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L’UE ET LE CLIMAT : METTRE CARTES SUR TABLE !
Incendies terrifiants et meurtriers depuis la Grèce jusqu’en Suède; canicule suffocante de la Méditerranée au cercle polaire; brasiers géants de la Californie à l’Australie…Cet été aura cruellement rappelé aux sceptiques et aux inconscients que la lutte contre le changement climatique n’est pas un luxe ou un supplément d’âme, mais une exigence vitale à l’échelle de la planète. L’UE -3ème émettrice de gaz à effet de serre (10%)- partage officiellement cette analyse. Pionnière dans les années 90, elle dit vouloir toujours se montrer exemplaire en la matière. Qu’en est-il ?
Lors de la COP 21, en 2015, les Etats membres de l’UE s’étaient fixé collectivement une feuille de route jusqu’en 2030 . Celle-ci correspondait à une BAISSE moyenne des émissions d’environ 0,9% par an entre 2014 et 2030 -ce que des spécialistes avaient déjà jugé inférieur de moitié à ce qui serait nécessaire pour respecter l’ambition affichée par l’accord de Paris : limiter le réchauffement à 2 degrés, voire 1,5. Près de trois ans ont passé et le constat est alarmant : les pays de l’UE ont, en moyenne,…AUGMENTÉ leurs émissions de 1,8% en 2017 par rapport à 2016. La France, qui, comme les autres pays riches de l’UE, était censée faire plus d’efforts que la moyenne, a vu ses émissions croître de 3,2% ! (Chiffres d’Eurostat). Inacceptable ! L’une des conditions les plus cruciales à remplir pour respecter l’accord de Paris était d’agir au niveau de la production énergétique en renonçant au charbon d’ici 2030. A cet égard, c’est le cas de l’Allemagne, première consommatrice d’énergie de l’UE (et 6ème dans le monde), qui fait hurler d’indignation : à une douzaine d’années à peine de l’échéance, les combustibles fossiles entrent toujours pour 51% dans sa production d’électricité et pour… plus de trois quarts dans sa consommation d’énergie en général ! (Source: « Connaissance des énergies »). Irresponsable !
Enfin, les émissions de gaz ne connaissant pas de frontières, la mobilisation pour sauver le climat doit être partie intégrante de l’action internationale de l’UE. Surtout après la décision réellement criminelle de Donald Trump de retirer son pays -1er pollueur du monde par habitant- de l’accord de Paris. Est-ce le cas ? Malheureusement pas. Certes, on notera pour s’en réjouir certaines initiatives positives. Par exemple, le mois dernier, avec un sommet UE-Chine prometteur en matière de collaboration sur le changement climatique, les énergies propres et un transport aérien moins carboné. De même, le rôle joué par l’UE dans l’adoption de l’amendement contraignant dit « de Kigali » au protocole de Montréal pour la protection de la couche d’ozone a été légitimement salué : cet accord obligera les pays développés à réduire leur production et leur consommation de HFC (1) en 2019. Mais, dans le même temps, les nombreux accords de libre-échange dont l’UE a pris l’initiative ont des effets clairement néfastes sur le climat, comme l’ont fait remarquer, il y a juste un an, à Emmanuel Macron, les 9 experts missionnés par le gouvernement lui-même sur l’accord UE-Canada, le CETA. Quant au « Fonds vert pour le climat » destiné à aider les pays du sud, où en sont les engagements concrets des Européens ?
Il est grand temps de mettre cartes sur table en toute transparence sur toutes les dimensions de ce enjeu majeur pour nos générations: le climat est un défi taillé sur mesure pour une « Europe » prenant ses responsabilités et tournée vers l’avenir.
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(1) Hydrofluocarbones , dont l’utilisation dans les appareils de réfrigération et de climatisation ou les aérosols accélère le changement climatique.
QUE SE PASSE-T-IL DANS LES BANQUES EUROPÉENNES ?
1000 milliards d’euros ! Tel est le montant astronomique des « créances douteuses » (prêts susceptibles de ne pas pouvoir être remboursés par les emprunteurs ) qui plombent toujours le bilan des banques de la zone euro et peuvent à tout moment menacer de déstabiliser l’économie d’une région, voire d’un pays tout entier, si ce n’est de la zone euro dans son ensemble. Des bombes à retardement au coeur de la zone euro ! Voilà encore un héritage de la frénésie spéculative et des politiques d’austérité des dix dernières années. Il préoccupe aujourd’hui la classe dirigeante qui porte elle-même une large part de responsabilité dans cette situation. Il s’agit à présent de prévenir toute faillite bancaire et le risque de contagion qui l’accompagne . Les autorités européennes de « supervision » des banques et de « résolution » des crises dans ce secteur viennent ainsi d’ordonner coup sur coup plusieurs opérations de « sauvetage » en catastrophe d’établissements financiers « défaillants ». Et ce n’est manifestement pas fini. Mais leurs « solutions » créent de nouveaux problèmes. Rappel des faits :
Début juin, c’est la 6ème banque d’Espagne , « Banco Popular », qui s’avère être au bord de la faillite. Pourquoi ? Du fait d’un bilan plombé par 37 milliards d’ euros d’ « actifs toxiques » liés à des biens saisis à des familles ruinées qui n’étaient plus en mesure de rembourser leurs emprunts . En un temps-record, « Bruxelles » a organisé le rachat de cet établissement…pour 1 euro symbolique par la première banque du pays, Santander (17 millions de clients dont de très nombreuses PME). Qu’adviendra-t-il des 11 000 salariés et des 1700 agences de la banque rachetée ? Nul ne le sait.
