lourde responsabilité du gouvernement Netanyahou dans le renforcement d’une politique d’oppression du peuple palestinien.

L’ONU fait ce que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité acceptent qu’elle fasse. Les Nations unies ont voté en Assemblée générale et au Conseil de sécurité des résolutions très justes concernant la politique d’Israël en Palestine. Sauf que les États-Unis mettent leur veto. La France doit réagir.

Quand a-t-on vu le président français prendre des initiatives marquantes, permettant de remettre au premier plan des préoccupations diplomatiques la question du Proche-Orient ? Depuis 1967, il n’y a que des espoirs déçus, et dans la dernière période une aggravation. Il incombe aux membres du Conseil de sécurité de ne pas laisser la communauté internationale s’endormir face à une injustice récurrente.

Dans une situation pareille, qui encourage forcément une réaction émotionnelle, il faut éviter coûte que coûte l’escalade. Elle ne conduit pas à une solution, mais au contraire à une aggravation, sur les plans humain et politique. C’est valable pour le débat aussi.

On peut défendre des idées contradictoires. Mais il faut mesurer ce qui se dit, surtout sur le terrain. La réplique d’Israël a démarré, elle est très arbitraire. Dire que l’on va évacuer la population de Gaza est une absurdité pour qui connaît la réalité de ce petit territoire de plus de 2 millions d’habitants. La répression engagée va toucher des innocents, qui sont déjà les victimes de la répression permanente et de l’isolement d’un territoire sans ressources et sans avenir.

Le risque est grand. Raison de plus pour fustiger toute escalade dans l’étape immédiate. L’Autorité palestinienne a malheureusement été vidée de toute efficacité, de toute représentativité. Il n’y a plus d’élection depuis une éternité.

L’occupant lui a retiré toute crédibilité auprès de la population palestinienne puisqu’elle n’a pas du tout les moyens de changer la situation. La construction d’une perspective suppose que l’on redonne aux Palestiniens la possibilité réelle d’avoir des représentants élus, qui puissent être reconnus comme interlocuteurs de l’État d’Israël.

14 octobre 2023 at 4:33 Laisser un commentaire

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