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MACRON GALVAUDE UNE PROPOSITION DU PCF SUR L’EUROPE
« Jupiter » a inauguré, la semaine dernière à Epinal dans les Vosges, les fameuses « consultations citoyennes sur l’Europe » qu’il a prévu d’organiser dans toute la France jusqu’au mois d’octobre prochain. Objectif affiché : intégrer les attentes et les propositions des citoyens à son projet de « refondation » de l’Union européenne ! Mieux : le Président de la République dit avoir convaincu la plupart de ses homologues européens de faire de même. Aussi, une restitution globale des contributions recueillies est-elle prévue au Conseil européen des Chefs d’Etat et de gouvernement des « 27 » en décembre prochain. Emmanuel Macron nous l’assure : « les priorités, les préoccupations, les idées » ainsi identifiées « nourriront notre feuille de route pour l’Europe de demain » ! (1)
L’hôte de l’Elysée aurait-il fait sienne une proposition portée par le Parti communiste depuis 2012 , selon laquelle « La France prendra l’initiative d’Etats généraux de la refondation européenne » ? Pas vraiment ! Pour les communistes, il s’agissait, à l’instar de l’expérience de démocratie citoyenne de 2005 sur le projet de traité constitutionnel européen, de permettre à la profonde volonté de changement vis-à-vis des politiques et du fonctionnement de l’UE de s’exprimer en toute clarté. Et ce à l’échelle européenne, en donnant la parole à des forces politiques, à des organisations syndicales, à des mouvements associatifs, à des réseaux citoyens du plus grand nombre possible de pays européens. Gageons que les aspirations au développement social, à la défense de l’environnement, à une réorientation de l’argent vers « l’humain d’abord », à une extension des possibilités d’échanges internationaux à l’ensemble des jeunes, à une implication effective des citoyens et des parlements nationaux dans les grandes décisions européennes, à de grandes initiatives diplomatiques européennes en faveur d’un monde de paix etc…auraient littéralement inondé ces débats ! Le but était d’éviter tout dévoiement du débat européen tant par les nationalistes que par les néolibéraux.
Au lieu de cela, le questionnaire-Macron suggère d’emblée comme priorités « la lutte contre le terrorisme » ou « la défense européenne ». Et, de toutes façons, aux yeux d’Emmanuel Macron -les cheminots en savent quelque chose !- les « consultations » visent ni plus ni moins qu’à faire entériner « démocratiquement » les choix faits à l’avance en haut lieu. Cela vaut d’autant plus sur le plan européen : même un électeur moyen de la « République en marche » devrait pouvoir comprendre que le fait de compter sur les gouvernements en place dans l’UE pour évaluer les attentes des Européens lors de leur sommet de fin 2018 laisse peu de suspens sur le contenu de la « refondation européenne » en question…Retenons néanmoins une leçon positive de l’opération électorale que représentent ces « débats-Macron » : la reconnaissance qu’ « On ne construit pas l’Europe à l’écart des peuples »(2). Alors, on fait mine de les associer. C’est une sorte d’hommage du vice à la vertu ! Et un vrai défi aux forces de progrès .
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(1) Discours de la Sorbonne (26/9/2017)
(2) Nathalie Loiseau, ministre chargée des Affaires européennes
RETOUR SUR LE « MODELE » FERROVIAIRE ALLEMAND
De tous les articles parus en France, dans la dernière période, sur les différentes expériences européennes en matière de libéralisation des chemins de fer, le plus documenté, le plus percutant et surtout le plus juste est, à mes yeux, celui de Bruno Odent dans « L’Humanité » sur la réforme ferroviaire de la « Deutsche Bahn » (1). Pour vivre à proximité de la frontière franco-allemande, je peux témoigner de la véracité des faits qui y sont relatés. Notamment la pagaille géante et de longue durée provoquée l’été dernier par l’effondrement d’un tunnel ferroviaire à Rastatt , non loin de Strasbourg, et qui fit couler beaucoup d’encre , outre-Rhin, sur la vétusté du réseau ferré secondaire allemand .
Il s’agit d’ailleurs là d’un débat récurrent en Allemagne. Selon le magazine en ligne Slate, citant « Der Spiegel », un rapport remis en octobre 2016 par une commission d’experts mandatée par le ministère allemand de l’économie, « les infrastructures du pays se détériorent plus vite qu’elles ne sont réparées ». Et cela vaut pour le rail : « L’entreprise ferroviaire allemande, la DB n’investit quasiment pas dans le maintien des voies ferrées » (2). Une blague moqueuse circule à ce propos en Allemagne : « La DB a quatre problèmes, l’hiver, le printemps, l’été, l’automne ». Il est d’ailleurs curieux de constater que si la presse française est actuellement prompte à célébrer le « modèle » ferroviaire allemand, il n’en allait pas de même il y a peu, quand le thème n’avait pas encore la charge politique qu’il a pris avec le bras de fer entre le pouvoir et les cheminots : « Les trains suscitent régulièrement l’ironie des voyageurs pour leurs pannes monumentales et leur désastreuse ponctualité » notait, par exemple, fort justement « Le Monde » en janvier 2017…Le journal relatait alors un événement intervenu au sein de la compagnie nationale des chemins de fer allemands, que j’estime très révélateur du fond du problème en débat aujourd’hui : le départ de l’emblématique Directeur de la DB suite à un différend avec le Conseil de Surveillance de la société.
Sur quoi portait ce différend ? Estimant incontournable et urgent de relancer un certain nombre d’investissements, qui ont naturellement un coût, le dirigeant avait pris des mesures ayant engendré des « résultats » financiers de la compagnie jugés intolérables en haut lieu : des pertes de 1,3 milliard d’euros en 2015 et un niveau d’endettement en 2016 suffisamment élevé pour que les tristement fameuses « agences de notation » s’en alarmèrent publiquement ! L’Etat avait -ô scandale !- dû recapitaliser l’entreprise en y injectant 2,4 milliards d’euros et en renonçant à une partie de son dividende (3). Autrement dit, les améliorations intervenues sur le réseau ferré allemands sont dues à des mesures non voulues par les « parrains » de la Deutsche Bahn parce qu’elles allaient à l’encontre de leur stratégie financière qui vise à « rendre le chemin de fer en capacité d’affronter les marchés financiers » ! Entre le marché et le service public, il faut choisir. Nous sommes là au coeur du débat actuel. C’est ce qui doit fonder la solidarité entre cheminots et usagers.
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(1) Le vrai visage d’une réforme ferroviaire « exemplaire » (29/3/2018)
(2) Slate.fr (13/10/2016)
(3) « Le Monde » (31/1/2017)
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