Seule consolation : l’Etat n’a rien dépensé dans l’opération. C’était la première application des nouvelles règles européennes en cas de faillite bancaire : le renflouement des banques en perdition ne doit plus se faire avec des fonds publics mais en sollicitant les actionnaires et les créanciers de l’établissement concerné . Cette « première » est alors célébrée dans l’UE comme une réussite prometteuse. Promis, juré : on n’allait plus revoir une situation comme celle du récent sauvetage de la troisième banque d’Italie -et la plus ancienne du monde- , Monte dei Paschi di Siena (MPS), à laquelle l’Etat avait dû verser une aide colossale de 8,3 milliards d’euros pour éviter l’effondrement de la vénérable institution , percluse de 47 milliards de créances douteuses, et surtout pour éteindre la mèche au plus vite. On devait donc en avoir enfin fini avec ces pratiques indéfendables qui voyaient la sphère publique se surendetter pour éteindre les incendies de la sphère financière, tout en taillant sans ménagement dans les effectifs des banques « sauvées » (5000 suppressions de postes dans le cas de MPS !)
Las, la quasi-faillite de deux banques qui vient de se produire en Vénétie vient d’apporter un spectaculaire démenti à ces pronostics rassurants . La seule « solution » trouvée pour circonscrire ce nouveau sinistre est, une fois encore la même que naguère…en pire. Les deux établissements en grande difficulté sont liquidés . Leurs « actifs sains » (les crédits sans problème) -et eux seuls- sont transférés pour 1 € symbolique à la plus grande banque de détail d’Italie, Intesa Sanpaolo, qui bénéficie en plus d’une aide publique de quelque 5 milliards d’euros . Quant aux fameuses « créances douteuses », c’est à nouveau l’Etat qui les prend en charge et en couvre tous les risques ! Coût supplémentaire potentiel pour les contribuables transalpins : 12 milliards d’euros ! Coût social immédiat : fermeture de 600 agences et départ « volontaire » de 3900 employés ! N’attendons pas le prochain « sauvetage » de ce genre pour ouvrir le débat de fond qui s’impose.
LES « TRAVAILLEURS DETACHES », NOS FRERES DE COMBAT.
L’attitude -très exceptionnelle- de fermeté finalement adoptée ( le 20 juillet dernier ) par la Commission européenne vis-à-vis de 10 Etats membres d’Europe centrale et orientale au sujet de la directive « travailleurs détachés » mérite qu’on s’y arrête. Rappelons les faits. A l’origine, il y a un véritable scandale , que nous ne cessons de combattre, et qui est au coeur de l' »Europe libérale » : l’organisation de la mise en concurrence des peuples pour tirer les conquêtes sociales vers le bas tout en dressant les travailleurs européens les uns contre les autres afin de neutraliser leurs luttes. Ainsi, au nom de la « libre prestation des services » au sein du marché unique , les traités européens autorisent-ils tout employeur du secteur des services établi dans un Etat membre à « détacher temporairement » ( jusqu’à deux ans ! ) ses travailleurs dans un autre pays membre tout en continuant d’appliquer à ces salariés un certain nombre de normes de travail de leur pays d’origine . Les garanties accordées à ces centaines de milliers de travailleurs dans leur Etat d’accueil par la fameuse « Directive Détachement » de 1996 sont , à ce jour, très limitées. Même un salaire minimum qui ne serait pas de portée nationale ( par exemple un salaire de base fixé par une convention collective ) ne pourrait pas être imposé à leur employeur. La Cour de Justice de l’Union européenne l’affirmait catégoriquement en 2008 : il est strictement interdit à l’Etat qui les accueille d’imposer « aux prestataires de services établis dans un autre Etat membre, où les taux de salaire minimal sont inférieurs, une charge économique supplémentaire qui est susceptible de gêner ou rendre moins attrayante (sic) l’exécution de leurs prestations dans l’Etat d’accueil » ! (1) Par ailleurs, les cotisations sociales patronales restent celles du pays d’origine.
Or, après des années d’intenses luttes syndicales et politiques pour une rupture avec cette logique diabolique, la Commission européenne vient enfin, en mars dernier, de préparer un projet de révision de la Directive de 1996. Celui-ci -s’il ne touche pas au privilège patronal en matière de cotisation sociale- annonce néanmoins un changement réel en affirmant le principe « à travail égal salaire égal » entre travailleurs nationaux et « détachés », y compris en ce qui concerne d’éventuelles primes ou un 13ème mois. En outre, l’Etat d’accueil pourrait désormais imposer aux sous-traitants d’appliquer le même salaire que le donneur d’ordre.
Ce changement a aussitôt soulevé un tollé parmi le patronat des pays d’Europe centrale et orientale, dont les gouvernements ultra-libéraux ont organisé un tir de barrage contre le projet de Bruxelles. En vain, jusqu’ici. Il appartient aux forces de progrès de se mobiliser pour pousser l’avantage, non pas contre les « travailleurs détachés » , mais pour une Europe de l’égalité des droits et de la solidarité. A cet égard, comment ne pas être surpris et attristé d’apprendre qu’un orfèvre de la parole comme Jean-Luc Mélenchon ait pu choisir de parler à la tribune du Parlement européen à ce propos de « travailleur détaché qui vole son pain au travailleur qui se trouve sur place » ! (2) Nous sommes de ceux pour qui les valeurs de gauche ont encore un sens. Y compris sur les enjeux européens .
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(1) Cour de Justice de l’Union Européenne ( Arrêt Rüffert : avril 2008 )
(2) « Je crois que l’Europe qui a été construite, c’est une Europe de la violence sociale, comme nous le voyons dans chaque pays chaque fois qu’arrive un travailleur détaché qui vole son pain au travailleur qui se trouve sur place ». ( Le 5 juillet 2016.)
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